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04/10/2013 | FRANCE | N°12NT00428

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 octobre 2013, 12NT00428


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Salles, avocat au barreau de Lyon ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-2686 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Voiron à lui verser la somme de 74 474,80 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont il aurait fait l'objet ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Voiron à lui verser ladite s

omme ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Voiron la somme d...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Salles, avocat au barreau de Lyon ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-2686 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Voiron à lui verser la somme de 74 474,80 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont il aurait fait l'objet ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Voiron à lui verser ladite somme ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Voiron la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- il a été victime de harcèlement moral au centre hospitalier de Voiron au cours de la période de septembre 2006 à avril 2008 ; il a fait l'objet de dénigrements, brimades et critiques en termes humiliants par son supérieur hiérarchique ; il a subi des mesures vexatoires qui ont eu pour objet de l'évincer du service ; ces faits ont dégradé ses conditions de travail ;

- le centre hospitalier de Voiron a ainsi méconnu les dispositions des articles 6 quinquies et 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- ce harcèlement a rendu impossible l'exercice de son métier au sein de ce centre

hospitalier ; son préjudice matériel résulte de la perte de revenus qu'il a subie en 2007 et 2008, des frais auxquels il a été exposé pour son déménagement et pour la location d'une maison en attente de la vente de celle qu'il possède à Voiron ;

- son préjudice moral est réel, direct et certain ; il a été touché dans sa dignité ; la vie de sa famille a été perturbée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2012, présenté pour le centre hospitalier de Voiron, par Me Halimi, avocat au barreau de Paris ; le centre hospitalier de Voiron conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le comportement de M. B... a été indigne d'un praticien hospitalier ;

- M. B... avait accepté le principe d'une mutation ;

- le harcèlement moral n'est nullement établi ; les prétendus propos désobligeants du supérieur hiérarchique de l'intéressé sont inventés ; le tableau des gardes a été modifié pour assurer la continuité des soins ; le transfert d'une ligne téléphonique a eu lieu pour une meilleure organisation du service de chirurgie ; l'ordinateur de M. B... ne lui a pas été retiré ; la mutation de l'intéressé est intervenue sur la demande personnelle de celui-ci ;

- M. B... ne démontre l'existence d'aucune faute de l'établissement à son égard ;

- le préjudice allégué n'est pas établi ;

- le lien de causalité entre la prétendue faute et le dommage allégué n'est pas établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2013 :

- le rapport de M. Lainé, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B..., chirurgien, a exercé les fonctions de praticien hospitalier titulaire au sein du service de chirurgie digestive du centre hospitalier de Voiron (Isère), du 1er octobre 1992 au 30 avril 2008, service dont il avait été le chef du 1er décembre 1993 au 1er décembre 2003 ; qu'il a été muté au centre hospitalier de Centre Bretagne à compter du 1er mai 2008 ; que M. B... interjette appel du jugement du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Voiron à lui verser la somme de 74 474,80 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont il aurait fait l'objet ;

2. Considérant, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant que M. B... soutient que, de septembre 2006 à avril 2008, il a été victime de dénigrements, brimades et critiques en termes humiliants par son supérieur hiérarchique, qu'il a subi des mesures vexatoires qui ont eu pour objet de l'évincer du service et que ces faits ont dégradé ses conditions de travail ; que les éléments dont il fait ainsi état sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre ;

6. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que M. B... n'établit pas, par la production de ses propres courriels qui seuls en font mention, la réalité des propos désobligeants de son chef de service à son égard ; que si le tableau des gardes a été modifié, ce changement a porté sur une période où le requérant soit recherchait activement une mutation dans un autre hôpital soit effectuait des remplacements dans d'autres établissements et apparaît ainsi justifié par la nécessité d'assurer la continuité des soins ; que le filtrage allégué des appels téléphoniques ne ressort pas de la seule note d'organisation du service produite, prescrivant le transfert des appels concernant les patients de chirurgie générale, qui ne visait pas exclusivement M. B... ; qu'à supposer établi que l'information relative à un départ imminent de l'intéressé se serait ébruitée dès le mois de janvier 2007, cette circonstance ne permet pas de conclure à une pratique de dénigrement dès lors que le principe de la mutation de M. B... avait été convenu entre lui et la direction de l'hôpital dès le mois de décembre 2006 ; que ni la privation de l'usage de son ordinateur ni la réponse tardive à ses demandes ni la prise forcée de congés ne sont corroborées par les pièces produites ; que si M. B... invoque l'occupation de son bureau par une autre personne à une époque où il faisait des déplacements à l'extérieur dans le cadre de mises à disposition, il ne résulte pas de l'instruction que ce changement ait été effectué au détriment de ses conditions de travail ; que la circonstance que l'intéressé n'ait pas pu répondre aux attentes de certains patients alors qu'il exerçait ses fonctions dans le cadre de remplacements à l'extérieur ne permet pas de conclure qu'il aurait été mis à l'écart ; que, dans ces conditions, les agissements tant du chef de service de M. B... que du directeur du centre hospitalier de Voiron, qui n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne peuvent être qualifiés de harcèlement au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; que les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée n'ont pas davantage été méconnues ;

7. Considérant qu'à défaut pour M. B... d'établir l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Voiron à son égard, ses conclusions tendant à ce que cet établissement soit condamné à l'indemniser des préjudices allégués ne peuvent qu'être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Voiron, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... le versement au centre hospitalier de Voiron de la somme demandée au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Voiron tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au centre hospitalier de Voiron.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. C..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2013.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

S. AUBERT Le président-rapporteur,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT00428

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00428
Date de la décision : 04/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : HALIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-04;12nt00428 ?
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