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15/11/2013 | FRANCE | N°12NT01139

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 novembre 2013, 12NT01139


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2012, présentée pour M. A... B... demeurant..., par Me Karazu, avocat au barreau de Paris ; M. B... demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 1104605 du 27 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2011 du préfet du Loiret portant obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à défaut, de réexaminer sa si

tuation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astr...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2012, présentée pour M. A... B... demeurant..., par Me Karazu, avocat au barreau de Paris ; M. B... demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 1104605 du 27 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2011 du préfet du Loiret portant obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jours de retard dans un délai de 15 jours à compter la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code

de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée n'a pas pris en considération l'intérêt supérieur de l'enfant à naître en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- sa situation personnelle justifiait qu'un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours lui soit accordé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par Me D..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... le versement d'une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

le préfet soutient que :

- la requête devra être rejetée par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

- son arrêté est suffisamment motivé en fait et en droit ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le requérant ne justifie pas ne pas être retourné dans son pays d'origine depuis le 9 mai 2009, ni y être isolé ; il est en instance de divorce et sans charge de famille ;

- le requérant n'a pas demandé à bénéficier des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne développe aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel ;

- il n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; à la date de la décision contestée l'enfant n'était pas né et l'intérêt primordial de l'enfant est de ne pas être séparé de sa mère française ;

- l'octroi d'un délai volontaire de départ supérieur à 30 jours doit être motivé par des difficultés spécifiques rencontrées par l'étranger pour préparer le voyage de retour ; or le requérant n'invoque que des motifs tenant au respect de sa privée et familiale qui ne sont pas justifiés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant turc, relève appel du jugement du 27 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2011 du préfet du Loiret portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) " ;

3. Considérant que M. B..., ressortissant turc, est entré en France le 9 mai 2003 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour ; qu'il a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié politique qui lui a été refusée le 25 mars 2004 par décision du directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 3 janvier 2005 ; que le 30 avril 2009, il a fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, annulée par le Tribunal administratif de Melun par jugement du 7 mai 2009 ; qu'il n'a toutefois pas sollicité la régularisation de sa situation ; que, par l'arrêté contesté du 2 décembre 2011, pris sur le fondement des dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Loiret l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois suivant la notification de cet arrêté ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision contestée mentionne qu'elle se fonde sur le 2° du I et le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle rappelle les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé depuis le 9 mai 2003 et précise qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale dans la mesure où la communauté de vie avec son épouse a cessé depuis le 29 octobre 2011 ; qu'ainsi, l'arrêté litigieux qui, contrairement à ce que soutient le requérant, rend compte précisément de sa situation personnelle, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant son fondement et est, par suite, suffisamment motivé ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;

6. Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prescrire une telle obligation à l'égard d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

7. Considérant que M. B... fait état de ce qu'il réside habituellement en France depuis mai 2003, soit huit ans et huit mois à la date de la décision contestée ; que, toutefois, à l'expiration de son visa d'entrée, le requérant s'est maintenu sur le territoire sans être détenteur d'une autorisation de séjour ; qu'il n'a déposé une demande d'asile politique qu'en novembre 2003 et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après le rejet définitif de sa demande ; qu'il n'a jamais sollicité la régularisation de sa situation ; que s'il a épousé, le 18 juin 2011, une ressortissante française, il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que l'a relevé le préfet, que la communauté de vie a cessé depuis le 29 octobre 2011, date à laquelle son épouse a porté plainte pour violences conjugales ; qu'il n'allègue pas avoir d'autres attaches en France que son frère, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère est ses autres frères et soeurs ; que, par suite, M. B..., qui ne peut utilement se prévaloir de la naissance d'un enfant postérieurement à l'arrêté contesté, n'est pas fondé, eu égard aux conditions de son séjour sur le territoire et à sa situation matrimoniale, à soutenir que le préfet du Loiret ne pouvait prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois sans méconnaître ces dispositions ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été évoqué au point 7 que M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que M. B... n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet du Loiret, qui a procédé à un examen particulier de la situation du requérant, n'avait pas à examiner sa situation au regard de ces dispositions ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ;

11. Considérant que M. B... ne peut utilement se prévaloir, pour l'application de ces stipulations, de la naissance, postérieurement à l'arrêté contesté, de l'enfant issu de sa relation avec son épouse de nationalité française ;

12. Considérant, enfin, que le délai de trente jours accordé à M. B... pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français contestée est le délai de principe mentionné au II de l'article L. 511-1 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en retenant ce délai, le préfet du Loiret a, compte tenu de la situation personnelle et familiale susdécrite du requérant, commis une erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, que sa situation soit réexaminée et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement de la somme demandée par le préfet du Loiret au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C...

La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT01139 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01139
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : KARASU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-15;12nt01139 ?
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