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05/07/2013 | FRANCE | N°11NT03064

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 juillet 2013, 11NT03064


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2011, et régularisée le 7 décembre 2011 par l'apposition du timbre fiscal de 35 euros dû au titre de la contribution pour l'aide juridique, présentée pour la société Carrefour Hypermarchés, dont le siège est 1, rue Jean Mermoz à Evry (91002), et pour la société Carrefour Insurance Limited, dont le siège est 25/28, Adélaïde road à Dublin (Irlande) par Me Marchand, avocat au barreau de Paris ; la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour Insurance Limited demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°

09-2871, 10-3175 du 29 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Re...

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2011, et régularisée le 7 décembre 2011 par l'apposition du timbre fiscal de 35 euros dû au titre de la contribution pour l'aide juridique, présentée pour la société Carrefour Hypermarchés, dont le siège est 1, rue Jean Mermoz à Evry (91002), et pour la société Carrefour Insurance Limited, dont le siège est 25/28, Adélaïde road à Dublin (Irlande) par Me Marchand, avocat au barreau de Paris ; la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour Insurance Limited demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-2871, 10-3175 du 29 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à payer, d'une part, à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 17 503 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et, d'autre part, à la société Carrefour Insurance Limited la somme de 6 215 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elles ont subis du fait d'une manifestation de marins pêcheurs le 22 mai 2008 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 17 207,99 euros et de 7 737 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- le jugement du 29 septembre 2011 du tribunal administratif de Rennes n'a statué que sur l'existence d'une faute lourde et non sur celle d'une faute simple et est entaché de contradiction dans les motifs ;

- leur demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes contre le rejet de leur demande indemnitaire du 5 janvier 2009 était recevable ; le contentieux a été lié en cours d'instance ;

- leur demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes contre le rejet de leur demande indemnitaire du 1er avril 2010 était recevable ;

- la carence de la police constitue une faute ;

- la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des attroupements est engagée, en raison des dommages qu'elles ont subis du fait de l'intervention des marins pêcheurs le 22 mai 2008 ;

- elles ont subi un préjudice anormal et spécial du fait de l'abstention de la police à intervenir, elles ont également droit à être indemnisées de leurs préjudices, sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2012, présenté par le préfet du Finistère, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la requête de la société Carrefour Hypermarchés et de la société Carrefour Insurance Limited, dépourvue de timbre fiscal et de motivation d'appel, est irrecevable ;

- la demande présentée par les intéressées devant le tribunal administratif de Rennes contre le rejet de leur demande indemnitaire du 5 janvier 2009 était tardive et, par suite, irrecevable ;

- la demande indemnitaire du 1er avril 2010 n'a pas eu pour effet de rouvrir un nouveau délai de recours contentieux ; dès lors, la seconde demande présentée par les intéressées devant le tribunal administratif de Rennes était également irrecevable ;

- les actions à l'origine des dommages allégués, étaient préméditées ; les conditions de l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait des attroupements ou rassemblements, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, ne sont pas remplies ;

- les autorités investies du pouvoir de police ne se sont pas abstenues d'agir mais ont été placées dans l'impossibilité matérielle de le faire efficacement ; en outre, la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour Insurance Limited ne justifient pas de l'existence d'un préjudice anormal et spécial ; par suite, la responsabilité sans faute de l'Etat du fait de la rupture d'égalité devant les charges publiques ne peut pas être engagée ;

- l'Etat n'a pas commis de faute ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2013, présenté pour les sociétés Carrefour Hypermarchés et Carrefour Insurance Limited, qui concluent aux mêmes fins que leur requête et à ce que l'Etat soit condamné à verser à la première la somme de 22 450,04 euros, par les mêmes moyens ;

Elles soutiennent en outre que :

- leur requête est munie du timbre fiscal ;

- leur requête d'appel est motivée ;

- leur demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes n'était pas tardive ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2013 :

- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Marchand, avocat des sociétés Carrefour Hypermarchés et Carrefour Insurance Limited ;

1. Considérant que la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour Insurance Limited interjettent appel du jugement du 29 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à payer, d'une part, à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 17 503 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et, d'autre part, à la société Carrefour Insurance Limited la somme de 6 215 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elles ont subis du fait d'une manifestation de marins pêcheurs le 22 mai 2008 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet du Finistère :

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en écartant l'existence d'une faute lourde de l'Etat dans le maintien de l'ordre, invoquée par les requérantes elles-mêmes, les premiers juges se sont bornés à répondre au moyen tiré de la faute résultant de la carence des pouvoirs de police et n'ont pas entaché leur jugement de l'insuffisance de motivation alléguée ;

3. Considérant que le tribunal a pu considérer, sans entacher son jugement de contradiction dans les motifs, d'une part, que les allégations de la société Carrefour Hypermarchés et de la société Carrefour Insurance Limited sur la carence fautive de la police n'étaient assorties d'aucune précision et, d'autre part, que les autorités investies du pouvoir de police ne s'étaient pas abstenues d'agir mais avaient été placées dans l'impossibilité matérielle de le faire efficacement ;

Sur le fond :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du du code général des collectivités territoriales : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) " ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier d'un procès-verbal de police du 24 mai 2008, que le 22 mai 2008, en-dehors de toute manifestation de rue, entre trente et quarante individus, dont certains étaient cagoulés, ont pénétré dans le magasin Carrefour de Quimper, munis de sacs de congélation et de chariots ; qu'ils ont emporté une partie des marchandises des rayons poissonnerie, libre-service et surgelés et les ont distribuées à des clients ; qu'ensuite, ces mêmes individus ont occupé la station-service et, tout en utilisant des fumigènes pour effrayer les employés, ont permis à des clients de se servir gratuitement en carburant et ont rempli des bidons ou leurs propres véhicules ; que, toutefois, la circonstance que ces faits, manifestement délibérés, se sont déroulés dans un contexte de revendications de pêcheurs ne suffit pas à établir que les agissements à l'origine des dommages en cause ont été spontanés et commis par un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions précitées de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques :

6. Considérant qu'en se bornant à soutenir que l'Etat n'a pas mis en oeuvre des mesures tendant à prévenir et réprimer les atteintes à l'ordre public, la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour Insurance Limited n'établissent pas que les autorités investies du pouvoir de police se seraient volontairement abstenues de prévenir ou d'empêcher les événements qui se sont produits le 22 mai 2008 ; qu'ainsi, en l'absence d'un lien de causalité direct entre les dommages résultant de ces incidents et un fait de l'administration, elles ne sont pas fondées à soutenir que la responsabilité de l'Etat se trouve engagée sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ;

En ce qui concerne la faute imputée à l'Etat :

7. Considérant que si la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour Insurance Limited soutiennent que la carence de la police à intervenir constitue une faute, elles n'établissent pas, en se bornant à produire un récépissé de déclaration de plainte du 16 juin 2009 pour " dégradation volontaire par incendie " qui a été enregistré par un agent de police judiciaire à leur demande et sur les déclarations d'un de leur employés, que les autorités compétentes de l'Etat, dont la responsabilité en matière d'exécution des opérations de maintien de l'ordre ne peut être engagée que pour une faute lourde, auraient commis une telle faute ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour Insurance Limited ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour Insurance Limited de la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Carrefour Hypermarchés et de la société Carrefour Insurance Limited est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrefour Hypermarchés, à la société Carrefour Insurance Limited et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger, premier conseiller,

- M. Gauthier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2013.

Le rapporteur,

E. GAUTHIERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT03064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT03064
Date de la décision : 05/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-05;11nt03064 ?
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