La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2013 | FRANCE | N°12NT02342

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 novembre 2013, 12NT02342


Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012, présentée par le préfet d'Eure et Loir ; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201634 du 2 août 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 mars 2012 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire à l'encontre de M. B... A..., lui a enjoint de délivrer à celui-ci une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de ce jugement et a, également, condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros a

u titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejet...

Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012, présentée par le préfet d'Eure et Loir ; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201634 du 2 août 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 mars 2012 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire à l'encontre de M. B... A..., lui a enjoint de délivrer à celui-ci une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de ce jugement et a, également, condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

il fait valoir que :

- le signataire de l'arrêté contesté était titulaire d'une délégation de signature régulièrement émise ;

- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- il n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A... ne justifiait pas, à la date de la décision attaquée, qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance alors que cet enfant ne vit qu'avec sa seule mère et que le seul versement d'un mandat cash d'un montant de 125 euros dont l'authenticité est sujette à caution ne permet pas de démontrer l'effectivité d'une contribution régulière alors qu'au surplus un versement en numéraire n'est qu'un élément dans un ensemble à prendre en considération ;

- les attestations de voisinage ne sont pas davantage probantes ;

- le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il a violé les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- M. A... s'est acquitté d'une somme de 110 euros en application des dispositions des articles L. 311-4 et L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut donc se prévaloir de cette contribution à l'appui de ses conclusions en considérant qu'elle augurerait d'une suite favorable à sa demande ni qu'elle aurait un lien avec sa contribution à l'entretien de l'enfant Loly ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. A... ne se peut se prévaloir d'aucun motif exceptionnel ni d'aucune considération humanitaire justifiant une admission au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'intéressé pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée à M. B... A..., qui n'a pas répondu ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2013 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant sénégalais né le 1er juillet 1979, serait entré en France, selon ses déclarations, en novembre 2008 ; qu'à la suite de la naissance de sa fille Loly le 18 janvier 2012 à Pontoise, il a sollicité son admission au séjour en tant que parent d'enfant de nationalité française ; que, par arrêté du 20 mars 2012, le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que M. A... a contesté l'arrêté précité, lequel a été annulé par jugement du 2 août 2012 du tribunal administratif d'Orléans dont le préfet d'Eure-et-Loir interjette appel ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit: [...] 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a eu avec Mme D...C..., de nationalité française, l'enfant Loly, née le 18 janvier 2012, qu'il avait reconnue par anticipation le 18 octobre 2011 ; qu'il est toutefois constant qu'il n'a jamais vécu avec sa fille, qui vit chez sa mère dans le département du Val d'Oise alors que lui même réside chez son oncle à Dreux ; que les seuls versements d'un montant de 125 et 300 euros par mandats cash, dont le second est d'ailleurs postérieur à l'arrêté attaqué, ainsi que l'attestation de la mère de l'enfant, également postérieure à l'arrêté en litige et rédigée en termes convenus, ne permettent pas d'établir que le requérant contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celle-ci ; que ni l'attestation laconique d'une commerçante de la commune d'Eragny-sur-Oise où réside la mère, qui ne comporte aucune indication quant aux liens tissés avec l'enfant Loly, ni l'historique de rechargement du titre de transport " Navigo " valable sur l'ensemble de la région parisienne, lequel n'atteste pas à lui seul de l'existence de déplacements réguliers vers la commune où réside son enfant, ni l'attestation d'une voisine alléguant avoir commandé pour le compte de M. A... des vêtements pour enfant sur un site d'achat internet ne permettent davantage de démontrer la réalité et la continuité d'une contribution effective de M. A... aux besoins de cet enfant, tant sur le plan matériel qu'affectif ; que, par suite, le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité sur ce fondement ; que c'est ainsi à tort que, pour annuler l'arrêté préfectoral susvisé du 20 mars 2012, le tribunal administratif s'est fondé sur la violation de ces dispositions ;

4. Considérant qu'il y a lieu de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres moyens soulevés par M. A... ;

5. Considérant que la décision contestée a été signée par M. Blaise Gourtay, secrétaire général de la préfecture d'Eure-et-Loir, qui bénéficiait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du préfet du 6 février 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture ce même jour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 20 mars 2012 aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A..., l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que le préfet d'Eure-et-Loir a mentionné que M. A... ne remplit pas les conditions posées au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'une carte de séjour temporaire dès lors qu'il n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant avec laquelle il ne vit pas, qu'il ne justifie d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel de nature à justifier l'admission au séjour et que le refus de titre qui lui est opposé ne méconnaît pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'un récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle " ; qu'aux termes de l'article R. 311-4 du même code : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence sur le territoire pour la durée qu'il précise " ; qu'aux termes de l'article L. 311-13 D du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 311-7, préalablement à la délivrance d'un premier titre de séjour, l'étranger qui n'est pas entré en France muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ou qui, âgé de plus de dix-huit ans, n'a pas, après l'expiration depuis son entrée en France d'un délai de trois mois ou d'un délai supérieur fixé par décret en Conseil d'Etat, été muni d'une carte de séjour, acquitte un droit de visa de régularisation d'un montant égal à 340 €, dont 110 €, non remboursables, sont perçus lors de la demande de titre " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les récépissés délivrés constatent seulement le dépôt d'un dossier de demande de titre de séjour et régularisent la situation du requérant pendant l'instruction de sa demande ; que M. A... ne saurait dès lors utilement se prévaloir de ce qu'il a acquitté le droit de visa de régularisation prévu par les dispositions susmentionnées pour justifier d'une contribution à l'entretien et l'éducation de son enfant ou d'un quelconque droit à l'obtention du titre de séjour sollicité ;

8. Considérant que, si M. A... fait valoir qu'il a construit le centre de ses intérêts en France où il allègue avoir fondé une cellule familiale, il est constant, ainsi qu'il a été dit, qu'il ne vit ni avec sa fille ni avec la mère de son enfant ; qu'il ne justifie pas, par les documents produits, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant Loly ; qu'il n'établit pas davantage entretenir une relation suivie avec celle-ci ; que la seule circonstance qu'il bénéficie d'un emploi de manoeuvre dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ne peut lui permettre de se prévaloir d'une intégration sociale particulière ; qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où vivent ses deux parents et ses sept frères et soeurs ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ; que le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que dès lors que M. A... sollicitait une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français, le préfet d'Eure-et-Loir n'était pas tenu d'examiner sa demande au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors surtout qu'il ne justifiait d'aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire ;

10. Considérant, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que dès lors que M. A... ne démontre pas contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées ne peut être accueilli ; que les stipulations de l'article 9-1 de la même convention, qui ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers, ne peuvent être directement invoquées à l'appui d'un recours en annulation ;

11. Considérant enfin que, compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Eure-et-Loir est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 2 août 2012 le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 mars 2012, rejetant la demande de titre de séjour de M. A... et prononçant à l'encontre de celui-ci l'obligation de quitter le territoire français et lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de ce jugement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201634 du tribunal administratif d'Orléans du 2 août 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 novembre 2013.

Le rapporteur,

P. AUGER

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 12NT002342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02342
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-05;12nt02342 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award