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07/02/2014 | FRANCE | N°12NT02219

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 février 2014, 12NT02219


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2012, présentée pour Mme D... B..., demeurant..., par Me E... ; Mme B... demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 1103745 du 3 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2011 du maire de la commune de Cercottes portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de huit jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au maire de procéder à sa réintégration avec reconstitution de carrièr

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4°) de mettre à la charge de la commune de Cercottes le versement à son avocat de l...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2012, présentée pour Mme D... B..., demeurant..., par Me E... ; Mme B... demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 1103745 du 3 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2011 du maire de la commune de Cercottes portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de huit jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au maire de procéder à sa réintégration avec reconstitution de carrière ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cercottes le versement à son avocat de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

elle soutient que :

- les poursuites disciplinaires dont elle a fait l'objet ont été engagées au-delà d'un délai raisonnable et méconnaissent les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- les faits qui lui sont reprochés datent de mars à mai 2009 en ce qui concerne la distribution de tracts et son comportement lors de séances du conseil municipal ne peut lui être attribué qu'en novembre 2009 ;

- l'attestation de Mme A... visée par les premiers juges fait à tort référence à une séance du conseil municipal pour le 11 avril 2011 dès lors que cette date est celle où l'attestation a été établie ;

- les faits sur lesquels s'est fondée la commune portent sur des distributions de tracts estimés diffamatoires courant 2009 ainsi que sur un comportement considéré comme désobligeant par le maire de la commune lors de sa présence à des conseils municipaux alors que la plainte pénale concernant les tracts a été classée sans suite par le parquet au motif d'auteur inconnu et que les premiers juges n'ont d'ailleurs pas évoqué ces faits ;

- le procès-verbal du conseil municipal ne fait pas état de son comportement et, s'agissant des témoignages invoqués par le maire, aucun ne cite les propos qui lui sont attribués alors qu'elle ne s'est jamais exprimé lors de ces séances ;

- au contraire, des témoignages en sa faveur attestent que son attitude n'est pas perturbatrice même si les séances sont houleuses mais pas de son fait ;

- dans la mesure où les séances sont publiques le seul fait d'y assister alors qu'elle ne réside pas dans la commune de Cercottes n'est pas de nature à caractériser un manquement à son obligation de réserve ;

- la sanction du 2ème groupe qui lui a été infligée est disproportionnée et révèle un détournement de pouvoir alors que ses conséquences financières l'ont privé de revenus pour une durée de 11 mois ;

- ses compétences professionnelles, antérieurement à l'alternance municipale de mars 2008, étaient reconnues et appréciées et ses relations de travail se sont subitement dégradées à compter du mois d'août 2008 avec l'enclenchement d'une procédure disciplinaire et un acharnement du maire à son encontre ;

- la commune n'était pas fondée à révoquer le sursis dont elle avait bénéficié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2012, présenté pour la commune de Cercottes, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable car le jugement attaqué n'a pas été joint ;

- l'engagement de poursuites disciplinaires vis-à-vis d'un agent public n'est enfermé dans aucun délai ;

- la matérialité des faits concernant les tracts n'a été établie qu'à la fin de l'année 2010 et n'a d'ailleurs pas été prise en compte dans l'arrêté en litige ;

- le comportement de la requérante a été observé lors du conseil municipal du 9 novembre 2009 mais également ultérieurement ;

- l'attestation de Mme A... concerne bien des faits en date du 11 avril 2011 ;

- il est ressorti de l'audition de trois personnes par le conseil de discipline que Mme B... a manqué à son devoir de réserve par des chuchotements, ricanements et commentaires à voix basse destinés à ses voisins, membres de l'opposition municipale ;

- même si les séances du conseil municipal sont publiques, son attitude était destinée à déstabiliser le maire de la commune alors que le conflit les opposant est de notoriété publique ;

- les attestations produites par Mme B... sont sujettes à caution car émanant d'opposants au maire ;

- la sanction n'est pas disproportionnée dès lors que ses conséquences sont issues de la révocation du sursis partiel concernant une précédente sanction infligée pour manquement à son obligation de réserve et qu'il avait été tenu compte de sa manière de servir antérieurement ;

- Mme B... organise de façon délibérée sa mise à l'écart ;

- elle ne peut exciper de l'illégalité de la sanction prise en mars 2009 d'exclusion temporaire de fonction assortie d'un sursis de 11 mois ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 avril 2013, présenté pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que précedemment ainsi qu' au versement à son avocat de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient en outre que :

- sa requête d'appel est recevable dès lors qu'elle avait joint le jugement attaqué ;

- un délai de deux ans ne peut être regardé comme raisonnable notamment en comparaison du délai exigé pour des salariés relevant du droit privé ;

- les témoignages produits par la commune ne sont pas recevables car non accompagnés de pièces d'identité ;

- elle s'est contenté de prendre des notes et n'est pas l'auteur des chuchotements qui lui sont reprochés ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 août 2013, présenté pour la commune de Cercottes, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 25 novembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 17 décembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2013, présenté pour Mme B..., qui persiste dans ses dernières conclusions ;

Vu la décision du 3 décembre 2012 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me C...pour la commune de Cercottes ;

1. Considérant que Mme B..., rédactrice territoriale affectée dans les services de la commune de Cercottes, s'est vue infliger par arrêté du maire du 2 mars 2009 une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an assortie d'un sursis partiel de onze mois ; que, par un arrêté du 14 octobre 2011, le maire a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 8 jours, entraînant révocation du sursis partiel, fondée sur un comportement contraire à son obligation de loyauté et de neutralité lors de sa présence aux séances du conseil municipal ; que Mme B... interjette appel du jugement du 3 juillet 2012 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté précité du maire de Cercottes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire ; qu'aucun principe général du droit n'impose qu'une sanction disciplinaire soit prononcée dans un délai raisonnable après la survenance des faits reprochés ; que la procédure administrative disciplinaire n'entre pas dans le champ de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de la durée excessive du délai écoulé entre la date à laquelle les faits ont été commis et celle à laquelle la sanction disciplinaire est intervenue doit être écarté ;

3. Considérant qu'il est constant que, tant le conseil de discipline, dans son avis du 21 septembre 2011, que le maire, par l'arrêté en litige, n'ont pas retenu le motif de distribution de tracts diffamatoires pour estimer que le comportement de l'intéressée était de nature à justifier une sanction disciplinaire, dès lors que la matérialité de ces faits n'était pas suffisamment établie ; que la présence fréquente de Mme B... aux séances du conseil municipal ressort des pièces du dossier, notamment des nombreuses attestations produites par les deux parties, convergentes sur ce point, de même que sur le caractère tendu des débats au sein de l'assemblée municipale et l'existence de réactions non consensuelles de l'assistance ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le maire se serait fondé sur des faits matériellement inexacts pour infliger la sanction contestée doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales susvisé : " Les séances des conseils municipaux sont publiques. " ; qu' il ressort des pièces du dossier, en particulier des déclarations versées aux débats par la commune, que le comportement de la requérante s'est caractérisé par une attitude méprisante assortie de " ricanements ", " sourires narquois " et " chuchotements ", au point que des conseillers municipaux ont réclamé la tenue de séances à huis-clos ; que, dans les circonstances de l'espèce, la présence récurrente et cette attitude ostensible de Mme B... dans un contexte conflictuel, alors surtout qu'elle n'a pas la qualité d'administré de la commune, doit être regardée comme de nature à perturber les travaux de l'assemblée municipale ; qu'un tel comportement n'était pas compatible avec l'obligation de retenue et de loyauté que doit respecter tout agent public et justifiait ainsi une sanction disciplinaire ;

5. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher également si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ; qu'aux termes des dispositions de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de trois mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire des deuxième et troisième groupes pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis. " ;

6. Considérant qu'au regard de la violation caractérisée du devoir de réserve et de l'obligation de loyauté résultant du comportement sus-décrit de la requérante, la sanction d'exclusion de fonctions pour une durée de huit jours, accompagnée de la révocation du sursis de onze mois dont était assortie la précédente sanction du 2 mars 2009, n'apparait pas disproportionnée, alors même que sa manière de servir avait été particulièrement appréciée par l'ancienne équipe municipale ; que Mme B... n'est pas recevable à invoquer la prétendue illégalité de la sanction du 2 mars 2009, dès lors que celle-ci est devenue définitive ;

7. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi par les pièces du dossier ;

8. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que Mme B... n'est pas fondée à

soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Cercottes de procéder à sa réintégration avec reconstitution de carrière ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cercottes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, à l'avocat de Mme B... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Cercottes et de lui allouer la somme demandée sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Cercottes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et à la commune de Cercottes.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 février 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La république mande et ordonne au préfet du Loiret, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02219
Date de la décision : 07/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE METAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-07;12nt02219 ?
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