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18/10/2013 | FRANCE | N°12NT02350

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 octobre 2013, 12NT02350


Vu la requête, enregistrée le 14 août 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Madrid, avocat au barreau d'Orléans ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4429 du 13 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2011 du préfet du Loiret l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination, lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois et procédant au signalement aux fins de non admission dans le syst

me d'information Schengen ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Madrid, avocat au barreau d'Orléans ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4429 du 13 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2011 du préfet du Loiret l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination, lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois et procédant au signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " salarié " dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet du Loiret de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, concernant l'interdiction de retour prononcée à son encontre, dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que son conseil renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

M. B... soutient que :

- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivé en droit dès lors qu'il se borne à viser de manière générale l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au seul motif qu'il ne disposait pas d'un visa de long séjour, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ; il a omis d'examiner s'il ne pouvait faire l'objet d'une admission exceptionnelle au séjour ; dans ce cas, le préfet n'a pas à tenir compte du fait qu'il ne disposait pas d'un visa de long séjour et de la circonstance que le métier proposé ne figure pas dans la liste des métiers connaissant des difficultés de recrutement, ni même de la situation de l'emploi ; il produit un contrat de travail à durée indéterminée établi par la société SAS MJ Sport pour un emploi de conseiller de vente ;

- le préfet aurait dû saisir pour avis le directeur départemental de l'emploi ;

- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a des attaches familiales en France ; son père y a vécu durant 40 ans avant de décéder le 22 octobre 2011 ; sa soeur réside également en France depuis 2006, y est mariée avec un ressortissant français dont elle a deux enfants auxquels il est très attaché ; il présente un excellent parcours d'intégration en France compte tenu de la poursuite d'études supérieures ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français ;

- la motivation du préfet relative à l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par Me de Villèle, avocat au barreau de Paris, tendant au rejet de la requête et au paiement par M. B... d'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

le préfet soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé ;

Vu le mémoire en production de pièces complémentaires enregistré le 7 novembre 2012 présenté pour M. B... ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 28 novembre 2012, présenté pour le préfet du Loiret, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire en production de pièces complémentaires, enregistré le 15 janvier 2013, présenté pour M. B... ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 28 janvier 2013, présenté pour le préfet du Loiret, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 30 juillet 2012, admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 2 juillet 2013 fixant la clôture d'instruction au 29 juillet 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 13 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2011 du préfet du Loiret l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination, lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois et procédant au signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise, d'une part, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ainsi que l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part énonce précisément les circonstances dans lesquelles le requérant est entré et s'est maintenu en France et les motifs pour lesquels il ne peut obtenir de titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco tunisien ; qu'ainsi, l'obligation de quitter le territoire français, qui comporte les considérations de fait et de droit qui la fondent, est suffisamment motivée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié régit de manière complète la situation des ressortissants tunisiens au regard de leur droit au travail en France ; que les stipulations de son article 3 et de l'article 2.3.3 du protocole annexé prévoient les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants tunisiens un titre de séjour en qualité de salarié sans opposition de la situation de l'emploi ; que ces stipulations font dès lors obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ", qui ont le même objet ; que, par suite, le moyen soulevé par M. B..., tiré de ce que le rejet de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et ne peut qu'être écarté ; qu'en outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet s'est en tout état de cause livré à l'examen particulier de la situation du requérant et a tenu compte de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis ;

4. Considérant, en troisième lieu que M. B... reprend en appel dans les mêmes termes ses moyens soulevés en première instance et tirés de ce que l'arrêté du 21 septembre 2011 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant n'assortit pas son moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur l'interdiction de retour :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ;

8. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que, pour prononcer

la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, le préfet du Loiret a pris en compte la double circonstance que depuis l'expiration du visa touristique de M. B..., entré en France le 2 octobre 2009, celui-ci n'a fait aucune démarche pour solliciter un titre de séjour, qu'il est célibataire et sans charge de famille ; qu'en revanche, il n'est pas précisé si M. B... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'aurait pas déféré et si sa présence sur le territoire français constituerait ou non une menace pour l'ordre public ; que le préfet du Loiret n'a donc pas motivé sa décision en prenant en compte au vu de la situation de l'étranger, l'ensemble des critères prévus par la loi ; que, par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et doit être annulée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant, d'une part, que le rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'implique aucune mesure d'exécution ; que dès lors les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

11. Considérant, d'autre part, que le présent arrêt, qui annule l'interdiction de retour sur le territoire français, implique nécessairement que le préfet du Loiret fasse supprimer dans le système d'information Schengen le signalement de M. B... aux fins de non-admission ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans toutefois assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, de mettre à la charge de l'Etat le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. B... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et, d'autre part, de mettre à la charge du requérant le versement à l'Etat de la somme de 800 euros que le préfet du Loiret demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 21 septembre 2011 du préfet du Loiret portant interdiction de retour de M. B... sur le territoire français pour une durée de six mois est annulée.

Article 2 : Le jugement du 13 mars 2012 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Loiret de saisir, dans le délai d'un mois, les services ayant procédé au signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, en vue de la mise à jour du fichier en tenant compte de l'annulation de l'interdiction de retour contenue dans l'arrêté du 21 septembre 2011.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2013, où siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2013.

Le rapporteur,

N. TIGER-WINTERHALTER Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02350
Date de la décision : 18/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DE VILLELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-18;12nt02350 ?
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