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06/12/2013 | FRANCE | N°11NT02957

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 décembre 2013, 11NT02957


Vu la décision n° 341003 du 17 octobre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 09NT00497 du 15 avril 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a statué, pour l'indemnisation des préjudices résultant de l'anoxie périnatale dont a été victime l'enfant SamiA..., sur les frais à la charge de M. et Mme A... relatifs à l'acquisition de différents matériels spécialisés, sur les frais d'aménagement de leur logement et sur le préjudice professionnel de Mme A... et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la présente

cour ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2012, pré...

Vu la décision n° 341003 du 17 octobre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 09NT00497 du 15 avril 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a statué, pour l'indemnisation des préjudices résultant de l'anoxie périnatale dont a été victime l'enfant SamiA..., sur les frais à la charge de M. et Mme A... relatifs à l'acquisition de différents matériels spécialisés, sur les frais d'aménagement de leur logement et sur le préjudice professionnel de Mme A... et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la présente cour ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2012, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Rennes, par MeD... ;

le CHU de Rennes demande à la cour de rejeter les conclusions de M. et Mme A... ;

il soutient que :

- s'agissant des frais relatifs à l'acquisition de matériels spécialisés, les requérants ne justifient pas de l'acquisition de ces matériels ;

- la nécessité d'exposer des frais d'aménagement du logement n'est pas justifiée ; en outre, les intéressés ont changé de résidence ;

- Mme A... n'établit pas avoir subi une perte de chance sérieuse de réussite au CAPES ;

Vu le courrier, enregistré le 12 juillet 2012, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, par Me E..., qui précise qu'elle n'a aucune

observation à formuler ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2013, présenté pour M. et Mme A..., par Me Cartron ; M. et Mme A... demandent à la cour :

1°) d'ordonner une expertise sur l'évaluation des besoins en aides techniques, humaines et en aménagement du cadre de vie de leur fils Sami et de leur allouer, à titre provisionnel, une somme de 50 000 euros à ce titre ; à titre subsidiaire, de liquider l'indemnité à ce titre à la somme de 264 110,23 euros, avec indexation sur 202 085 euros en fonction de l'évolution de l'indice BTOl entre le mois de juin 2007 et la date de l'arrêt, outre une rente annuelle viagère de 14 186,95 euros capitalisée à la date de l'arrêt ;

2°) de liquider à la somme de 7 000 euros pour Sami et à la somme de 2 000 euros pour chacun de ses parents, le préjudice né du retard dans l'aménagement du cadre de vie;

3°) de liquider à la somme de 212 429,44 euros le préjudice professionnel de Mme A... arrêté au 31 décembre 2012 avec intérêts au taux légal capitalisé à compter de chaque terme annuel, outre les arrérages échus de la rente annuelle entre le 1er janvier 2013 et la date de l'arrêt à intervenir et au delà une rente jusqu'à l'âge légal de la retraite, capitalisée à la date de l'arrêt ;

4°) d'assortir le paiement de ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable du 22 août 2000 avec capitalisation à compter du 29 octobre 2007 ;

5°) de mettre à la charge du CHU de Rennes une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ils soutiennent que :

- ils produisent un rapport procédant à l'évaluation des exigences du domicile ; au besoin une expertise sera ordonnée ;

- les aides techniques sont indispensables ;

- les chances de Mme A... d'accéder à un emploi de professeur dès 1999 étaient réelles ; elle a d'ailleurs réussi le Capes en 2010 ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 31 octobre 2013, présenté pour le CHU de Rennes qui maintient ses conclusions et soutient en outre que :

- le rapport de l'ergothérapeute n'est pas de nature à établir la nécessité de l'aménagement du domicile ;

- le préjudice lié au retard apporté à cet aménagement n'est pas établi ;

- la nécessité de l'achat de matériels spécialisés n'est pas davantage établie ;

- le préjudice lié à l'aménagement du véhicule a déjà été réparé ;

- Mme A... n'apporte pas la preuve d'une perte de chance sérieuse d'accéder à un emploi ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 novembre 2003, présenté pour M. et Mme A..., qui maintiennent leurs conclusions et moyens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Cartron, avocat de M. et Mme A... ;

1. Considérant que, par la décision susvisée n° 341003 du 17 octobre 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 09NT00497 du 15 avril 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a statué, pour l'évaluation des préjudices résultant de l'anoxie périnatale dont a été victime l'enfant Sami A... en raison des conditions de sa naissance au centre hospitalier universitaire de Rennes le 12 mai 1999, sur les frais à la charge de M. et Mme A... relatifs à l'acquisition de différents matériels spécialisés, sur les frais d'aménagement de leur logement et sur le préjudice professionnel de Mme A... et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la présente cour ;

Sur les frais relatifs à l'acquisition de matériels spécialisés :

2. Considérant, d'une part, que M. et Mme A... sollicitent, à ce titre, l'allocation d'une somme de 22 633,64 euros représentant le coût d'acquisition de différents équipements adaptés au handicap de leur enfant ainsi qu'une rente annuelle capitalisable de 6 562,70 euros destinée à l'amortissement de ces équipements ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'acquisition d'un lit médicalisé adapté au handicap de l'enfant avec ses accessoires, des appareils nécessaires à son hygiène corporelle et exétrice ainsi qu'à ses déplacements et à son accompagnement orthopédique, et des accessoires de stimulation et de rééducation, sont indispensables à la prise en charge de Sami lorsqu'il séjourne au domicile de ses parents ; que les requérants ont versé au dossier un tableau récapitulatif de leurs dépenses établi par un ergothérapeute assorti des devis et factures, qui fait apparaître le coût d'achat des matériels, la part prise en charge par les organismes sociaux, ainsi que la durée de vie des matériels en cause et le montant annuel de l'amortissement ; que ces données ne sont pas sérieusement contestées par le CHU de Rennes ; qu'il y a lieu, dès lors, d'allouer aux époux A...la somme de 22 633,64 euros correspondant au prix d'achat des " aides techniques " à la prise en charge du handicap, et une rente annuelle de 6 562,70 euros en permettant le renouvellement qui sera versée pendant toute la durée de la prise en charge de Sami au domicile de ses parents, jusqu'à sa majorité, date à laquelle les droits à réparation devront être réévalués ;

3. Considérant, d'autre part, que les requérants soutiennent que, pour assurer les déplacements de Sami, l'acquisition d'un véhicule aménagé suffisamment spacieux est nécessaire et demandent à ce titre une indemnité d'un montant de 39 391,59 euros, assortie d'une rente annuelle de renouvellement d'un montant de 6 302,65 euros ; que, toutefois, dans son arrêt du 15 avril 2010, la cour a accordé à ce titre aux requérants une indemnité de 15 000 euros en compensation de la charge résultant du surcoût à l'achat de ce type de véhicule et du coût de son aménagement et a rejeté la demande de rente de renouvellement ; que ce point de l'arrêt n'a pas été remis en cause par la décision susvisée du Conseil d'Etat du 17 octobre 2011 ; qu'il s'ensuit que la cour a, sur ce point du litige, épuisé sa compétence et qu'en raison de l'autorité de chose jugée dont l'arrêt est revêtu sur ce point, cette demande des requérants ne saurait prospérer ;

Sur les frais d'aménagement du logement :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une prise en charge satisfaisante de Sami au domicile de ses parents exige un logement aménagé pour permettre ses déplacements, ses soins et sa surveillance ; que M. et Mme A..., qui ont fait le choix de faire construire une maison adaptée, ont fait évaluer les surcoûts résultant de cette adaptation ; que les évaluations effectuées par l'ergothérapeute ne sont pas sérieusement contestées ; que, toutefois, le surcoût lié au choix d'un terrain d'implantation près d'Evreux, qui n'apparaît pas justifié par le handicap de Sami, et celui qui découlerait de l'aménagement d'une piscine dont la nécessité n'est pas établie dès lors que Sami est pris en charge cinq jours par semaine de 9 h 30 à 17 h dans une institution spécialisée qui offre des prestations de balnéothérapie, ne sont pas susceptibles d'être indemnisés ; que la somme qui sera allouée aux époux A...à ce titre s'élève ainsi à 110 587 euros ; que, dans la mesure où les époux A...étaient dans l'impossibilité de financer les travaux, ils sont fondés à demander que cette indemnité, fixée en fonction d'une évaluation effectuée en juin 2007, soit indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction à la date du présent arrêt ;

5. Considérant que si les requérants sollicitent l'allocation d'une indemnité réparant, tant pour eux-mêmes que pour leur fils, les contraintes qu'ils ont subies du fait du retard apporté au règlement de ce poste de préjudice, ces conclusions sont nouvelles en appel, et doivent, en tout état de cause, être rejetées comme irrecevables ;

Sur le préjudice professionnel de Mme A... :

6. Considérant que Mme A... fait valoir que le handicap de son enfant l'a conduite à se consacrer à sa prise en charge et l'a ainsi privée de la chance d'exercer une activité d'enseignante ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la naissance de son fils elle était élève dans un institut universitaire de formation des maîtres et souhaitait se présenter ensuite au concours du certificat d'aptitude au professorat du second degré (CAPES), auquel elle a été d'ailleurs admise à l'issue des épreuves organisées en 2010 ; que Mme A... est, en conséquence, fondée à soutenir qu'elle a été, du fait des contraintes découlant du handicap de son fils, privée d'une chance sérieuse d'accéder plus tôt à l'emploi de professeur certifié ; que, depuis son recrutement, elle a dû exercer son activité à temps partiel, puis solliciter une mise en disponibilité ; qu'il sera fait une juste appréciation du retard dans l'accès à l'emploi en le fixant à cinq années et du préjudice professionnel global subi par Mme A... jusqu'à la date du présent arrêt en lui allouant une indemnité d'un montant de 130 000 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt ; que, pour l'avenir, la situation étant susceptible d'évoluer, notamment du fait des modalités de prise en charge de Sami, il appartiendra à l'intéressée, s'il ne lui est pas possible d'exercer son activité professionnelle, de saisir à nouveau le centre hospitalier d'une demande de réparation du préjudice subi ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

7. Considérant que la somme susmentionnée d'un montant de 22 633,64 euros allouée à M. et Mme A... au titre de l'acquisition de matériels spécialisés doit être augmentée, ainsi qu'ils le demandent, des intérêts au taux légal à compter du 22 août 2000, date de réception de leur demande préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 29 octobre 2007 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, les intérêts devront être capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts au 29 octobre 2007 et à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du CHU de Rennes une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les époux A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le CHU de Rennes est condamné à verser à M. et Mme A... :

- la somme de 22 633,64 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 août 2000, les intérêts échus à la date du 29 octobre 2007 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'une rente annuelle d'un montant de 6 562,70 euros versée jusqu'à la majorité de Sami, au titre de l'acquisition de matériels spécialisés ;

- la somme de 110 587 euros, qui sera réévaluée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre juin 2007 et la date du présent arrêt, au titre des frais d'aménagement du logement ;

- la somme de 130 000 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt, au titre du préjudice professionnel de Mme A....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 22 décembre 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le CHU de Rennes versera à M. et Mme A... la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme B... A..., au Centre hospitalier universitaire de Rennes et à la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT029572

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02957
Date de la décision : 06/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DUROUX-COUERY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-12-06;11nt02957 ?
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