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12/12/2013 | FRANCE | N°13NT00006

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 décembre 2013, 13NT00006


Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2013, présentée pour Mme B... C..., demeurant..., par Me Breillat, avocat au barreau de Poitiers ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202395 en date du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 7 juin 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enj

oindre au préfet d'Indre-et-Loire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de ...

Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2013, présentée pour Mme B... C..., demeurant..., par Me Breillat, avocat au barreau de Poitiers ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202395 en date du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 7 juin 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de procéder, à titre principal dans le même délai, à un nouvel examen de sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour et, à titre subsidiaire, dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Breillat, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 et L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York ;

- le préfet n'a pas motivé l'impossibilité pour Mme C... de bénéficier d'un délai de départ volontaire plus important ;

- le délai de départ retenu est insuffisant et est entaché d'une erreur d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2013, présenté par le préfet d'Indre-et-Loire, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est suffisamment motivée et n'avait pas à comporter la mention d'un contrat de travail ni l'accord franco-tunisien ;

- il n'y a pas eu méconnaissance des dispositions des articles L. 313-12 et L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne démontre pas avoir subi des violences conjugales ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte excessive au droit garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire n'a pas à faire l'objet d'une motivation ;

- la requérante ne justifie d'aucune circonstance particulière qui serait de nature à lui octroyer un délai de départ volontaire plus important ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 14 février 2013 admettant Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Breillat pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York sur les droits de l'enfant ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 le rapport de M. Giraud, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante tunisienne, fait appel du jugement du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 7 juin 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, en particulier, contrairement à ce que soutient la requérante, des éléments suffisants sur sa situation personnelle ; qu'il est, dès lors, régulièrement motivé au regard des exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 nonobstant la circonstance qu'il ne vise pas la convention franco-tunisienne, dont, en tout état de cause aucun article n'était utilement invocable par la requérante compte tenu du titre de séjour sollicité, qu'il ne mentionne pas qu'elle était titulaire d'un contrat de travail et qu'il serait entaché d'une erreur de fait sur le lieu de résidence de M.A..., le père de son enfant ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte délivrée au titre de l'article L. 313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 316-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. (...) " ;

4. Considérant que Mme C... est entrée régulièrement en France le 15 mars 2011 sous couvert d'un visa de court séjour, puis s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français ; qu'elle a épousé M.A..., ressortissant français, le 10 septembre 2011 ; qu'elle a sollicité le 10 janvier 2012, son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-12 et L. 316-1 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir qu'elle avait été victime de violences conjugales ;

5. Considérant, d'une part, que la réalité des violences alléguées, qui n'est pas établie par les certificats médicaux produits, ne repose que sur les seules déclarations de la requérante lors du dépôt de plaintes auprès des services de police et auprès du procureur de la République, sur des attestations établies par des amis et par l'enseignante de sa fille, cette dernière ne faisant que reproduire les dires de la requérante ; qu'ainsi, le préfet d'Indre-et-Loire, qui s'est fondé sur l'ensemble de ces éléments et non, contrairement à ce que soutient la requérante uniquement sur l'absence d'ordonnance de protection, a pu légalement refuser le titre de séjour sollicité ;

6. Considérant, d'autre part, que la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'entre pas dans les cas visés par ces dispositions ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; et qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France récemment et n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où résident sa mère et ses frères ; qu'elle n'établit pas ne pas pouvoir reconstituer dans son pays d'origine la cellule familiale avec sa fille, qui ne réside elle-même en France que depuis le mois de mars 2011 et n'a été scolarisée en France qu'un an ; que, par suite, la décision du préfet ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale ; que, pour les mêmes motifs, la décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux ou sociaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive : " (...) 2. Si un Etat membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de la même directive : " 1. Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes de l' article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue des dispositions de l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

9. Considérant que le délai de trente jours accordé à Mme D... pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français contestée étant le délai de principe mentionné au II de l'article L. 511-1, la fixation d'un tel délai n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre-et-Loire se serait crû lié par le délai de trente jours ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en retenant ce délai, le préfet d'Indre-et-Loire a, compte tenu de la situation personnelle et familiale telle que ci-dessus décrite de la requérante, commis une erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme C..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme C..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2013.

Le rapporteur,

T. GIRAUD Le président,

J-M. PIOT

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT000062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00006
Date de la décision : 12/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : BREILLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-12-12;13nt00006 ?
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