Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2011, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Hassid, avocat au barreau de Lyon ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1004949-1102756 du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 6 octobre 2009 de l'autorité consulaire française à Annaba (Algérie) rejetant sa demande de visa d'entrée et de court séjour en France ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de lui délivrer un visa d'entrée en qualité de conjoint de français dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision de la commission, rédigée de manière très générale, est insuffisamment motivée car elle omet de viser l'accord-franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la décision attaquée contient une multitude d'erreurs de fait : date de la saisine de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ; existence d'un autre mariage ; polygamie ;
- l'administration ne pouvait pas fonder sa décision de refus sur les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant le caractère frauduleux du mariage car elles ne sont pas applicables aux ressortissants algériens ;
- la commission a commis une erreur d'appréciation en lui opposant le caractère complaisant de son mariage pour justifier le refus de visa ; en effet, aucune procédure en annulation de mariage n'a été diligentée par le juge judiciaire, il connaissait son épouse avant leur union, plusieurs photographies et attestations prouvent la sincérité du mariage, l'échange de nombreux courriers et l'achat de cartes téléphoniques démontrent le maintien de leur relation malgré la distance et le défaut de ressources de son épouse ainsi que l'état de santé de sa soeur expliquent qu'elle n'a pu se rendre qu'une fois en Algérie depuis le mariage ;
- il a menti concernant son état civil lors de ses précédentes demandes de visa, Mme D... étant sa première épouse ; ainsi, en mettant en doute sa capacité à contracter un second mariage, la commission s'est fondée sur des faits matériellement inexacts ;
- il est âgé de 30 ans, fait preuve d'une très bonne intégration dans la famille de son épouse dont il est contraint de vivre séparé depuis leur mariage et sa mère et sa soeur vivent en France depuis 10 ans ; dès lors, en lui refusant la délivrance du visa sollicité, la commission a méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 février 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la décision attaquée énonce les éléments de fait propres à l'espèce et est dès lors suffisamment motivée ;
- la fraude étant un motif d'ordre public, les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont applicables aux ressortissants algériens ;
- M. B... n'a jamais mentionné souhaiter rendre visite à Mme D... lors de ses précédentes demandes de visa, cette dernière ne fait état que de deux voyages en Algérie et aucun des documents produits par l'intéressé n'est de nature à établir le maintien de la communauté de vie après le mariage ; ainsi, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le mariage en cause avait pour but de permettre au requérant de s'établir sur le territoire français ;
- la commission n'a pas commis d'erreur de fait en faisant référence à un précédent mariage de M. B... car ce dernier a produit, dans le cadre de précédentes demandes de visa, des documents officiels rapportant l'existence de cette union ;
- M. B... ne saurait se prévaloir de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son mariage avec Mme D... présente un caractère complaisant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2013 :
- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B..., ressortissant algérien, interjette appel du jugement du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 6 octobre 2009 de l'autorité consulaire française à Annaba (Algérie) rejetant sa demande de visa d'entrée et de court séjour en France ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit (...) comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a suffisamment motivé sa décision en indiquant qu'elle s'est fondée, d'une part, sur le défaut d'intention matrimoniale de M. B... et, d'autre part, sur la circonstance qu'un acte de naissance produit par l'intéressé à l'appui d'une précédente demande de visa faisait état d'un mariage sans mention d'un divorce postérieur et ne permettait pas d'établir sa capacité à contracter un second mariage ; que les circonstances que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a indiqué, par une erreur purement matérielle, avoir reçu le recours de M. B... à l'encontre de la décision de l'autorité consulaire française à Annaba le 16 novembre 2010 au lieu du 6 décembre 2009 et que la décision attaquée ne vise pas l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dont elle ne fait pas application, ne sauraient être regardées comme caractérisant une insuffisance de motivation ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " (...) le visa (...) ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public " ; qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que, toutefois, il appartient à l'autorité consulaire, s'il est établi de façon certaine lors de l'examen d'une demande de visa d'entrée en France motivée par la circonstance que le demandeur entend rejoindre un conjoint de nationalité française, que le mariage a été contracté dans le but exclusif de permettre, dans un premier temps, l'obtention du visa, puis, ultérieurement, celle d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser à l'intéressé, sous le contrôle du juge, le visa sollicité ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de ses précédentes demandes de visa en 2006, M. B... indiquait alors être marié à une ressortissante algérienne, et n'a jamais mentionné souhaiter rendre visite à Mme D... ; que cette dernière ne s'est rendue qu'une fois en Algérie avant leur union le 20 août 2008 et que si elle s'y est rendue une nouvelle fois, en mars 2011, elle ne produit aucun document établissant qu'elle y ait rencontré son époux ; que si, pour justifier de la réalité de son intention matrimoniale, le requérant produit des attestations émanant de proches, le contenu stéréotypé et imprécis de celles-ci ne leur confère aucun caractère probant ; que, par ailleurs, si M. B... produit deux photographies et des copies de quelques courriers échangés avec Mme D... entre 2008 et 2011 et justifie avoir acheté des cartes téléphoniques en Algérie, sans que le destinataire de ses appels puisse être identifié, ces éléments sont insuffisants pour établir que les intéressés ont effectivement maintenu des relations à caractère matrimonial après leur mariage ; qu'il n'est pas établi que M. B... contribuerait aux charges du couple, alors même qu'il résulte des termes de sa requête que Mme D... ne disposerait que de faibles ressources ; que, dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu légalement estimer que le mariage avait été contracté dans un but autre que l'union matrimoniale et refuser, pour ce motif, le visa sollicité ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration, à supposer même qu'elle ait inexactement apprécié la réalité de la situation maritale de M. B... au moment de son mariage avec Mme D..., aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif tiré du défaut d'intention matrimoniale ;
5. Considérant que, par voie de conséquence, et alors même que la mère et la soeur de M. B... résideraient en France depuis 10 ans, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat,
qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. B... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,
- M. Gauthier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2013.
Le rapporteur,
B. MADELAINELe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. C...
La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11NT03088