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04/10/2013 | FRANCE | N°11NT02427

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 octobre 2013, 11NT02427


Vu la requête, enregistrée le 26 août 2011, présentée pour M. B... A..., demeurant " ..., par Me Chéneau, avocat au barreau de Paris ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000673 du 8 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet à lui verser une indemnité totale de 20 700 euros avec intérêts de droit à compter de la réception de sa réclamation préalable, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant des actes de harcèlement don

t il a été victime sur son lieu de travail ;

2°) de condamner la communauté ...

Vu la requête, enregistrée le 26 août 2011, présentée pour M. B... A..., demeurant " ..., par Me Chéneau, avocat au barreau de Paris ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000673 du 8 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet à lui verser une indemnité totale de 20 700 euros avec intérêts de droit à compter de la réception de sa réclamation préalable, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant des actes de harcèlement dont il a été victime sur son lieu de travail ;

2°) de condamner la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet à lui verser une indemnité de 22 000 euros, sauf à parfaire, avec intérêts de droit à compter de la réception de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le fait de laisser un agent public subir un harcèlement sur son lieu de travail constitue une faute imputable à la collectivité employeur ;

- il produit des éléments suffisants pour faire présumer l'existence d'un harcèlement ;

- l'employeur n'a pas produit d'éléments démontrant que les agissements dont il se plaint étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ;

- le préjudice moral considérable et l'atteinte à sa réputation justifient l'octroi d'une indemnité de 20 000 euros ;

- le préjudice financier peut être évalué en l'état à 2 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2011, présenté pour la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet, représentée par son président, par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ;

La communauté de communes du Pays de l'Orbiquet conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le dossier ne met en évidence aucune preuve tangible de la réalité des faits de harcèlement ;

- les faits dénoncés ne sauraient être regardés comme relevant du harcèlement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée notamment par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Chéneau, avocat de M. A... ;

1. Considérant que M. A..., qui enseignait la guitare classique à l'école de musique d'Orbec, gérée par la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet, relève appel du jugement du 8 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que cet établissement public soit condamné à lui verser la somme globale de 20 700 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont il aurait fait l'objet et du comportement fautif de son employeur à son égard ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.... " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant que M. A... soutient que ses conditions de travail ont été fortement dégradées par les exigences de la directrice de l'école qui programmait des réunions de service trop fréquentes et souvent inutiles, qui n'assistait pas les enseignants dans la réalisation de leurs projets et désorganisait les auditions, et qui s'autorisait à les contacter en dehors des horaires de service ; qu'il affirme que sa hiérarchie dévalorisait son enseignement et cherchait à réduire le nombre des élèves inscrits à ses cours ; qu'enfin ses demandes d'aménagement d'horaires auraient été refusées pendant la période d'hospitalisation de son fils, né " grand prématuré " ; que ces attitudes, qu'il qualifie de harcèlement moral, seraient à l'origine de problèmes de santé et auraient motivé sa demande de mutation ;

6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les exigences de la directrice de l'école de musique, que M. A... dénonce de façon souvent peu circonstanciée, concernaient tous les enseignants et relevaient pour la plupart des prérogatives de l'autorité hiérarchique en matière d'organisation du service ; qu'en particulier, les réunions étaient nécessaires à la bonne marche de l'établissement et s'inscrivaient dans les démarches préconisées par le " schéma départemental de développement des enseignements artistiques ", sans que leur périodicité présente un caractère excessif ; qu'il résulte des témoignages produits par la communauté de communes de l'Orbiquet que la directrice a su impulser une dynamique au sein de l'école et que les auditions étaient bien organisées et professionnelles ; que la circonstance qu'une collègue ait demandé à changer de numéro de téléphone n'est pas de nature à établir que la directrice importunait par des appels fréquents les enseignants, notamment le requérant lui-même, en dehors de leurs horaires de service ; qu'enfin la répartition entre les différentes filières des élèves inscrits et la fixation du volume horaire d'enseignement confié à chaque enseignant relèvent de choix effectués par la directrice, qui, par eux-mêmes, ne sont pas révélateurs d'une volonté de dévaloriser les enseignements de M. A..., dont les compétences étaient, au demeurant, reconnues ;

7. Considérant, d'autre part, que, si la directrice de l'école a exigé la présence de M. A... à un entretien et à une réunion, au cours de la période d'hospitalisation de son fils, soit entre le 3 septembre et le 16 octobre 2009, il ne résulte pas de l'instruction que les demandes d'aménagement d'horaires qu'il aurait présentées aient été systématiquement rejetées ; qu'au surplus, contrairement à ce que soutient l'intéressé, sa présence auprès de son fils n'était pas requise en permanence ;

8. Considérant, enfin, qu'il ne résulte nullement de l'instruction que les problèmes de tendinite à la main droite qu'a rencontrés M. A... soient liés aux conditions de travail qu'il dénonce ; que, s'il affirme avoir dû recourir aux services d'une sophrologue, le recours à ce type d'aide psychologique apparaît essentiellement relever d'une approche personnelle, alors surtout qu'il avait lui-même ouvert un groupe de sophrologie au centre culturel de Livarot ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les agissements dénoncés par le requérant ne sauraient être regardés comme constitutifs de harcèlement moral ; que M. A... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses prétentions indemnitaires ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la communauté de communes du Pays de l'Orbiquet.

Une copie en sera transmise à Me Cheneau et à Me Gorand.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINELe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT024272

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02427
Date de la décision : 04/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : GORAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-04;11nt02427 ?
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