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10/05/2013 | FRANCE | N°12NT02983

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 mai 2013, 12NT02983


Vu, I, sous le n° 12NT02983, la requête, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ;

Le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement nos 12-2490 et 12-2492 du 5 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 17 février 2012 portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et réadmission en Pologne de Mme B... et de Mlle A... et lui a enjoint de délivrer aux intéressées dans un délai de trois jours, une autorisation provisoire de séjour le tem

ps de procéder à un nouvel examen de leur situation ;

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Vu, I, sous le n° 12NT02983, la requête, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ;

Le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement nos 12-2490 et 12-2492 du 5 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 17 février 2012 portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et réadmission en Pologne de Mme B... et de Mlle A... et lui a enjoint de délivrer aux intéressées dans un délai de trois jours, une autorisation provisoire de séjour le temps de procéder à un nouvel examen de leur situation ;

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Vu, II, sous le n° 12NT02985, la requête, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 12-2490 et 12-2492 du 5 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 17 février 2012 portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et réadmission en Pologne de Mme B... et de Mlle A... ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les intéressées devant le tribunal tendant à

l'annulation des décisions du 17 février 2012 portant refus d'admission provisoire au séjour et réadmission en Pologne ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2013 :

- le rapport de Mme Tiger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Bourhis, avocat de Mme B... et de Mlle A... ;

1. Considérant que les requêtes susvisées nos 12NT02983 et 12NT02985 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

2. Considérant que, par un jugement du 5 octobre 2012, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 17 février 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et réadmission en Pologne de Mme B... et de Mlle A..., ressortissantes géorgiennes, et a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer aux intéressées dans un délai de trois jours, une autorisation provisoire de séjour le temps de procéder à un nouvel examen de leur situation ; que, par les requêtes enregistrées sous les nos 12NT02985 et 12NT02983, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour, respectivement, d'annuler ce jugement et de décider qu'il sera sursis à son exécution ;

Sur la requête n° 12NT02985 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions du e) de l'article 20

du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et des dispositions combinées des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions prononçant la remise d'un demandeur d'asile doivent être motivées ; qu'en l'espèce, les décisions du 17 février 2012 visent les dispositions des articles 16, 17, 19 et 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 du Conseil et indiquent que les vérifications administratives opérées ont fait apparaître que Mme B... et Mlle A..., nées à Logodekhi (Géorgie), ont déposé une demande d'admission au séjour en France au titre de l'asile le 25 janvier 2012 alors qu'elles avaient sollicité l'asile en Pologne, qu'une demande de reprise en charge des intéressées a été adressée aux autorités polonaises le 31 janvier 2012 et acceptée le 2 février 2012 ; que, par suite, ces décisions, qui ont permis à Mme B... et Mlle A... de connaître laquelle des procédures prévues par le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 leur a été appliquée, sont suffisamment motivées en droit comme en fait, alors même qu'elles visent indifféremment les articles 16,17, 19 et 20 du règlement 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 concernant les obligations de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile et la procédure de reprise en charge du demandeur ;

4. Considérant que, par suite, c'est à tort que, pour annuler les décisions du 17 février 2012, les premiers juges se sont fondés sur l'insuffisante motivation des décisions de refus de séjour et de réadmission en Pologne de Mme B... et Mlle A... ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme B... et Mlle A... tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui figurent au livre V de ce code, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative applicables aux décisions portant remise d'un ressortissant d'un pays tiers à un Etat membre de l'Union européenne ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une mesure de réadmission ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 susvisé : " (...) 3. Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile, qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets (...) " ;

8. Considérant d'une part, qu'en vertu du règlement communautaire n° 343/2003 du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile et applicable à la Pologne depuis le 1er mai 2004 en vertu du traité d'adhésion de cet Etat à l'Union européenne, les demandes d'asile présentées dans un Etat où ce règlement est applicable sont examinées par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé par application des critères fixés dans le chapitre III de ce règlement ; qu'en application des dispositions de l'article 13 de ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été présentée est responsable de l'examen de cette demande ; que, toutefois, il résulte des dispositions de l'article 3-2 du même règlement que tout Etat membre peut procéder à l'examen d'une demande, même si celui-ci ne lui incombe pas en vertu des dispositions du règlement ;

9. Considérant que s'il résulte des dispositions précitées que les autorités françaises ont toujours la faculté d'examiner une demande d'asile, alors même qu'un tel examen relève normalement de la responsabilité d'un autre Etat, ces dispositions n'ont pas pour effet d'imposer à l'autorité préfectorale de se prononcer sur l'admission au séjour d'un étranger avant de saisir, en application de l'article 17 du règlement susvisé du 18 février 2003, un autre Etat d'une demande de prise en charge de l'intéressé ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'aurait pas examiné l'ensemble de la situation de Mme B... et Mlle A..., qui n'avaient pas mentionné leurs problèmes de santé, avant de refuser de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine a, par des courriers du 25 janvier 2012, informé Mme B... et Mlle A... de l'engagement à leur encontre de la procédure de réadmission vers la Pologne ; qu'à ce courrier était joint un document traduit en langue géorgienne, langue maternelle des intéressées, portant à la connaissance de ces dernières les modalités d'application du règlement du 18 février 2003 susvisé ; que l'information qui a été ainsi donnée, dans une langue comprise par les intéressées, était suffisante pour satisfaire aux exigences du paragraphe 4 de l'article 3 dudit règlement qui n'impose pas que les décisions de réadmission fassent elles-mêmes l'objet d'une traduction ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant qu'alors que la Pologne, Etat membre de l'Union Européenne, a ratifié la convention de Genève et ses protocoles additionnels et est signataire de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de ce que la mesure de réadmission vers la Pologne porterait une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de solliciter le statut de réfugié, aux motifs que les demandeurs d'asile y seraient soumis à des traitements inhumains ou dégradants et que la Pologne ne procéderait pas à un examen sérieux des demandes d'asile, doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 17 février 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et réadmission en Pologne de Mme B... et de Mlle A... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14 Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mlle A... et de Mme B... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur la requête n° 12NT02983 :

15. Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, présentées par le préfet d'Ille-et-Vilaine dans sa requête enregistrée sous le n° 12NT02983, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 12-2490 et 12-2492 du 5 octobre 2012 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme B... et Mlle A... devant le tribunal administratif de Rennes sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 12NT02983 du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 5 octobre 2012 du tribunal administratif de Rennes.

Article 4 : Les conclusions de Mlle A... et de Mme B... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... et Mlle A....

Copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

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Nos 12NT02983,12NT02985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02983
Date de la décision : 10/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-05-10;12nt02983 ?
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