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15/11/2013 | FRANCE | N°11NT03031

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 novembre 2013, 11NT03031


Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2011, présentée pour la Commune de Beaupréau, représentée par son maire, par Me Le Mappian, avocat au barreau de Nantes ; la commune de Beaupréau demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906017 du 13 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à payer à M. et Mme B... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice que leur cause la proximité et l'utilisation d'un hangar municipal ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Nante

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elle soutient que :

- ni la faute du maire dans l'exercice de ses pouvoir...

Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2011, présentée pour la Commune de Beaupréau, représentée par son maire, par Me Le Mappian, avocat au barreau de Nantes ; la commune de Beaupréau demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906017 du 13 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à payer à M. et Mme B... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice que leur cause la proximité et l'utilisation d'un hangar municipal ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes ;

elle soutient que :

- ni la faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ni les troubles de voisinage ne sont établis ;

- le tribunal n'a pas motivé son jugement sur les éléments perturbateurs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 8 décembre 2011 à Me Le Mappian, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu les mémoires complémentaires, enregistrés les 6 janvier et 22 février 2012, présentés pour la commune de Beaupréau, qui maintient ses conclusions et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient en outre que :

- toutes instructions ont été données pour limiter les nuisances, lesquelles ne sont d'ailleurs pas établies ;

- les autres voisins ne se plaignent pas de bruits ;

- aucune réunion festive ne se déroule dans le local ;

- la disposition des lieux et les aménagements réalisés limitent les nuisances ;

Vu la mise en demeure adressée le 24 février 2012 à M. et Mme B..., en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2012, présenté pour M. et Mme B..., demeurant..., par Me Meschin, avocat au barreau d'Angers, qui concluent :

1°) à la réformation du jugement n° 0906017 du 13 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a limité à 5 000 euros l'indemnisation de leurs préjudices ;

2°) à la condamnation de la commune de Beaupréau à leur verser la somme de 135 000 euros en réparation de ces préjudices ;

3°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Beaupréau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- les nuisances sont établies, et même reconnues par la commune qui est intervenue auprès des associations ;

- ils subissent des dommages permanents liés à la présence et au fonctionnement de l'ouvrage public ;

- le maire a commis une faute en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour faire cesser ou limiter les nuisances ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2012, présenté pour la commune de Beaupréau, par Me Meunier, avocat au barreau d'Angers, qui maintient, à titre principal, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement ; à titre subsidiaire, elle conclut à la réformation du jugement par réduction de l'indemnité allouée et au rejet de l'appel incident des épouxB... ;

elle soutient que :

- l'appel incident n'est pas motivé ;

- la réalité des nuisances sonores ou des troubles n'est pas établie ;

- le cyclo-club ne peut pas s'installer dans un autre local ;

- le local en cause appartient au domaine privé de la commune ;

- le montant de l'indemnité allouée est trop élevé ; le lien de causalité entre les nuisances alléguées et les travaux réalisés par les époux B...n'est pas établi ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2013, présenté pour M. et Mme B... qui maintiennent leurs conclusions et moyens ;

ils soutiennent en outre que :

- l'appel incident est motivé ;

- les nuisances sonores sont établies ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré le 18 octobre 2013, présenté pour la commune de Beaupréau, par la Selarl Lexcap, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, et en outre, à ce que soit mise à la charge des époux B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me Meunier, avocat de la commune de Beaupréau,

- et les observations de Me Meschin, avocat des épouxB... ;

1. Considérant que la commune de Beaupréau demande l'annulation du jugement du 13 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à payer à M. et Mme B... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice que leur cause la proximité et l'utilisation d'un local municipal ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme B... demandent à la Cour que le montant de leur indemnisation soit porté à la somme totale de 135 000 euros en réparation des troubles subis ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que la commune de Beaupréau soutient en appel que le local mis à la disposition du club de cyclotourisme, et dont l'utilisation serait à l'origine des troubles dénoncés par les épouxB..., appartient au domaine privé de la commune ;

3. Considérant que le local en cause a été réalisé par la commune de Beaupréau, en annexe du gymnase communal, et aménagé en local technique pour permettre d'y entreposer les panneaux et barrières de la commune ; qu'édifié ainsi pour le compte d'une personne publique dans un but d'utilité générale, il constitue un ouvrage public, alors même qu'il a été ultérieurement affecté à l'usage d'associations locales ; que, dès lors, en retenant la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande des époux B...en tant qu'ils recherchaient la responsabilité de la commune de Beaupréau sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'administration pour dommages permanents de travaux publics, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité ;

4. Considérant, en second lieu, que le jugement attaqué s'est prononcé sur les deux fondements de la demande indemnitaire de M. et Mme B... et a estimé que la responsabilité de la commune était engagée, pour faute de l'autorité de police, à raison de l'insuffisance des mesures prises contre les nuisances sonores provoquées tant par les manifestations et activités diverses organisées par le club de cyclotourisme, de bonne heure le matin mais aussi en fin de soirée et lors des week-ends, que par le va-et-vient des véhicules des participants à ces activités associatives ; que, dans ces conditions, le jugement n'est pas entaché de l'insuffisance de motivation alléguée ;

Sur l'appel principal :

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité pour dommages permanents liés à la présence d'un ouvrage public :

5. Considérant que M. et Mme B... sont propriétaires d'une maison d'habitation au n° 25 Faubourg Gourdon à Beaupréau depuis 1978 ; que la commune a édifié au cours de l'année 1989 un local technique au droit de la propriété des requérants dont l'usage principal a été rapidement réservé à l'activité de diverses associations puis exclusivement à celle du club de cyclotourisme à partir de l'année 1996 ; que M. et Mme B... se plaignent depuis cette dernière date d'une atteinte à leur tranquillité et à l'intégrité de leur propriété du fait d'un usage anormal qui résulterait de l'occupation du local par l'association précitée, générateur de perturbations sonores tant nocturnes que diurnes ainsi que de dépôts de déchets dans leur jardin ; qu'outre le fait que les troubles dont se plaignent les époux B...n'ont pas pour origine la présence et le fonctionnement de l'ouvrage public lui-même, mais l'utilisation qui en a été faite par les diverses associations et leurs adhérents, il ne résulte pas de 1'instruction que les nuisances, découlant des activités organisées dans le local situé à proximité du domicile des requérants seraient, par leur nature et leur amplitude horaire, constitutives d'un préjudice anormal et spécial dont ils seraient fondés à demander réparation ; que, dès lors, les époux B...ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Beaupréau à raison des dommages permanents que leur occasionnerait la présence du local communal jouxtant leur propriété ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'autorité de police :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique " ; qu'en vertu de ces dispositions, il incombe au maire de prendre les mesures appropriées pour lutter, sur le territoire de la commune, contre les émissions de bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants et d'assurer le respect de la réglementation édictée à cet effet ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B..., dont l'habitation jouxte le local communal mis à la disposition du club cyclotouriste, ont dénoncé, dès 1996, les nuisances sonores provoquées tant par les manifestations et activités diverses organisées tôt le matin, en fin de soirée et lors des week-ends, que par le va-et-vient des véhicules des participants à ces activités associatives ; qu'ils se plaignent notamment, sans être sérieusement démentis, des rassemblements matinaux bruyants des participants aux randonnées organisées par le club et des départs tardifs lors des manifestations festives rassemblant les adhérents du club ou sans rapport avec l'activité de l'association ; qu'en dépit de leurs nombreuses démarches de sensibilisation auprès des autorités locales et préfectorales, l'autorité municipale s'est bornée à convoquer à trois reprises le président du club de cyclotourisme afin de lui demander de veiller au respect de la tranquillité du voisinage du local municipal abritant l'activité de l'association ; que ces seuls actes n'ont pas, en l'absence de mesures visant à limiter l'usage dudit local et de ses abords dans des conditions respectueuses du voisinage, réduit les nuisances subies par les épouxB... ; que, pour contester la réalité des nuisances, la commune ne saurait utilement s'appuyer sur les attestations émanant d'habitants dont la propriété n'est pas riveraine du local et de ses abords ; qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre les mesures nécessaires à la cessation des nuisances supportées par les requérants, le maire de la commune de Beaupréau a fait preuve d'une carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Sur le préjudice :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en fixant à 5 000 euros l'indemnité pour troubles de jouissance allouée à M. et Mme B..., au regard de l'intensité de la gêne subie par les intéressés du fait des nuisances notamment sonores entraînées par le fonctionnement du local communal, les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice ainsi subi ; que c'est à juste titre qu'ils ont écarté la demande de remboursement des travaux d'isolation entrepris par les requérants sur leur immeuble, compte tenu de la date de réalisation de ces travaux au cours de l'année 2001, de l'ancienneté de leur habitation et de l'absence de démonstration que l'objectif poursuivi était de limiter les nuisances générées par l'utilisation du local communal ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Beaupréau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 13 octobre 2011, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser cette somme à M. et Mme B... ;

Sur l'appel incident :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, que l'appel incident formulé par les époux B...ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la commune de Beaupréau au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Beaupréau le versement à M. et Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Beaupréau est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme B... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : La commune de Beaupréau versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beaupréau et à M. et Mme C...B....

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 11NT030312

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT03031
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE MAPPIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-15;11nt03031 ?
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