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21/02/2014 | FRANCE | N°13NT01672

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 février 2014, 13NT01672


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2013, présentée pour M. D... B..., demeurant au..., par Me C... ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203402 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2012 du préfet du Loiret portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret, à titre principal, de lui délivrer une

carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jou...

Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2013, présentée pour M. D... B..., demeurant au..., par Me C... ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203402 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2012 du préfet du Loiret portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions d'astreinte et, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation au vu de son insertion et de son parcours scolaire ;

- arrivé en France en tant que mineur isolé, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance et a conclu un contrat jeune majeur avec le conseil général du Loiret avec un parcours scolaire et professionnel très positif ;

- ses liens en France et sont son insertion socioprofessionnelle sont avérés ;

- au vu de sa situation le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour entraine celle portant obligation de quitter le territoire français ;

- il n'a pu bénéficier du droit d'être entendu et de présenter des observations avant l'édiction de la mesure d'éloignement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 août 2013, présenté pour le préfet du Loiret qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

le préfet fait valoir que :

- l'auteur de l'arrêté en litige disposait d'une délégation pour refuser le titre de séjour ;

- le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- le requérant ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que celui-ci ne justifiait pas suivre depuis au moins 6 mois une formation destinée à lui assurer une qualification professionnelle, que la formation en classe DIMA ne répond pas à ce critère et que sa scolarité en CAP est postérieure à la décision contestée ;

- l'arrêté contesté ne méconnait ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au vu du caractère récent de son entrée en France et alors que le requérant n'établit pas être dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine ;

- M. B... ne peut exciper de l'illégalité du refus de titre vis-à-vis de la décision d'éloignement ;

- l'intéressé a été en mesure de faire connaitre ses observations lors du dépôt de demande de titre de séjour ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 2 mai 2013, admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant de la République Démocratique du Congo, relève appel du jugement du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2012 du préfet du Loiret lui refusant l'admission au séjour et prononçant à son encontre l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant que M. B... est entré en France, selon ses déclarations, le 3 janvier 2011, âgé de 17 ans et démuni de tout visa ; qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé ; qu'il a été scolarisé au cours de l'année scolaire 2011-2012 en classe " dispositif d'initiation aux métiers en alternance ", laquelle ne pouvait être regardée, eu égard à son caractère et à son objet, comme une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sens de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si l'appelant justifie du caractère réel et sérieux de ses études, ces seuls éléments ne sauraient toutefois suffire à démontrer la réalité d'une insertion particulière en France alors que sa présence sur le territoire est très récente ; que la circonstance, postérieure à l'arrêté contesté, qu'il soit désormais scolarisé en première année d'une formation qualifiante de CAP est sans incidence sur sa légalité ; qu'enfin il est constant que M. B...est célibataire et sans charge de famille en France ; qu'il ne ressort donc pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, la décision contestée ne méconnait pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité et n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'était pas au nombre des ressortissants étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet n'était pas tenu, en application des dispositions de l'article L. 312-2 du même code, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

4. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la Charte européenne des droits fondamentaux : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...] " ; qu'aux termes de l'article 51 de la même Charte : " Champ d'application. 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union [...] " ;

6. Considérant que lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à cette occasion, il est appelé à préciser les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France et qui feraient donc obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français, ainsi qu'à fournir tous les éléments venant à l'appui de sa demande ; qu'il doit en principe se présenter personnellement aux services de la préfecture et qu'il lui est donc possible d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles à l'agent chargé d'enregistrer sa demande ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement, et de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à faire regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

7. Considérant que M. B... fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ni mis à même de présenter ses observations sur l'éventualité d'une telle décision ainsi que sur ses modalités d'exécution, avant qu'il ne lui soit fait obligation, le 22 juin 2012, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que toutefois cette mesure fait suite au rejet, par une décision du même jour, de la demande de titre de séjour qu'il a introduite au titre de sa vie privée et familiale ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que dans un tel cas aucune obligation d'information préalable ne pesait sur le préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision litigieuse ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général sus-rappelé du droit de l'Union ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. B... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge du requérant le versement de la somme demandée par le préfet du Loiret au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet du Loiret au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01672
Date de la décision : 21/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL DUPLANTIER MALLET GIRY ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-21;13nt01672 ?
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