Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Ifrah, avocat au barreau du Mans ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0300898 en date du 19 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 27 décembre 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 compte tenu des violences subies et de son état de santé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire sera annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le signataire de l'arrêté contesté ne pouvait pas se confier le soin d'assurer l'exécution de la décision fixant le pays de renvoi ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre 2013, présenté pour Mme B... qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2013, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité compétente ;
- aucune disposition n'interdit de confier au signataire d'un arrêté ayant reçu délégation pour ce faire, le soin de son exécution ;
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui des conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement ;
Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 29 juillet 2013 admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Ifrah pour la représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco- algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la convention de New York sur les droits de l'enfant ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2014 le rapport de M. Giraud, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme B..., ressortissante algérienne, relève appel du jugement du 19 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 7 juin 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué a été signé par Mme Debatte, secrétaire générale de la préfecture de la Sarthe ; qu'il ressort des pièces du dossier que celle-ci a reçu délégation, par arrêté du préfet de la Sarthe du 19 juin 2012 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de juin 2012, à l'effet de signer, notamment, les refus de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire ainsi que les décisions fixant le pays de renvoi ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté litigieux n'aurait pas compétence pour s'auto désigner comme exécutant des décisions contestées est dépourvu de tout caractère sérieux et doit être rejeté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;
5. Considérant que l'arrêté contesté, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, en particulier, contrairement à ce que soutient la requérante, des éléments suffisants sur sa situation personnelle ; qu'il est, dès lors, régulièrement motivé au regard des exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; qu'en application des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mesure d'obligation de quitter le territoire français dont le préfet de la Sarthe a assorti sa décision de refus de titre de séjour n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte ; qu'enfin, la décision fixant le pays à destination duquel Mme B... pourrait être reconduite, qui vise les articles L. 511-1, I et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité de l'intéressée et précise qu'elle ne justifie pas faire l'objet de menaces ou être exposée à des risques pour sa sécurité ou sa vie en cas de retour en Algérie, est également suffisamment motivée ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. La condition prévue à l'article L. 311-7 du présent code n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier ni même n'est allégué par la requérante qu'elle bénéficierait d'une ordonnance de protection à la date de la décision de refus de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté sans que la requérante ne puisse utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 relatifs à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que Mme B... soutient qu'au regard des motifs exceptionnels que sont les violences conjugales dont elle a été victime en Algérie, la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles régit, d'une manière complète, les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France ; que, par suite les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord ; que, pour les mêmes motifs, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquelles, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'instigation de l'étranger en raison des violences conjugales subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre ;
8. Considérant, en sixième lieu, que si la requérante soutient que la décision du préfet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation elle ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle aurait subi des violences de la part de son mari ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
9. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco-algérien, applicables en l'espèce : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour l'application des dispositions du 11º de l'article L. 313-11 dudit code, applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction de la demande : " (...) Le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) " ; que si Mme B... entend se prévaloir du bénéfice des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'elle ait sollicité un titre de séjour sur ce fondement ni qu'elle ait produit des éléments médicaux, lors de sa demande de titre de séjour, qui auraient dû conduire le préfet de la Sarthe à recueillir l'avis du médecin de santé publique ;
10. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990, " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes de l'article 9 de la même convention " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant. 2. Dans tous les cas prévus au paragraphe 1 du présent article, toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues. 3. Les Etats parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. 4. Lorsque la séparation résulte de mesures prises par un Etat partie, telles que la détention, l'emprisonnement, l'exil, l'expulsion ou la mort (y compris la mort, quelle qu'en soit la cause, survenue en cours de détention) des deux parents ou de l'un d'eux, ou de l'enfant, l'Etat partie donne sur demande aux parents, à l'enfant ou, s'il y a lieu, à un autre membre de la famille les renseignements essentiels sur le lieu où se trouvent le membre ou les membres de la famille, à moins que la divulgation de ces renseignements ne soit préjudiciable au bien-être de l'enfant. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas en elle-même de conséquences fâcheuses pour la personne ou les personnes intéressées. " ; qu'il résulte de ces stipulations, dont seules celles de l'article 3-1 sont utilement invocables que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, dans les circonstances de l'espèce, la décision attaquée, par laquelle le préfet de la Sarthe a refusé à la requérante un titre de séjour, n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de son fils, n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant ;
11. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit précédemment que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour pour demander l'annulation de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 20 février 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mars 2014.
Le rapporteur,
T. GIRAUD Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
13NT01438''
''
''
''
2
N° 13NT01438