La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2013 | FRANCE | N°12NT01402

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 novembre 2013, 12NT01402


Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2012, présentée pour M. A... C..., élisant domicile..., par Me Le Bihan, avocat au barreau de Rennes ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201405 du 10 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 10 février 2012 refusant de l'admettre au séjour provisoire au titre de l'asile et ordonnant sa remise aux autorités polonaises, et d'autre part de l'arrêté du préfet du 5 avril 2012 ordonnant son placement

en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoi...

Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2012, présentée pour M. A... C..., élisant domicile..., par Me Le Bihan, avocat au barreau de Rennes ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201405 du 10 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 10 février 2012 refusant de l'admettre au séjour provisoire au titre de l'asile et ordonnant sa remise aux autorités polonaises, et d'autre part de l'arrêté du préfet du 5 avril 2012 ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle

il fait valoir que :

- l'arrêté du 10 février 2012 ordonnant sa remise aux autorités polonaises méconnait le

2 de l'article 19 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et est entaché d'un défaut de motivation dés lors qu'il ne comporte pas d'informations suffisamment précises concernant la mise en oeuvre effective et pratique du transfert, qu'il ne fait pas état de sa situation familiale et de son état de santé et que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas précisé en quoi sa situation ne justifiait pas, à titre dérogatoire, un examen de sa demande d'asile par les autorités françaises ;

- l'arrêté précité méconnait le 4 de l'article 3 du règlement susmentionné du 18 février 2003, dès lors que, s'il a reçu lecture de la décision contestée en langue géorgienne, les informations qui lui ont été données concernant l'application de la procédure de demande de prise en charge et du délai dans lequel l'Etat requis doit répondre étaient toutefois incomplètes ;

- la décision du 13 janvier 2012 par laquelle les autorités polonaises ont accepté de le prendre en charge ne lui a pas été communiquée alors que celle-ci comprenait des spécifications particulières dont il devait avoir connaissance pour rentrer par ses propres moyens en Pologne et qu'il n'a pas pu formuler des observations ;

- l'arrêté du 5 avril 2012 ordonnant son placement en rétention administrative est insuffisamment motivé s'agissant des risques de fuite allégués par le préfet ;

- il n'a été mis à même de présenter ses observations que dans un délai de huit jours avant l'exécution d'office de la décision de remise, lequel est insuffisant au regard des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne prévoient pas le caractère suspensif du recours dirigé contre la décision de placement en rétention administrative, sont incompatibles avec les objectifs fixés par la directive (CE) n° 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 et violent les stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel a été pris l'arrêté de mise en rétention, est contraire aux objectifs de l'article 15 de la directive 2008/115/CE précitée du 16 décembre 2008 ;

- en l'absence de risque de fuite, les dispositions de l'article 15 de la directive 2008-115 CE ont été méconnues ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2012, présenté par le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du 2 de l'article 19 du règlement du 18 février 2003 est inopérant dès lors que M. C... a introduit une demande dans un autre Etat membre de l'union ;

- l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités polonaises est suffisamment motivé même

s'il ne fait pas état de la présence de la soeur du requérant sur le territoire français ni des problèmes de santé allégués par ce dernier ;

- M. C... a reçu un formulaire traduit en géorgien sur les modalités d'application du règlement du 18 février 2003, formulaire qui accompagnait la lettre signifiant l'engagement de la procédure de réadmission en Pologne et, par ailleurs, l'arrêté du 10 février 2012 a été lu à l'intéressé en langue géorgienne ;

- il n'était pas tenu de communiquer à l'intéressé la décision prise par les autorités polonaises sur sa demande de prise en charge ;

- l'arrêté du 5 avril 2012 ordonnant le placement en rétention administrative de

M. C... est suffisamment motivé ;

- les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues, dans la mesure où le requérant n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de présenter ses observations dans le temps qui lui était imparti alors qu'il avait été convoqué en préfecture le 30 mars 2012 en vue de la mise en oeuvre de la mesure de réadmission et qu'il ne s'est pas présenté, prétextant avoir oublié ce rendez-vous ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des objectifs fixés par la directive du 16 décembre 2008 et de la violation des stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas fondés et il y a lieu d'adopter les motifs des premiers juges ;

Vu la décision du 17 octobre 2012 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes admettant M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2013 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

1. Considérant que M. C..., ressortissant géorgien, relève appel du jugement du 10 avril 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 10 février 2012 lui refusant l'admission au séjour provisoire au titre de l'asile et ordonnant sa remise aux autorités polonaises, et d'autre part de son arrêté du 5 avril 2012 ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral du 10 février 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 16 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 susvisé : " 1. L'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : - a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 17 à 19, le demandeur d'asile qui a introduit une demande dans un autre État membre ; b) mener à terme l'examen de la demande d'asile ; c) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le demandeur d'asile dont la demande est en cours d'examen et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre Etat membre ; d) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le demandeur d'asile qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a formulé une demande d'asile dans un autre Etat membre ; e) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le ressortissant d'un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre Etat membre ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 19 de ce règlement : "1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge d'un demandeur, l'État membre dans lequel la demande d'asile a été introduite notifie au demandeur la décision de ne pas examiner la demande, ainsi que l'obligation de le transférer vers l'État membre responsable. - 2. La décision visée au paragraphe 1 est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. (...)" ; qu'aux termes de l'article 20 du même règlement : "1. La reprise en charge d'un demandeur d'asile conformément à l'article 4, paragraphe 5, et à l'article 16, paragraphe 1, points c), d) et e), s'effectue selon les modalités suivantes : (...) - e) l'État membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'État membre responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. (...)" ;

3. Considérant que l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 10 février 2012 vise les dispositions des articles 16, 17, 19 et 20 du règlement précité du 18 février 2003 et se réfère aux articles L. 531-1, L. 531-4 et L. 551-1 à L. 555-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'à l'article L. 741-4 du même code ; qu'elle indique que les vérifications administratives opérées ont fait apparaitre que M. C..., né à Tbilissi en Géorgie, a déposé une demande d'admission au séjour en France au titre de l'asile le 9 janvier 2012 alors qu'il avait déjà sollicité l'asile en Pologne et précise qu'une demande de reprise en charge de l'intéressé a été adressée aux autorités polonaises le 10 janvier 2012, acceptée par ces dernières le 13 janvier 2012 ; que cette décision, qui a permis à M. C... de connaître laquelle des procédures prévues par le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 lui a été appliquée, est donc suffisamment motivée en droit comme en fait, alors même qu'elle vise indifféremment les articles 16,17, 19 et 20 de ce règlement ; que si le requérant soutient que l'arrêté en litige ne fait pas état de la présence en France de la soeur de l'intéressé, ni de son état de santé, le préfet n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des éléments de fait alors surtout qu'il n'est d'ailleurs pas établi que ces dernières circonstances aient été portées à sa connaissance avant l'édiction de la décision litigieuse ; qu'enfin le préfet n'était pas davantage obligé de préciser en quoi la situation du requérant ne justifiait pas, à titre dérogatoire, un examen de sa demande d'asile par les autorités françaises ; qu'il s'ensuit que l'arrêté querellé satisfaisait aux exigences de motivation prescrites par les stipulations précitées du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

4. Considérant que l'article 2 de l'arrêté en litige mentionne que la reprise en charge de l'intéressé par l'Etat polonais sera effectuée dans un délai maximum de six mois à compter de la décision d'acceptation de la réadmission par les autorités polonaises intervenue le 13 janvier 2012, dès que les conditions matérielles seront réunies en conformité avec les spécifications mentionnées par l'acceptation de réadmission ; que le contenu de ces spécifications est repris dans l'arrêté contesté, lequel indique les lieux, jours et heures d'arrivée sur le territoire polonais, ainsi que les modalités d'information du transfert, et précise que ces informations font également foi dans le cas où l'intéressé choisirait de se rendre en Pologne par ses propres moyens ; qu'ainsi, la décision contestée satisfait à l'exigence d'information prévue par les dispositions précitées de l'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 : " (...) 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets. " ; que ces dispositions ne font pas obligation au préfet d'informer par écrit, dans une langue qu'il comprend, l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne de la décision de remise aux autorités compétentes de l'État membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté portant remise aux autorités polonaises a été notifié à l'intéressé le 10 février 2012 et qu'à cette occasion cet arrêté a été traduit oralement par un interprète dans la langue maternelle du requérant ; que, dès lors, cette information était suffisante pour satisfaire aux exigences du paragraphe 4 de l'article 3 de ce règlement ;

7. Considérant qu'à la supposer même établie, l'absence de communication à M. C... de la décision des autorités polonaises acceptant sa prise en charge, alors qu'aucun texte n'impose une telle communication, n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté contesté ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 5 avril 2012 de placement en rétention administrative :

8. Considérant que l'arrêté du 5 avril 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine ordonnant le

placement de M. C... en rétention administrative vise les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressé, qui fait l'objet d'une mesure de réadmission à destination de la Pologne, est dépourvu de document d'identité ou de voyage, ne dispose pas de résidence effective ou permanente en France et qu'il existe un risque qu'il se soustrait à une décision d'assignation à résidence ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3,

L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... a été informé des possibilités de recours administratifs et contentieux qui lui étaient ouvertes, d'une part, à l'occasion de la notification le 9 janvier 2012 de l'engagement par le préfet d'Ille-et-Vilaine de la procédure de reprise en charge par les autorités polonaises ainsi que des délais afférents à sa mise en oeuvre, d'autre part, lors de la notification de l'arrêté du 10 février 2012 ordonnant la remise de l'intéressé aux autorités polonaises et lors de la notification de l'arrêté du 5 avril 2012 ordonnant son placement en rétention administrative ; que l'arrêté précité du 10 février 2012, comme il a été dit, a également fait l'objet d'une traduction en Géorgien et a donc informé le requérant qu'il disposait d'un délai de 8 jours à compter de la notification de cet arrêté pour faire valoir ses observations, avertir ou faire avertir son consulat ou tout autre personne de son choix et précisé qu'à l'issue de ce délai la décision pourrait être mise à exécution ; que M. C... n'établit pas, par ses seules allégations, que ce délai de 8 jours aurait été insuffisant pour qu'il puisse faire valoir ses droits ; qu'il a été, par ailleurs, convoqué en préfecture le 30 mars 2012 en vue de l'examen de son dossier mais n'a pas honoré ce rendez-vous ; qu'il a également été informé, à l'occasion de son placement en rétention administrative, de son droit à solliciter l'assistance d'un conseil, à communiquer avec son consulat et à contacter toute instance compétente ou personne de son choix ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière au motif que M. C... n'aurait pas été mis en mesure de bénéficier des garanties prévues par les dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

11. Considérant qu'aux termes du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale " ;

12. Considérant qu'il ressort des dispositions du paragraphe III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a organisé une procédure spéciale permettant au juge administratif de statuer rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence, ainsi que sur la légalité des décisions de placement en rétention ou d'assignation à résidence elles-mêmes ; que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue alors au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine ; que les stipulations de l'article 5, paragraphe 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet ni pour effet de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions, distinctes, qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée de placement en rétention administrative aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation...." ; qu'aux termes de l'article 15 de la directive précitée n°2008/115/CE du 16 décembre 2008 : "1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. / Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise." ;

14. Considérant que M. C... soutient que l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel a été pris l'arrêté de mise en rétention, est contraire aux objectifs de l'article 15 de la directive 2008/115/CE précitée du 16 décembre 2008 ; que toutefois, il résulte des termes mêmes de la directive que, d'une part, le placement en rétention peut trouver à s'appliquer s'il existe un risque de fuite et que, d'autre part, l'assignation à résidence ne doit être privilégiée que dans des cas particuliers et à condition que cette mesure puisse être appliquée efficacement ; qu'il s'ensuit qu'en autorisant, par l'article L. 551-1, la possibilité pour l'administration de placer un étranger en rétention administrative dès lors que l'existence d'un risque de fuite est établie et que ne sont pas réunies les conditions définies par l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour permettre de prononcer une assignation à résidence, la disposition critiquée ne saurait être regardée comme incompatible avec les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 ;

15. Considérant, enfin, que si M. C... soutient que le risque de fuite sur lequel s'est fondé le préfet d'Ille- et -Vilaine pour ordonner son placement en rétention administrative n'est pas avéré, il ne conteste pas être dépourvu de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et n'avoir déclaré aucun lieu de résidence effective sur le territoire ; que, dans ces conditions, le préfet a pu estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que l'intéressé ne disposait pas de garanties de représentation suffisantes et, par suite, ordonner son placement en rétention administrative ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. C... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 12NT01402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01402
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-15;12nt01402 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award