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20/09/2013 | FRANCE | N°12NT01576

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 septembre 2013, 12NT01576


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012, présentée pour M. A... D..., détenu au..., par Me Allain, avocat au barreau de Tours ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200143 du 17 avril 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2011 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a prononcé son expulsion du territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir, sous astreinte de 50 euros par jour de reta

rd, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la not...

Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012, présentée pour M. A... D..., détenu au..., par Me Allain, avocat au barreau de Tours ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200143 du 17 avril 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2011 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a prononcé son expulsion du territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il représentait une menace grave pour l'ordre public ; en effet, il n'a commis que des délits mineurs et uniquement par nécessité ; en outre, il a tout mis en oeuvre pour s'insérer dans la société française dans laquelle il évolue depuis plus de dix ans ;

- il remplit les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait être expulsé que dans le cas où son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, ce qui n'est pas démontré en l'espèce ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit en France depuis plus de dix ans aux côtés de toute sa famille ; il entretient une relation stable avec Mme C..., titulaire d'un titre de séjour, dont sont issus deux enfants nés en 2005 et 2010 en France ; sa compagne travaille et justifie d'un logement ;

- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues dès lors qu'il a quitté le Kosovo pour fuir la guerre qui sévissait dans ce pays ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2012, présenté par le préfet d'Eure-et-Loir, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- M. D... a été condamné à sept reprises entre 2004 et 2010 dont plusieurs fois en récidive pour vol ou vol aggravé ; compte tenu de la répétition et de la gravité des faits, il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; par ailleurs, M. D... n'apporte pas d'élément de nature à démontrer une volonté de réinsertion réelle ;

- l'intéressé ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas méconnu les dispositions du 5° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. D... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo ;

- l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, le requérant n'apporte aucun élément permettant de démontrer que sa relation avec Mme C..., laquelle ne dispose que d'un récépissé de demande de titre de séjour, est sérieuse et stable ; elle est hébergée à titre gratuit par une association ; en outre, il ne démontre pas avoir des liens avec les autres membres de sa famille, excepté avec sa mère, présents en France ;

- M. D..., dont la demande d'asile a été rejetée à deux reprises, n'établit pas que sa vie et sa liberté seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 19 octobre 2012, accordant à M. D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. D..., ressortissant kosovar, relève appel du jugement du 17 avril 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2011 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a prononcé son expulsion du territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : ...4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant".. " ; que, si M. D... soutient qu'il est entré en France en 1998, alors qu'il avait 13 ans, et qu'il s'y serait depuis lors maintenu, il ressort des pièces du dossier que, depuis sa majorité, il n'a que rarement était titulaire d'une autorisation de séjour ; qu'en outre les nombreuses années de détention effective ne peuvent être prises en compte ; qu'ainsi, à la date de la décision attaquée, le 8 décembre 2011, il ne justifiait pas d'une résidence régulière en France depuis plus de dix ans et ne remplissait donc pas les conditions exigées par les dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, subordonnant son expulsion à une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

4. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, dans un courrier du 14 février 2012, qui se rapporte à la situation de fait antérieure à la décision contestée, le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué que l'intéressé pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo ; que les certificats médicaux des 23 décembre 2010 et 25 janvier 2011, établis à la demande du requérant par le médecin de l'unité de consultations et de soins ambulatoires du centre de détention où il se trouvait, qui se bornent à indiquer que le traitement de M. D... n'est pas disponible dans son pays d'origine, ne sont pas de nature à contredire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé fondé sur une documentation non contestée établie par les autorités sanitaires kosovares ; qu'en outre, M. D... ne fait valoir aucune circonstance humanitaire exceptionnelle ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France de l'étranger constitue une menace grave à l'ordre public. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui déclare être entré en France en 1998 a, sous diverses identités, attiré défavorablement l'attention des services de police, ce qui lui a valu d'être condamné entre 2004 et 2007 à sept reprises, principalement pour vol aggravé et recel, totalisant un quantum de peines de sept années et onze mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis ; qu'en dernier lieu, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Tours le 22 janvier 2010 à un an et huit mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans pour vol aggravé par deux circonstances et recel de biens provenant d'un délit en état de récidive légale ; que, dans ces conditions, en estimant au vu de ces faits, compte tenu du caractère répété et de la gravité des infractions commises, et en l'absence de perspective de réinsertion sérieuse, que la présence en France de M. D... constituait une menace grave pour l'ordre public, le préfet d'Eure-et-Loir n'a entaché sa décision ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance... " ;

8. Considérant que M. D... soutient qu'il séjourne sur le territoire français depuis 1998, que l'ensemble de sa famille vit désormais en France et qu'il entretient une relation stable, dont sont issus deux enfants nés en 2005 et 2010, avec Mme C..., titulaire d'un titre de séjour ; que toutefois, il se borne à produire une attestation d'hébergement et n'établit pas la stabilité de sa relation avec Mme C..., laquelle ne dispose d'ailleurs que d'un récépissé de demande de titre de séjour valable jusqu'au 27 février 2012 ; que s'il a reconnu l'enfant de cette dernière le 15 mars 2010, l'acte de naissance mentionne deux adresses différentes pour les concubins ; qu'en outre M. D... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit de plusieurs décisions de refus de séjour et d'éloignement, en utilisant diverses identités ; qu'enfin, il n'établit pas l'intensité des liens affectifs et familiaux dont il se prévaut, alors surtout qu'il a notamment déclaré devant la commission d'expulsion ne plus entretenir de relation avec son père ou ses frères et soeurs présents en France ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la mesure d'expulsion prise à son égard n'a pas, eu égard à la gravité du comportement reproché, porté à sa vie privée et familiale une atteinte excessive ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que si M. D..., dont la demande d'asile a été rejetée en 2006 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Commission de recours des réfugiés, soutient qu'il a quitté le Kosovo pour fuir un pays en guerre, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations de nature à établir qu'il serait personnellement exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Eure-et-Loir, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Allain, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 septembre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINELe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT015762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01576
Date de la décision : 20/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ALLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-09-20;12nt01576 ?
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