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11/10/2013 | FRANCE | N°12NT02669

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 11 octobre 2013, 12NT02669


Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2012, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Cohen-Tapia, avocat au barreau de Toulouse ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1205754 du 6 août 2012 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 mars 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

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3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de lui accorder l...

Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2012, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Cohen-Tapia, avocat au barreau de Toulouse ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1205754 du 6 août 2012 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 mars 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de lui accorder la nationalité française ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'ordonnance attaquée rejetant comme irrecevable sa demande pour défaut de timbre est entachée d'irrégularité ; il a présenté le 31 mai 2012 une demande d'aide juridictionnelle ; celle-ci lui a été accordée le 7 juillet suivant ;

- la décision du 28 mars 2012 contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est bien intégré à la société française ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 février 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que la demande de première instance était irrecevable et que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ;

Vu la décision du 13 septembre 2013 du président de la cour rejetant le recours formé par M. B... contre la décision du 27 décembre 2012 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes lui refusant le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que, par ordonnance du 6 août 2012, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 28 mars 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ; que M. B... interjette appel de cette ordonnance ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1635 bis Q du code général des impôts : " I. - Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance (...) introduite devant une juridiction administrative. / II. - La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance. / III. Toutefois, la contribution pour l'aide juridique n'est pas due : 1° Par les personnes bénéficiaires de l'aide juridictionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 411-2 du code de justice administrative, pris pour l'application de l'article 1635 bis Q : " Lorsque la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts est due et n'a pas été acquittée, la requête est irrecevable. / Cette irrecevabilité est susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours. Lorsque le requérant justifie avoir demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle, la régularisation de sa requête est différée jusqu'à la décision définitive statuant sur sa demande. / Par exception au premier alinéa de l'article R. 612-1, la juridiction peut rejeter d'office une requête entachée d'une telle irrecevabilité sans demande de régularisation préalable, lorsque l'obligation d'acquitter la contribution ou, à défaut, de justifier du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est mentionnée dans la notification de la décision attaquée ou lorsque la requête est introduite par un avocat. " ; qu'aux termes de l'article 43 du décret susvisé du 19 décembre 1991 : " Sous réserve des dispositions de l'article 41, le secrétaire du bureau d'aide juridictionnelle ou de la section du bureau, en cas de demande d'aide juridictionnelle formée en cours d'instance, en avise le président de la juridiction saisie. Dans le cas où la demande est faite en vue d'exercer une voie de recours, l'avis est adressé au président de la juridiction devant laquelle le recours doit être porté. " ;

4. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevable la demande de M. B... pour défaut d'acquittement du timbre fiscal de 35 euros représentant la contribution exigée par l'article 1635 bis Q du code général des impôts, en l'absence de justification d'une demande d'aide juridictionnelle ;

5. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... a présenté, le 31 mai 2012, dans le délai de recours contentieux, une demande d'aide juridictionnelle ; que, par décision du 4 juillet 2012, la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à l'intéressé, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes ne pouvait rejeter comme irrecevable, pour défaut d'acquittement du timbre fiscal de 35 euros, la demande de M. B..., sur le fondement des dispositions précitées des articles R. 411-2 et R. 222-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, l'ordonnance du 6 août 2012 attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. Considérant, en premier lieu, que la décision du 28 mars 2012 litigieuse indique qu'elle est prise en application des dispositions de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 et précise qu'elle est fondée sur ce que l'intéressé a été l'auteur d'une fausse déclaration sur l'honneur visant à occulter que son mariage du 21 octobre 1986 était entaché de bigamie en raison d'un premier mariage, en 1980, qui n'a été dissous que le 19 janvier 1993 ; qu'ainsi, ladite décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations d'apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. B... s'est marié, le 9 août 1980, au consulat général du Maroc, à Bordeaux, avec Mme A... B..., union dont sont issus trois enfants nés en 1982, 1983 et 1986 ; qu'il s'est marié, le 21 octobre 1986 à Angers, sans mention sur l'acte de mariage de son précédent mariage du 9 août 1980, lequel n'a été dissous que le 19 janvier 1993 ; que M. B... a épousé, le 7 août 1995, au Maroc, Mme C..., union dont sont issus trois enfants nés en 1999, 2002 et 2005, alors que son deuxième mariage n'a été dissous que le 16 janvier 2002 par la cour d'appel de Toulouse ; qu'il est constant que M. B... s'est borné, dans sa demande de naturalisation, à mentionner son mariage du 21 octobre 1986, sans indiquer ses autres mariages ; qu'ainsi, l'intéressé doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé des informations de nature à permettre à l'administration de statuer, en toute connaissance de cause, sur sa demande de naturalisation ; que, dans ces conditions, le ministre a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. B... ; que les circonstances que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une condamnation pour bigamie et qu'il serait bien intégré à la société française sont sans incidence sur la légalité de cette décision, eu égard au motif qui la fonde ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 28 mars 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'appelle aucune mesure d'exécution; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 6 août 2012 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2013.

Le rapporteur,

C. BUFFETLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02669 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02669
Date de la décision : 11/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : COHEN-TAPIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-11;12nt02669 ?
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