Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2012, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me Greffard-Poisson, avocat au barreau d'Orléans ; M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 11-4290 du 21 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 27 septembre 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français durant dix huit mois ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve du renoncement de celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
M. A... soutient que :
- le préfet du Loiret a entaché sa décision d'une erreur de droit en lui opposant la
situation de l'emploi et le fait qu'il ne disposait pas d'un visa de long séjour tel que prévu à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa demande aurait dû être appréciée au regard de l'article L. 313-14 dudit code et non au regard des seules dispositions de l'article L. 313-10 et L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il satisfait aux conditions d'admission exceptionnelle au séjour au vu de l'ancienneté et de la stabilité de son séjour sur le territoire français, de sa parfaite maîtrise de la langue française, de sa parfaite intégration sociale et professionnelle ; il ne dispose plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, son ex-épouse résidant au Sénégal avec leurs deux enfants ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit dès lors que le fondement légal précis de cette décision n'est pas indiqué ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2012, présenté pour le préfet du Loiret par Me de Villèle, avocat au barreau de Paris, tendant au rejet de la requête et au paiement par M. A... d'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. A... n'est fondé ;
Vu les mémoires en défense complémentaires, enregistrés le 27 juillet 2012 et le 25 mars 2013, présentés pour le préfet du Loiret, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;
Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 11 juillet 2012, admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2014 :
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
1. Considérant que M. A..., de nationalité mauritanienne, relève appel du jugement du 21 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 27 septembre 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français durant dix huit mois ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ; que la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté étant suffisamment motivée, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;
4. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 27 septembre 2011 que le préfet du Loiret a examiné la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions précitées ; qu'en examinant complémentairement le droit au séjour du requérant sur le fondement des articles L. 313-10 et L. 311-7 du même code, relatifs à la délivrance de la carte de séjour temporaire mention " salarié ", il n'a pas commis d'erreur de droit ;
5. Considérant que la double circonstance que M. A..., qui était présent sur le territoire français depuis près de cinq ans à la date de l'arrêté contesté et maîtrise la langue française, a effectué des démarches en vue d'obtenir un travail et un logement depuis son arrivée en France et n'aurait plus de liens familiaux dans son pays d'origine ne caractérise pas l'existence de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors surtout qu'il est constant qu'il a déjà fait l'objet, avant l'arrêté susvisé, de deux refus de séjour et de deux mesures d'éloignement ; que, dans ces conditions, le rejet de la demande de titre de séjour présentée n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que, pour les mêmes raisons, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que si, pour faire interdiction à M. A... de revenir sur le territoire français pendant une durée de dix huit mois, le préfet du Loiret s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et sur le caractère irrégulier de son séjour, il n'a en revanche fait aucune référence à la menace que pouvait représenter la présence de l'intéressé pour l'ordre public ; que le préfet du Loiret n'a donc pas motivé sa décision en prenant en compte au vu de la situation de l'étranger, l'ensemble des critères prévus par la loi ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et doit être annulée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui annule la seule décision d'interdiction de retour sur le territoire, n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A... ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction de la requête doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, de
mettre à la charge de l'Etat le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. A... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et, d'autre part, de mettre à la charge du requérant le versement à l'Etat de la somme de 800 euros que le préfet du Loiret demande au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 11-4290 du 21 février 2012 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2011 du préfet du Loiret lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de dix huit mois, ensemble cette décision, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2014, où siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 janvier 2014.
Le rapporteur,
N. TIGER-WINTERHALTERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 12NT01212