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07/02/2014 | FRANCE | N°12NT02514

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 février 2014, 12NT02514


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant " ..., par Me Vaillant, avocat au barreau de Paris ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement nos 1101190, 1101193, 1101195, 1101197 du 5 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 24 novembre 2009 par lequel le maire de la commune de Bonnoeuvre a ordonné son placement d'office au centre hospitalier spécialisé de Blain, d'autre part, de l'arrêté du 25 novembre 2009 par le

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Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant " ..., par Me Vaillant, avocat au barreau de Paris ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement nos 1101190, 1101193, 1101195, 1101197 du 5 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 24 novembre 2009 par lequel le maire de la commune de Bonnoeuvre a ordonné son placement d'office au centre hospitalier spécialisé de Blain, d'autre part, de l'arrêté du 25 novembre 2009 par lequel le préfet de Loire-Atlantique a ordonné son hospitalisation d'office au centre hospitalier de Blain jusqu'au 24 décembre 2009 inclus ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de commune de Bonnoeuvre et de l'Etat le versement chacun d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens soulevés ;

- s'agissant de l'arrêté du maire de Bonnoeuvre : la motivation en fait était inexistante ; le certificat du médecin n'a pas été joint à l'arrêté et le maire ne s'en est pas approprié les termes ; l'arrêté ne lui a pas été notifié ;

- s'agissant de l'arrêté préfectoral : il est fondé sur l'arrêté du maire qui est illégal ; sa motivation est insuffisante ; il a été pris en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril

2000 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2012, présenté par le préfet de Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- l'éventuelle illégalité de l'arrêté du maire est sans influence sur la légalité de son propre arrêté ;

- l'arrêté était motivé par référence au certificat médical annexé ;

- l'éventuelle absence de notification est sans influence sur la légalité de l'arrêté ;

- la mesure d'admission en soins ne relève pas de la procédure contradictoire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2012, présenté pour la commune de Bonnoeuvre, par Me Bernot, avocat au barreau de Nantes, qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la commune soutient que :

- la motivation correspond aux conditions d'urgence dans lesquelles l'arrêté a été pris et était complété par le certificat médical joint ;

- l'absence de notification est sans influence sur la légalité de l'arrêté ;

- l'absence d'information sur les droits est inopérant ;

Vu les mémoires en réplique, enregistrés le 7 janvier 2014, présentés pour M. A... qui maintient ses conclusions et moyens ;

il soutient en outre que :

- s'agissant de l'arrêté préfectoral : plusieurs cours d'appel ont jugé que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 trouvait à s'appliquer ;

- s'agissant de la décision du maire : elle n'a pas été prise dans un contexte d'urgence qui excluait qu'elle soit motivée ; sa motivation était insuffisante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2014 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me William, avocat, représentant la commune de Bonnoeuvre ;

1. Considérant que M. A... interjette appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 2012 en tant qu'il a, dans son article 1er, rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 24 novembre 2009 par lequel le maire de la commune de Bonnoeuvre a ordonné son placement d'office au centre hospitalier de Blain, d'autre part, de l'arrêté du 25 novembre 2009 par lequel le préfet de Loire-Atlantique a ordonné son hospitalisation d'office dans cet établissement jusqu'au 24 décembre 2009 inclus ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le jugement attaqué, qui vise et répond, contrairement à ce que soutient le requérant, à tous les moyens soulevés, n'est pas entaché d'omission à statuer ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté du maire de Bonnoeuvre du 24 novembre 2009 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique : " En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'État dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. ... " ; qu'aux termes de l'article L. 3213-1 de ce code : " ... Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit (...) comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une mesure provisoire sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une telle décision soit motivée ; que, si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un avis médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du maire de la commune de Bonnoeuvre vise le certificat médical rédigé par le docteur Frocrain, qui avait constaté l'état perturbé du requérant lors de sa prise en charge aux urgences de l'hôpital d'Ancenis à la suite de sa tentative d'autolyse ; que le maire s'approprie les conclusions de ce certificat quant au caractère dangereux pour lui-même et pour les tiers des troubles mentaux dont le requérant était atteint, qui sont précisément décrits et analysés dans le certificat médical ; que ce certificat était annexé à l'arrêté ainsi qu'il ressort des termes mêmes de celui-ci et de la communication qui en a été faite à M. A..., dès le 25 novembre 2009 à l'appui de l'arrêté du préfet de Loire-Atlantique ; que M. A... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux ne satisfaisait pas aux exigences de motivation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de cette hospitalisation, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. (...) / Elle doit être informée dès l'admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits. / En tout état de cause, elle dispose du droit : / (...) 3° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix " ; qu'aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...) e) s'il s'agit de la détention régulière (...) d'un aliéné (...) - 2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions et stipulations précitées aux points 3 et 5 que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend à l'égard d'un aliéné une mesure de placement d'office, doit, d'une part, indiquer dans sa décision les raisons de droit et les circonstances de fait qui justifient cette mesure, d'autre part, une fois la décision prise, informer le plus rapidement possible de ces motifs l'intéressé, d'une manière appropriée à son état ; que si la méconnaissance de la première obligation entache d'illégalité la décision de placement d'office et entraîne son annulation par le juge de l'excès de pouvoir, le défaut d'accomplissement de la seconde, qui se rapporte à l'exécution de la mesure de placement d'office, ne peut être sanctionné par ce juge ; qu'en outre, si la personne intéressée doit, dès son admission dans la structure de soins, être informée de son droit d'avoir recours à un avocat ou à un médecin, l'accomplissement de cette obligation n'a pas à précéder l'édiction de la décision de conduite dans cette structure mais se rapporte à l'exécution de cette décision et est donc sans incidence sur sa légalité ; qu'en cas de méconnaissance de ces obligations d'information, il appartient à l'intéressé de demander au juge judiciaire, compétent pour statuer sur les conséquences dommageables de l'ensemble des irrégularités commises à l'occasion ou à la suite de la mesure de placement d'office, la réparation du préjudice résultant de la faute commise par l'administration en ne satisfaisant pas à ces obligations postérieures au placement d'office ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, si l'absence de notification permet à l'intéressé de contester sans condition de délai la décision en cause, elle n'affecte pas, par elle-même, la légalité de cette dernière ;

En ce qui concerne l'arrêté du préfet de Loire-Atlantique du 25 novembre 2009 :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3213-1 précité du code de la santé publique que l'arrêté préfectoral qui prononce l'admission en soins psychiatriques d'une personne, dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public, doit être motivé ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du préfet de Loire-Atlantique du 25 novembre 2009 vise les dispositions du code de la santé publique dont il fait application ainsi que les certificats médicaux rédigés par le docteur Frocrain, médecin généraliste, et par le docteur Provost, médecin psychiatre ; qu'il précise s'approprier les termes du certificat médical établi par le docteur Frocrain et qui est joint à l'arrêté, et indique que " les troubles mentaux de M. A... nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public et rendent nécessaire son hospitalisation d'office " ; que M. A... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux ne satisfaisait pas aux exigences de motivation ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que, si l'absence de notification permet à l'intéressé de contester sans condition de délai la décision en cause, elle n'affecte pas, par elle-même, la légalité de cette dernière ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...). Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...) " ; qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " (...) doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police " ; que les mesures prises sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique sont au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elles entrent ainsi dans le champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que toutefois, l'état mental dans lequel se trouvait M. A..., tel qu'il résulte du certificat médical établi par le docteur Frocrain, qui relève chez l'intéressé " un discours interprétatif et projectif, des tensions internes importantes et un probable syndrome de persécution ", était de nature à exonérer l'administration du respect de la procédure prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait intervenue en méconnaissance de ces dispositions ;

11. Considérant, enfin, que la mesure d'hospitalisation d'office provisoire que peut prendre un maire, en cas de danger imminent, en application de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, ne constitue pas un préalable nécessaire à l'intervention de l'arrêté préfectoral prévu à l'article L. 3213-1 du même code ; que, dès lors, l'illégalité alléguée de l'arrêté du 24 novembre 2009 par lequel le maire de Bonnoeuvre a ordonné l'admission immédiate de M. A... en soins psychiatriques, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral litigieux ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er de son jugement du 5 juillet 2012, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 24 novembre 2009 par lequel le maire de la commune de Bonnoeuvre a ordonné son placement d'office au centre hospitalier de Blain, d'autre part, de l'arrêté du 25 novembre 2009 par lequel le préfet de Loire-Atlantique a ordonné son hospitalisation d'office dans cet établissement jusqu'au 24 décembre 2009 inclus ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bonnoeuvre et de l'Etat, qui ne sont pas dans la présente instance parties perdantes, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à la commune de Bonnoeuvre d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bonnoeuvre tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Bonnoeuvre et au ministre des affaires sociales et de la santé.

Une copie en sera transmise au préfet de Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 février 2014.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT025142

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02514
Date de la décision : 07/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BERNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-07;12nt02514 ?
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