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05/07/2013 | FRANCE | N°12NT00748

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 juillet 2013, 12NT00748


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 et 29 mars 2012, présentés pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Paulhac, avocat au barreau de Montreuil ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-3814 du 9 février 2012 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pa

ys de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2011 en tant...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 et 29 mars 2012, présentés pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Paulhac, avocat au barreau de Montreuil ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-3814 du 9 février 2012 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2011 en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de son avocat ;

Elle soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du

séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle souffre d'une hypertension artérielle chronique, associée à une hypothyroïdie et à une dépression réactionnelle ; elle souffre toujours des mêmes pathologies qui ont conduit le préfet à lui délivrer un premier titre de séjour ;

- pour soigner son hypertension artérielle elle prend quotidiennement de la Spironolactone, de l'Amlodipine et de la Titanoreine ; l'arrêt de ce traitement pourrait provoquer des lésions cardiovasculaires et neurologiques ;

- pour ce qui est de son hypothyroïdie, elle est traitée quotidiennement par Lévothyrox ; ce médicament n'est pas disponible dans son pays d'origine ;

- elle souffre également d'un syndrome de stress post-traumatique en raison des abus sexuels qu'elle a subis en République du Congo ; elle est soumise à une psychothérapie régulière et est traitée par Laroxyl, un antidépresseur ;

- la prise en charge de ses pathologies ne pourrait être assurée de manière effective ; son retour dans son pays d'origine aurait de surcroît un effet pathogène certain ;

- l'avis du Dr Michaud, qui la suit depuis 2009, contemporain à celui du médecin de l'agence et de la décision du préfet, infirme l'avis du médecin de l'administration ;

- elle produit d'autres éléments médicaux de nature à établir qu'elle ne pourrait bénéficier de soins adaptés dans son pays d'origine ;

- le préfet s'appuie exclusivement sur deux documents pour estimer que la prise en charge de ses pathologies serait possible : la liste nationale des médicaments essentiels et la fiche pays du Congo ; la fiche pays est obsolète dès lors qu'elle date de 2006 ; l'apposition d'une croix en face du médicament " lévothyroxine " sur la liste nationale des médicaments essentiels ne permet pas d'établir que ce médicament serait disponible ;

- le refus de renouvellement de son titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation, à l'intérêt pour elle de poursuivre son traitement en France, à l'absence de traitement approprié à son état de santé en République du Congo où elle demeure sans aucune nouvelle des membres de sa famille et serait isolée ;

- elle est fondée à solliciter la confirmation du jugement du tribunal administratif d'Orléans qui a annulé l'arrêté contesté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pendant six mois ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2012, présenté pour le préfet d'Eure-et-Loir, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- l'auteur de l'arrêté contesté dispose d'une délégation de signature régulière ;

- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé ;

- il n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour, Mme A... ne pouvant bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- l'avis émis le 16 août 2011 par le médecin de l'agence régionale de santé est régulier ;

- Mme A... ne remplit pas les conditions de délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la République du Congo dispose d'une liste nationale des médicaments essentiels dont la lévothyroxine ; la liste versée aux débats comporte l'ensemble des principes médicamenteux nécessaires à la prise en charge de l'état de santé de la requérante ; il ressort des fiches " DPM " que l'offre de soins au Congo Brazaville pour traiter l'hypertension artérielle, l'hypothyroïdie et la dépression réactionnelle est suffisante ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2013 :

- le rapport de Mme Tiger, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante de la République du Congo née en 1960 et entrée irrégulièrement en France le 31 octobre 2005, relève appel du jugement du 9 février 2012 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des

étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ;

3. Considérant que le 26 juin 2009 Mme A... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé ; que le tribunal administratif d'Orléans ayant annulé par un jugement du 25 février 2010 l'arrêté du 21 octobre 2009 du préfet d'Eure-et-Loir rejetant cette demande, l'autorité administrative lui a délivré le 13 juillet 2010 une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 10 juillet 2011, après un avis du médecin de l'agence régionale de santé du Centre indiquant que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont l'absence aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les soins n'étaient pas disponibles au Congo ; que le préfet d'Eure-et-Loir, par l'arrêté contesté du 23 septembre 2011, a refusé de lui accorder le renouvellement de cette carte ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a fondé son appréciation sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 16 août 2011 selon lequel Mme A..., qui souffre d'une hypothyroïdie sévère exigeant un traitement hormonal substitutif, d'hypertension artérielle et d'un état dépressif réactionnel, pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, toutefois, le préfet, pour prendre l'arrêté contesté, s'appuie tout comme en 2010 sur la " fiche pays " établie en 2006 par la direction de la population et des migrations du ministère des affaires sociales et de la santé et sur la 5ème édition de la liste des médicaments essentiels de ce pays, et n'apporte aucun autre élément démontrant qu'une telle prise en charge serait désormais possible ; que dans ces conditions, compte tenu du défaut d'actualisation des informations produites par l'administration et de la diversité des soins rendus impérativement nécessaires par la complexité de l'état de santé de la requérante associant les trois pathologies susmentionnées, la disponibilité de traitements appropriés dans le pays d'origine de la requérante ne peut être regardée comme établie et le préfet d'Eure-et-Loir a, dès lors, méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant d'accorder à Mme A... le renouvellement de la carte de séjour temporaire sollicitée et en l'obligeant à quitter le territoire français ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait affectant la situation de l'intéressée, le préfet d'Eure-et-Loir délivre à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai qu'il convient de fixer à un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y pas lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 11-3814 du 9 février 2012 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 23 septembre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Eure-et-Loir de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger, premier conseiller,

- M. Gauthier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2013.

Le rapporteur,

N. TIGER Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00748
Date de la décision : 05/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-05;12nt00748 ?
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