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30/01/2014 | FRANCE | N°12NT02562

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 30 janvier 2014, 12NT02562


Vu le recours, enregistré le 7 septembre 2012, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 100514 en date du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a déchargé la SAS Trecobat de l'obligation de payer la somme de 114 286,16 euros et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Trecobat la somme de 114 286,16 euros et que celle-ci rembourse à l'Etat la

somme de 1 500 euros versée au titre de l'article L. 761-1 du code de just...

Vu le recours, enregistré le 7 septembre 2012, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 100514 en date du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a déchargé la SAS Trecobat de l'obligation de payer la somme de 114 286,16 euros et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Trecobat la somme de 114 286,16 euros et que celle-ci rembourse à l'Etat la somme de 1 500 euros versée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

le ministre soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que la régularité de la procédure d'engagement de la solidarité financière du donneur d'ordre visée aux articles 1754 quater et suivants du code général des impôts s'appréciait en fonction des règles applicables à la date à laquelle elle est mise en oeuvre alors qu'en matière de solidarité, les règles applicables sont celles en vigueur l'année au titre de laquelle les impositions sont établies et que le principe selon lequel une loi de procédure nouvelle est d'application immédiate ne trouve pas à s'appliquer à l'égard des actes de procédure dont la loi elle-même décide ou implique nécessairement qu'ils ne peuvent être recommencés, tel étant bien le cas du procès verbal de travail dissimulé qui ne pouvait être dressé a posteriori en 2007 au titre de la période correspondant aux années 2000 à 2004 ;

- les conclusions présentées par la société dans son mémoire en réplique tendant à ce

que les impositions restant dues soient ramenées à 48 527 euros compte tenu des paiements déjà intervenus avant le mois de février 2007 et des dégrèvements prononcés en septembre 2010 étaient irrecevables faute d'avoir été précédées devant l'administration d'une opposition fondée sur l'un des moyens mentionnés à l'article L 281 du livre des procédures fiscales ;

- à titre subsidiaire, les dégrèvements prononcés au cours du litige d'assiette engagé par la société ont eu pour seul but de ramener à 114 286,16 euros le montant des créances portées sur l'avis de mise en recouvrement établi le 1er février 2007 au nom de la société au titre de la solidarité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2013, présenté pour la SAS Trecobat, dont le siège social est situé 2 place de la Gare à Lannilis (29870), par Me Bondiguel, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet du recours du ministre délégué chargé du budget, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le remboursement du timbre fiscal d'un montant de 35 euros ;

elle soutient que :

- le litige relève du contentieux du recouvrement et non du contentieux de l'assiette ;

- l'administration n'a pas respecté la procédure applicable résultant de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 et du décret n° 2005-330 du 6 avril 2005 dès lors qu'elle a mis en oeuvre la procédure d'engagement de la solidarité financière le 1er février 2007 et qu'elle devait par suite préalablement lui notifier un procès-verbal

- en toute hypothèse cette obligation s'imposait déjà à l'administration compte tenu de la connotation pénale de la solidarité financière du donneur d'ordre de sorte qu'ainsi que le prescrivait la circulaire du 30 décembre 1994 à laquelle s'est substituée ultérieurement la circulaire du 31 décembre 2005, la solidarité ne pouvait être mise en oeuvre qu'à partir de constatations relevées et consignées par procès verbal ;

- les conclusions présentées le 17 août 2011 sont recevables dès lors qu'elles ne pouvaient être présentées antérieurement compte tenu des informations conservées jusqu'alors par l'administration et, en tout état de cause, se rattachent au montant des poursuites ;

- compte tenu des paiements effectués avant la mise en oeuvre de l'article 1724 quater du code général des impôts, l'administration n'est susceptible de ne lui réclamer que la somme de 48 527 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2013, par lequel le ministre délégué chargé du budget conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 avril 2013, présenté par la SAS Trecobat qui conclut aux mêmes fins que son mémoire par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :

- le rapport de M. Giraud, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de Me Bondiguel ;

1. Considérant que la SAS Trecobat, qui exerce une activité de construction de maisons individuelles, a sous-traité la maçonnerie de certains chantiers à la Sarl Bâtiment Kaya ; que cette société, qui a exercé son activité de manière clandestine, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité puis d'un contrôle sur pièces sur la période allant du 1er janvier 2000 au 7 octobre 2004, date de sa liquidation judiciaire ; que la Sarl Bâtiment Kaya n'ayant pas acquitté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt mis à sa charge à la suite de ces contrôles, l'administration a recherché la SAS Trecobat en paiement des impôts dus par son sous-traitant au titre de la solidarité financière du donneur d'ordre prévue par l'article 1724 quater du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige ; qu'elle a mis en oeuvre cette solidarité le 1er février 2007 par un avis de mise en recouvrement portant initialement sur la somme de 228 833,07 euros ; que la SAS Trecobat a contesté l'obligation de payer cette somme qui, à la suite de sa réclamation, a été ramenée à 114 286,16 euros ; que le ministre délégué chargé du budget relève appel du jugement du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a déchargé la société de l'obligation de payer cette somme;

2. Considérant que la SAS Trecobat a fait valoir que l'administration ne pouvait mettre en oeuvre le 1er février 2007 la solidarité financière du donneur d'ordre sans avoir au préalable établi un procès verbal pour délit de travail dissimulé à l'encontre de la Sarl Bâtiment Kaya conformément aux dispositions de l'article 1724 quater A du code général des impôts, reproduisant les dispositions de l'article L. 324-14 du code du travail, applicable à cette date ;

3. Considérant toutefois qu'en matière de solidarité, le texte applicable est celui en vigueur pendant les années au titre desquelles les impositions sont établies ; qu'aux termes de l'article 1724 quater du code général des impôts en vigueur entre le 18 août 1993 et le 1er janvier 2002 : " (...) Toute personne qui ne s'est pas assurée, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant au moins égal à 20 000 F en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, que son cocontractant s'acquitte de ses obligations au regard de l'article L. 324-10 du code du travail, ou de l'une d'entre elles seulement, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint ou de ses ascendants ou descendants, sera tenue solidairement avec le travailleur clandestin au paiement des impôts et taxes dus par celui-ci au Trésor. (...) " qu'aux termes de l'article 1724 quater du même code, en vigueur entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2005 : " (...) Toute personne qui ne s'est pas assurée, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant au moins égal à 3 000 euros en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, que son cocontractant s'acquitte de ses obligations au regard de l'article L. 324-10 du code du travail, ou de l'une d'entre elles seulement, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint ou de ses ascendants ou descendants, sera tenue solidairement avec le travailleur clandestin au paiement des impôts et taxes dus par celui-ci au Trésor (...) " ; qu'ainsi au titre des années pour lesquelles la SAS Trecobat a été recherchée en paiement solidaire des impositions éludées par son sous-traitant, ces dispositions ne subordonnaient pas la mise en jeu de la solidarité financière du donneur d'ordre à la condition que le sous-traitant ait fait l'objet d'un procès verbal pour délit de travail dissimulé ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, faisant application des dispositions de l'article 1724 quater A du code général des impôts, s'est fondé sur le fait que l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la solidarité financière de la SAS Trecobat faute de notification d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à la Sarl Bâtiment Kaya pour prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 114 286,16 euros ;

4. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Trecobat tant devant le tribunal administratif de Rennes que devant la cour ;

5. Considérant, en premier lieu, que les circulaires du 30 décembre 1994 et du 31 décembre 2005 dont la société se prévaut émanent du ministère du travail ; qu'elles ne constituent pas ainsi une prise de position formelle de l'administration fiscale dont la SAS Trecobat pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales;

6. Considérant, en second lieu, que si la SAS Trecobat soutient à titre subsidiaire que l'obligation de payer doit être réduite à la somme de 48 527 euros compte tenu des paiements effectués avant la mise en oeuvre de l'article 1724 quater du code général des impôts, elle n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l'administration devant le tribunal administratif, que la demande de la SAS Trecobat doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SAS Trecobat et non compris dans les dépens ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, au titre des dépens prévus à l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de laisser à la charge de la SAS Trecobat, partie perdante, en l'absence de circonstances particulières justifiant qu'elle soit mise à la charge d'une autre partie, la charge de la contribution pour l'aide juridique acquittée lors de l'introduction de sa requête ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 juin 2012 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'obligation de payer la somme de 114 286,16 euros est remise à la charge de la SAS Trecobat.

Article 3 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par la SAS Trecobat et ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la SAS Trecobat.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2014.

Le rapporteur,

T. GIRAUDLe président,

G. BACHELIER

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02562 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02562
Date de la décision : 30/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : BONDIGUEL-SCHINDLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-30;12nt02562 ?
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