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06/12/2013 | FRANCE | N°12NT01081

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 décembre 2013, 12NT01081


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Alquier, avocat au barreau de Tours ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1104151 et 1104152 du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2011 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a retiré un précédent arrêté du 9 septembre 2011, et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le Kosovo comme pays

de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet ...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Alquier, avocat au barreau de Tours ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1104151 et 1104152 du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2011 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a retiré un précédent arrêté du 9 septembre 2011, et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le Kosovo comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Alquier de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, moyennant la renonciation de cet avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- la décision de retrait de l'obligation de quitter le territoire du 9 septembre 2011 n'est pas motivée et ne respecte pas les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 lesquelles imposent le respect d'une procédure contradictoire ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 comme au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

- le préfet d'Indre-et-Loire, en ne prenant pas de décision expresse sur la possibilité de lui délivrer un titre de séjour, a entaché sa décision d'illégalité ;

- en fixant un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté contesté, le préfet d'Indre-et-Loire a méconnu l'étendue de sa compétence et entaché sa décision d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit dès lors que les dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 prévoient un délai qui peut aller de 7 à 30 jours pour le départ volontaire d'un étranger ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ; le préfet d'Indre-et-Loire ne s'est pas prononcé sur la demande de titre de séjour présentée le 15 juin 2011 ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; il est menacé de persécutions dans son pays d'origine et le couple est bien intégré en France ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2012, présenté par le préfet d'Indre-et-Loire qui conclut au rejet de la requête ;

le préfet soutient que :

- la décision en tant qu'elle porte retrait de l'arrêté du 9 septembre 2011 n'avait pas à être précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- cette décision ne peut être regardée comme le retrait d'une décision individuelle créatrice de droits et n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique conformément à la loi du 11 juillet 1979 ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ; il comporte les éléments de faits et de droit sur lesquels il est fondé ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les services de la préfecture n'ont pas reçu de demande de titre de séjour ;

- en fixant à 30 jours le délai de départ volontaire du requérant, il n'a pas commis d'erreur de droit ;

- dès lors que le requérant n'établit pas la réalité des risques encourus en cas de retour au Kosovo, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 30 juillet 2012, admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Alquier pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres aux ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000, modifiée, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller ;

1. Considérant que M. B... relève appel du jugement du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2011 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire, d'une part, a retiré l'arrêté du 9 septembre 2011 le concernant, d'autre part, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Kosovo comme pays de destination ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en procédant, dans la décision contestée, au retrait de l'arrêté du 9 septembre 2011 qui faisait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas prononcé le retrait d'une décision créatrice de droits ; que cette décision de retrait n'était dès lors soumise ni à l'obligation de motivation ni au respect de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 24 octobre 2011 serait illégal en raison de l'illégalité qui affecterait la décision de retrait de l'arrêté du 9 septembre 2011 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. / II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-7 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. " ;

4. Considérant que la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a notamment procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive " retour ", et a modifié les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui définissent les conditions dans lesquelles les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse et qui ne sont pas membres de la famille de ces ressortissants peuvent faire l'objet d'une décision les obligeant à quitter le territoire français ; qu'à raison de cette transposition, qui n'est ni incomplète ni incorrecte, M. B... ne peut soutenir utilement, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire dont il a fait l'objet, que celle-ci méconnaît l'article 12 de la directive susmentionnée ;

5. Considérant que l'arrêté contesté précise que le requérant n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application des articles du Livre III Titre I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut se prévaloir de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'établit pas qu'il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements inhumains ou dégradants, ni de l'article 8 de cette même convention et qu'en conséquence et en application des articles L. 511-1, L. 723-1 et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il dispose de trente jours pour quitter le territoire français ; que le délai de trente jours accordé à M. B... pour exécuter spontanément cette obligation étant le délai de principe fixé au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la fixation d'un tel délai n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

6. Considérant que M. B..., qui est entré irrégulièrement en France en novembre 2008, soutient que le préfet d'Indre-et-Loire aurait commis une erreur de droit en l'obligeant à quitter le territoire sans statuer préalablement sur son droit au séjour, alors qu'il était titulaire d'un récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile ; que, toutefois, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que sa demande tendant à l'obtention du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 novembre 2009 et par la Cour nationale du droit d'asile le 30 mai 2011 ; que si, après la décision de l'OFPRA et celle de la Cour nationale du droit d'asile lui refusant le bénéfice de la qualité de réfugié, il appartenait au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 742-7, d'apprécier si l'intéressé pouvait se voir délivrer un titre de séjour sur un autre fondement, lesdites dispositions ne lui faisaient pas obligation de prendre une décision de refus de titre de séjour ; que si M. B... soutient qu'il a sollicité un titre de séjour en juin 2011 afin de pouvoir travailler en France, il ne justifie pas qu'une telle demande serait parvenue aux services de la préfecture ; que dès lors, en tout état de cause, l'arrêté du 24 octobre 2011 n'avait pas à se prononcer sur une telle demande ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur de droit, en ce qu'il ne se prononce pas sur la demande de titre de séjour formulée par M. B... doit être écarté ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait fait état devant le préfet d'Indre-et-Loire de circonstances particulières propres à justifier une prolongation du délai de trente jours accordé pour quitter le territoire français ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet, en fixant ce délai, aurait méconnu l'étendue de sa compétence et se serait cru en situation de compétence liée ;

8. Considérant que M. B... soutient qu'en cas de retour au Kosovo, il serait exposé à des menaces très graves et à des risques de persécutions, en raison de l'aide qu'il aurait apportée à des membres de la communauté serbe, à l'occasion de son activité de représentant de la Croix-Rouge ; que l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile aux motifs que les déclarations et les documents produits ne permettent pas de tenir pour établis les faits allégués et les craintes énoncées, que les faits sont confus et leur présentation peu convaincante et que les menaces apparaissent dénuées de vraisemblance ; que M. B... n'a pas produit d'éléments nouveaux susceptibles d'étayer ses craintes ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays, ne peut être accueilli ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

10. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions du

requérant à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT010812

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01081
Date de la décision : 06/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ALQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-12-06;12nt01081 ?
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