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17/01/2014 | FRANCE | N°13NT02277

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 janvier 2014, 13NT02277


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Karim, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-9593 du 19 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisatio

ns de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification d...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Karim, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-9593 du 19 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le ministre n'a pas procédé à un examen personnalisé de sa demande ; la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- entré en France en 1986, il répond aux conditions de recevabilité d'une demande de naturalisation et est parfaitement intégré à la société française ;

- il est enseignant de langue arabe dans le cadre d'un partenariat avec les

administrations scolaires de l'Ile-de-France ; la circonstance qu'il soit salarié du consulat du Maroc n'infère pas d'incompatibilité avec l'allégeance française ;

- il dispose de revenus stables lui permettant de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ; ses enfants sont de nationalité française ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la décision contestée énonce avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait qui la fondent ; le moyen tiré de l'absence d'examen personnalisé de la demande est dénué de portée ;

- la circonstance que le requérant satisfait aux conditions de recevabilité d'une demande de naturalisation est inopérante ;

- le lien particulier entretenu par le requérant avec son pays d'origine est incompatible avec l'allégeance à la France ;

- son activité professionnelle est accomplie depuis 1986 au service du Maroc et rémunérée par l'Etat marocain, ses revenus n'étant de surcroît pas assujettis à l'impôt sur le revenu français ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2013 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant marocain, interjette appel du jugement du 19 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : "(...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger" ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : "Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...)." ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte la durée de la présence du demandeur sur le territoire français et son degré d'assimilation et le caractère pérenne de ses ressources ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 26 novembre 1986 et depuis cette date y réside régulièrement sans interruption avec son épouse, exerçant le métier d'enseignant de langue arabe et de culture marocaine dans des écoles publiques françaises ; que cette fonction, qui ne revêt pas de caractère diplomatique, ne révèle pas une allégeance particulière envers l'Etat marocain, alors même que le requérant est rémunéré par ce dernier ; que ses quatre enfants sont nés et résident en France ; qu'en outre, son assimilation à la société française est établie notamment par l'obtention en 1994 d'une maîtrise de sciences économiques délivrée par l'Université de Paris VIII-Saint-Denis ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et à la continuité du séjour en France de M. A... à la date de la décision contestée et au caractère pérenne de son emploi et de ses ressources, et quand bien même il aurait séjourné jusqu'au 24 mars 2010 sur le territoire national sous couvert d'un titre de séjour spécial en qualité d'employé du consulat du Maroc à Villemomble, la décision de rejet contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé" ; que le motif d'annulation retenu ci-dessus, implique nécessairement que le ministre de l'intérieur procède à un nouvel examen de la demande de naturalisation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; qu'il n'y a toutefois, pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 juin 2013 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à un nouvel examen de la demande de naturalisation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2014.

Le rapporteur,

E. FRANÇOIS Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02277
Date de la décision : 17/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : KARIM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-17;13nt02277 ?
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