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24/01/2014 | FRANCE | N°12NT02456

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 24 janvier 2014, 12NT02456


Vu la requête, enregistrée le 30 août 2012, présentée pour Mme C... B..., domiciliée..., par Me Souamounou, avocat au barreau de Blois ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 12 janvier 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de procéder à un nouvel

examen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'a...

Vu la requête, enregistrée le 30 août 2012, présentée pour Mme C... B..., domiciliée..., par Me Souamounou, avocat au barreau de Blois ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 12 janvier 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de quarante-huit heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Souamounou de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de cet avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

elle soutient que :

- elle est mariée depuis 2004 et mère de deux enfants scolarisés ; elle vit en France depuis trois ans et son mari a appris le français ; étant serbe alors que son conjoint est de nationalité kosovare et d'origine albanaise, ils ne pourront pas reconstituer leur cellule familiale au Kosovo ; l'atteinte ainsi portée à leur vie privée et familiale est contraire à l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son retour au Kosovo et le renvoi de leurs parents dans deux pays différents sont contraires à l'intérêt de ses enfants respectivement nés en 2006 et en 2008, bien intégrés et scolarisés en France ;

- le pays de renvoi mentionné dans l'arrêté pris à son encontre est la Serbie et celui mentionné dans l'arrêté pris à l'encontre de son époux est le Kosovo ce qui est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 6 novembre 2012 au préfet de Loir-et-Cher, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2013, présenté par le préfet de Loir-et-Cher, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la requérante n'a pas créé sur le territoire français des liens professionnels et familiaux suffisamment intenses et anciens pour que l'arrêté soit contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- compte tenu du jeune âge de ses enfants, l'arrêté n'est pas contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant et son épouse ayant vécu ensemble au Kosovo pendant plusieurs années avant de venir en France ;

- le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté invoqué en première instance manque en fait ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 23 octobre 2012 admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B..., de nationalité serbe, relève appel du jugement du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 12 janvier 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant la Serbie comme pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant que Mme B..., entrée irrégulièrement en France en septembre 2008 avec son époux et leur fille et dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 9 mars 2009 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 avril 2011, fait valoir qu'elle est mère de deux enfants, l'un né au Kosovo en 2006 et l'autre en France en 2008, et se prévaut de ses efforts d'intégration à la société française caractérisés notamment par l'apprentissage de la langue française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du refus de titre de séjour, elle était présente sur le territoire français depuis moins de quatre ans, que son époux a également fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour et que la famille pourrait se reconstituer au Kosovo où Mme B... vivait déjà depuis 2001 ; que la circonstance que M. et Mme B... sont de nationalités différentes est sans incidence sur la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire qui ne comportent pas, en elles-mêmes, un risque de séparation du couple ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ;

3. Considérant que, pour les mêmes motifs, et compte tenu du jeune âge des enfants, les deux décisions ne sont pas contraires à l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

4. Considérant que la seule circonstance que l'éloignement de M. et Mme B... à destination de deux pays différents aurait pour effet de séparer leurs enfants de l'un ou l'autre de leurs parents ne caractérise pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels que le préfet aurait omis de prendre en considération au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles la demande de titre de séjour de la requérante n'était d'ailleurs pas fondée ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

5. Considérant que l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher prévoit, en son article 3, que Mme B... pourra, à l'expiration d'un délai d'un mois, être reconduite d'office en Serbie ou vers tout autre pays pour lequel elle établira être légalement admissible ; que l'arrêté du même jour concernant M. B... prévoit que ce dernier pourra être reconduit d'office au Kosovo ou vers tout autre pays pour lequel il établira être légalement admissible ; que chacun de ces deux arrêtés, faute de limiter l'éloignement de l'étranger vers les pays où son conjoint ainsi que ses enfants sont légalement admissibles, permet de renvoyer les époux dans un pays différent, ce qui aurait nécessairement pour effet de séparer, même provisoirement, les enfants de l'un de leurs parents ; que, dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; qu'elle doit, dès lors, être annulée ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 12 janvier 2012 en tant qu'il fixe le pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui annule seulement la décision fixant le pays de renvoi, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme dont Mme B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 mai 2012 en tant qu'il a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi contenue dans l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 12 janvier 2012 ainsi que cette décision sont annulés.

Article 2 : Le surplus de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. D..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERTLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT024562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02456
Date de la décision : 24/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SOUAMOUNOU ; SOUAMOUNOU ; SOUAMOUNOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-24;12nt02456 ?
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