Vu la requête, enregistrée le 28 août 2012, présentée pour la société Maxam France, dont le siège social est situé route de Marcilly à Selles-Saint-Denis (41300), par Me Luquet, avocat au barreau de Paris ; la société Maxam France demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902730 en date du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société Excia, aux droits desquels elle vient, a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'administration a à tort fait application des dispositions de l'article 57 du code général des impôts dès lors qu'elle n'apporte pas la preuve de l'octroi d'un avantage à la société étrangère et ne fournit aucune justification fiable de la méthode et des éléments retenus pour l'évaluation des titres de la société de droit espagnol UEE Cartucheria Deportiva SA vendus par la société Excia à la société de droit espagnol UEE Holding Cartucheria SL ;
- elle a considéré que le prix de cession des titres était anormal sans analyser si le prix d'achat initial des titres n'était pas lui-même anormalement sous-évalué ;
- elle n'a pas tenu compte de l'économie d'ensemble et du rendement de l'opération et
notamment des dividendes perçus par la société Excia ;
- en raison de la baisse de la rentabilité de la société UEE Cartucheria Deportiva SA, les titres ne pouvaient être cédés à un tiers indépendant à un prix supérieur à leur valeur d'achat ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;
le ministre soutient que :
- en l'absence de sociétés comparables et de cessions d'actions entreprises dans le même domaine d'activité permettant de procéder à une comparaison, le vérificateur a procédé à l'évaluation de la valeur vénale des titres de la société UEE Cartucheria Deportiva SA par la combinaison de quatre méthodes qui ont été exposées dans la proposition de rectification du 24 mai 2006 de manière à permettre à la société Excia de présenter ses observations de façon entièrement utile, ce qu'elle a fait dans sa réponse du 12 juillet 2006 en critiquant chaque méthode utilisée ;
- l'administration a apporté la preuve d'un écart notable et injustifié entre la valeur vénale et le prix de cession des titres en litige, lequel constitue un avantage consenti par la société Excia à la société UEE Holding Cartucheria SL faisant présumer un transfert de bénéfices ;
- la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère normal du prix de cession des titres ;
- l'administration devant établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix de cession et la valeur vénale des titres à la date de la cession, elle n'avait pas à effectuer de comparaison avec leur prix d'achat, lequel est opposable à la société cédante ;
- la société requérante n'apporte aucune élément susceptible d'établir que le prix d'achat des titres aurait été inférieur à leur valeur vénale ;
- les dividendes reçus de la société UEE Cartucheria Deportiva SA par la société Excia, n'influent pas sur le prix de cession des titres ;
- le rendement de l'action ainsi que la baisse de rentabilité de la société UEE Cartucheria Deportiva SA ont été pris en compte dans le cadre de l'évaluation des titres ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2013, présenté pour la SAS Maxam France qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et, en outre, à ce que la cour prononce la décharge demandée assortie des intérêts moratoires ;
elle soutient, en outre, que :
- le tribunal a omis de rechercher si des transactions équivalentes à celle en litige avaient eu lieu durant la même période ;
- la méthode d'évaluation retenue par l'administration qui conduit à la détermination d'un prix fixe, méconnait le principe de pleine concurrence en l'absence de détermination d'une fourchette de prix ; la détermination d'une seule et unique valeur et non d'un intervalle de prix n'est pas conforme aux principes directeur de l'OCDE ;
- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère anormal de l'opération de cession de titres litigieuse ;
- à titre subsidiaire, le tribunal a validé un calcul du prix de cession erroné faute de prise en compte de la quote-part de titres cédés ; l'administration n'a pas pris en compte le critère de la prise de contrôle de la société dont les titres ont été cédés et n'a pas analysé l'incidence de la cession sur la prise de contrôle ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2013, par lequel le ministre délégué, chargé du budget a informé la cour qu'il n'était pas en mesure de répondre avant l'audience aux arguments développés par la SAS Maxam France dans son mémoire en réplique ;
Vu la lettre en date du 30 mai 2013, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2013, présenté pour le ministre délégué, chargé du budget, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense, par les mêmes moyens ;
le ministre soutient, en outre, que :
- la société requérante n'établit pas l'existence de transactions équivalentes à celle en litige portant sur les mêmes titres ;
- en recourant à la combinaison des quatre méthodes retenues généralement par les professionnels de l'évaluation de titres, le service s'est attaché à déterminer un prix de cession aussi réaliste que possible ; ces méthodes portent en elles-mêmes détermination d'une valeur plancher et d'une valeur plafond ;
- l'administration établit l'existence d'un avantage indument accordé par la requérante à la société espagnole ;
- la cession en litige étant intervenue entre sociétés appartenant à un même groupe, la quote-part de titres cédés n'a pas eu d'effet sur la transaction ; la requérante n'établit pas dans quelle mesure cette quote-part aurait influencé le prix de cession qu'elle a fixé ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 juillet 2013, présenté par la SAS Maxam France qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 août 2013, présenté pour le ministre délégué, chargé du budget qui conclut aux mêmes fins que son mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :
- le rapport de M. Giraud, premier conseiller,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que la SA Excia, qui a pour activité l'importation et la distribution de produits explosifs à usage civil, a fait l'objet en 2006 d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle le vérificateur a constaté que la société avait cédé, en 2004, au prix unitaire de 19,2 euros à la société de droit espagnol UEE Holding Cartucheria Deportiva SL la totalité des titres de la société de droit espagnol UEE Cartucheria Deportiva SA, qu'elle détenait depuis 2001 et 2002 et représentant une participation égale à 26 % du capital de cette société ; qu'il a estimé que cette cession, sans contrepartie, à un prix manifestement inférieur à la valeur vénale de titres constituait pour la société UEE Holding Cartucheria Deportiva SL un avantage qu'elle a regardé, en application de l'article 57 du code général des impôts, comme un transfert de bénéfices à l'étranger, dont il a réintégré le montant correspondant à la différence entre la valeur des titres qu'il a retenue et leur prix de cession, soit 3 700 953 euros, aux résultats de la SA Excia ; que la SAS Maxam France, qui vient aux droits de la société Excia, relève appel du jugement du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société Excia a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée, sont inférieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes ;
4. Considérant qu'il est constant que la société Excia et la société espagnole UEE Holding Cartucheria Deportiva SL font partie du même groupe et sont détenues par la même société ; que le vérificateur a, en l'absence de sociétés comparables et de cession d'actions d'entreprises dans le même domaine d'activité privant l'administration de la possibilité de procéder à une telle comparaison et eu égard à l'absence de cotation des titres de participation cédés à la société Holding Cartucheria Deportiva SL, pour déterminer leur valeur vénale, procédé à une application combinée de quatre méthodes fondées sur la valeur mathématique, la valeur de productivité, la valeur de marge brute d'autofinancement et la valeur de rendement, dont il a pondéré les résultats afin de tenir compte de la taille de l'entreprise, de son activité et du fait que les titres cédés ne transmettaient pas le pouvoir de décision ; qu'il a appliqué ces méthodes sur deux périodes portant, d'une part, sur les exercices clos en 2001, 2002 et 2003 et, d'autre part, sur les exercices clos en 2002, 2003 et 2004 ;
5. Considérant qu'au terme de ces opérations qui font apparaître, au titre de la première période, des valeurs unitaires du titre comprises entre 27 et 60 euros et au titre de la seconde, des valeurs comprises entre 24 et 60 euros, le vérificateur a déterminé la valeur unitaire des titres cédés à la société UEE Cartucheria Deportiva SA à 38,5 euros ; qu'il a estimé que, compte tenu du prix unitaire de cession contractuellement fixé par les sociétés Excia et Holding Cartucheria Deportiva SL à la somme de 19,2 euros, l'écart de prix, retenu pour 19 euros par titre, constituait un avantage anormal consenti par la première société à la seconde, faisant présumer un transfert de bénéfices qu'il a réintégré aux résultats de la société Excia sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts ;
6. Considérant que la société Maxam France n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence de transactions équivalentes à celle en litige portant sur les mêmes titres de la société UEE Cartucheria Deportiva SA dont l'administration n'aurait, à tort, pas tenu compte ou que la cession en cause aurait eu une incidence sur le contrôle de cette société ; que la circonstance alléguée, à la supposer avérée, que la société Excia aurait elle-même acquis les titres en cause à un prix sous-évalué est sans incidence sur le caractère minoré du prix de cession consenti en 2004 à la société Holding Cartucheria Deportiva SL qui procède du seul constat de l'existence d'un écart, dès lors qu'il est significatif, entre le prix de vente des titres et leur valeur issue de l'évaluation effectuée par l'administration ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, lors de cette évaluation, tenu compte, contrairement à ce que soutient la société requérante, de l'absence d'incidence de la cession sur le pouvoir de décision au sein de la société Cartucheria Deportiva SA, des résultats de cette société au cours des exercices 2001, 2002, 2003 et 2004 et de sa baisse de rentabilité ainsi que du rendement de l'action eu égard à la perception de dividendes par la société Excia ;
7. Considérant qu'en retenant par l'application combinée de ces quatre méthodes un prix de vente aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date de la réalisation de la cession, l'administration, qui s'est fondée sur une fourchette de prix, n'a pas entaché d'irrégularité sa méthode d'évaluation ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un écart significatif entre la valeur au prix unitaire de 19,2 euros à laquelle la SA Excia a cédé des titres à la société Holding Cartucheria Deportiva SL et la valeur la plus faible que le vérificateur a calculée, s'établissant, pour la première période mentionnée ci-dessus, à 27 euros et, pour la seconde, à 24 euros ; que, par suite, la SA Excia a accordé à la société Holding Cartucheria Deportiva SL un avantage entrant dans les prévisions de l'article 57 du code général des impôts ; que la SAS Maxam France ne soutient pas que l'opération de cession de titres intervenue dans les conditions rappelées ci-dessus aurait présenté pour la société Excia, laquelle est présumée avoir réalisé un transfert de bénéfices à une entreprise située hors de France, un intérêt particulier ou lui aurait procuré une contrepartie ; que, par suite, l'administration était fondée à réintégrer dans le résultat de la société Excia les sommes correspondant à l'insuffisance du prix de cession ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Maxam France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les intérêts moratoires :
10. Considérant que les conclusions de la requête tendant au paiement d'intérêts moratoires sont irrecevables, en l'absence d'un litige né et actuel, et doivent par suite, et en tout état de cause, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Maxam France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Maxam France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Maxam France et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2014.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT02436 2
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