Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2011, présentée pour la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin, dont le siège est boulevard Félix Amiot, BP 839, Cherbourg-Octeville Cedex (50108), représentée par son président en exercice, par Me Drouet, avocat au barreau de Cherbourg ; la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen nos 0902070-1000712 du 27 janvier 2011 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg a rejeté sa demande indemnitaire du 27 janvier 2010 relative à la liquidation des comptes de la concession du port de Cherbourg et à la condamnation du syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg à lui payer la somme de 26.615.976 euros avec intérêts à compter de la réception de sa réclamation préalable ;
2°) de condamner le syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg à lui verser au titre du contrat de concession du port de commerce de Cherbourg de 1999, à titre principal la somme de 26 615 976 euros assortie des intérêts à compter du 29 janvier 2010, ou à titre subsidiaire la somme de 18 473 636 euros assortie des intérêts à compter de la même date ;
3°) de mettre à la charge du syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Tiger, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;
- les observations de Me A..., substituant Me Drouet, avocat de la C.C.I. de Cherbourg-Cotentin ;
- et les observations de Me Briec, avocat du syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et Cherbourg ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2013, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg Cotentin ;
1. Considérant que, par un arrêté ministériel du 20 mai 1959, la Chambre de commerce et d'industrie (C.C.I.) de Cherbourg s'est vue attribuer la concession, pour une durée de quarante ans, de l'exploitation dans le port de commerce de Cherbourg d'outillages appartenant à l'Etat ainsi que de l'établissement et de l'exploitation de nouveaux outillages ; qu'en vertu d'un arrêté interministériel du 24 septembre 1999, la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin a été de nouveau chargée, pour une durée de cinq ans à compter du 20 mai 1999, d'exploiter dans le cadre d'une concession les installations portuaires et d'outillages publics de ce port ; que par un avenant approuvé par arrêté interministériel du 25 septembre 2002 cette dernière concession a été prorogée jusqu'au 19 mai 2006 ; qu'en application de la loi n° 2004 809 du 13 août 2004 susvisée, le port de commerce de Cherbourg a été transféré à compter du 1er janvier 2007 au syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg par une convention conclue le 30 décembre 2006 entre le président dudit établissement et le préfet de la région Basse-Normandie ; que la durée du contrat de concession a fait l'objet de deux prorogations, jusqu'au 31 décembre 2007 sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 août 2004 puis jusqu'au 31 décembre 2008 par délibération du 20 mars 2007 du comité syndical du syndicat mixte ; que par délibération du 9 juillet 2009, le comité syndical du Syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg a approuvé le bilan de clôture de la concession du port de commerce de Cherbourg au 31 décembre 2008 ; que, par le jugement susvisé du 27 janvier 2011, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, rejeté la demande de la C.C.I. de Cherbourg-Cotentin tendant à l'annulation de la délibération du comité syndical du 9 juillet 2009 et, d'autre part, rejeté la demande de l'établissement consulaire tendant au versement d'une somme de 26 615 976 euros au titre du règlement financier de la concession expirée au 31 décembre 2008 ; que la C.C.I. de Cherbourg Cotentin relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg à lui verser la somme de 26 615 976 euros au titre de la liquidation des comptes de la concession et porte, dans le dernier état de ses écritures, ses conclusions indemnitaires à la somme 43 607 893 euros ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il résulte, notamment de la fiche d'instruction jointe au dossier de première instance, que le tribunal a communiqué au préfet de la région Basse- Normandie la demande de la chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin et les pièces de la procédure, mettant ainsi l'Etat à même de faire valoir ses observations relatives à l'appel en garantie présenté par le Syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg à son encontre ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a examiné l'ensemble des moyens soulevés devant lui, tirés en particulier de ce que la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin serait en droit de demander le versement de la moitié des résultats cumulés et réserves dégagées par les comptes de la concession du port de commerce de Cherbourg et de ce qu'elle a engagé des ressources propres pour le financement des investissements réalisés dans les installations concédées ; qu'ainsi, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé dès lors que le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments développés à l'appui des moyens invoqués, n'est pas entaché d'une omission à statuer ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires en tant qu'elles excèdent la somme de 26 615 976 euros :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 37 du cahier des charges de la concession approuvée par l'arrêté interministériel du 24 septembre 1999 : "- Affectation du résultat. Le résultat net de l'exercice est affecté successivement : - à l'apurement du report à nouveau négatif ; - à la constitution de réserves. Après apurement du report à nouveau négatif éventuel et sous réserve de l'accord du concédant, le concessionnaire peut procéder à une répartition du résultat cumulé, par prélèvement sur les réserves. Le concédant peut demander au concessionnaire de procéder à une telle répartition ou à une répartition complémentaire pour la part du résultat excédant le besoin d'autofinancement de la concession, résultant notamment des besoins de fonds de roulement, des possibilités de désendettement, des besoins de financement des investissements et des perspectives d'évolution commerciale. Cette répartition s'effectue à parts égales entre le concédant et le concessionnaire " ;
5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de cet article, qui figure au titre V du contrat " régime financier ", qu'il n'a pas vocation à s'appliquer au moment de la liquidation de la concession mais concerne la répartition des résultats de chaque exercice annuel et offre seulement la possibilité au concessionnaire, sous réserve de l'accord du concédant ou à la demande de celui-ci, de procéder au cours de l'exécution de la concession, à une répartition des résultats positifs pour la part excédant les besoins d'autofinancement de la concession ; que, dès lors, la chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations au soutien de ses prétentions indemnitaires ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 41 du même cahier des charges : " Effets de l'expiration de la concession - A l'expiration du délai fixé à l'article précédent et par le seul fait de cette expiration, le concédant se trouve subrogé à tous les droits du concessionnaire. Il entre immédiatement en possession de l'actif de la concession et assume les dettes et obligations afférentes à la concession régulièrement contractées par le concessionnaire. Un bilan de clôture des comptes de la concession est dressé dans un délai maximal de six (6) mois à dater de l'expiration de la concession. Sur la base de ce bilan et trois mois au plus après sa transmission, le concédant reverse au concessionnaire, le montant des fonds propres de ce dernier qui seraient demeurés régulièrement investis dans la concession. Les réserves ou le report à nouveau cumulé négatif éventuel sont répartis d'un commun accord.(...)" ;
7. Considérant que la chambre de commerce et d'industrie fait valoir qu'elle a investi des fonds propres dans le développement des installations entrant dans le champ de la concession, constitués notamment par les subventions d'investissement qu'elle a perçues pour la période courant de 1999 à 2008 et par les annuités d'emprunt dont elle a assumé la charge ; que toutefois, ainsi d'ailleurs que l'a relevé la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie dans son rapport d'observations définitives du 20 mai 2010, une subvention d'équipement versée au concessionnaire par le concédant ou tout autre organisme public constitue une ressource qui se traduit par une augmentation des droits du concédant et ne saurait donner lieu à une compensation financière, au profit du concessionnaire, de la part subventionnée des investissements concernés qui n'auraient pas été totalement amortis à l'expiration de la concession ; que, dès lors, les subventions d'équipement perçues par la chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin ne peuvent être assimilées à des " fonds propres ", au sens des stipulations précitées, que le concédant aurait dû lui reverser à l'expiration de la convention de 1999 ; que, de même, la requérante ne peut davantage se prévaloir de ce qu'elle aurait investi des fonds propres en prenant en charge des dettes d'emprunt contractées pendant la durée de la concession de 1959 et qu'elle aurait continué à supporter après l'expiration de celle-ci en 1999, dès lors qu'il résulte de l'instruction, qu'en tout état de cause, les annuités d'emprunt ont été prises en charge sur les ressources de l'exploitation de la concession et non avec les ressources propres de l'établissement consulaire ;
8. Considérant, en outre, que l'article 41 susvisé se borne à prévoir la répartition, en fin de concession, d'un commun accord, des réserves ou reports à nouveau cumulés négatifs éventuels et non d'éventuelles réserves ou reports à nouveau cumulés positifs ; qu'ainsi, la requérante ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations pour soutenir qu'elle est en droit d'obtenir une compensation financière au titre des réserves cumulées de la concession ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du cahier des charges précité : "Les biens de retour sont tous les biens immeubles, par nature ou par destination, nécessaires au service public portuaire auquel ils sont affectés. Ils s'incorporent au domaine public dès leur réalisation ou acquisition. (...) ; Pour ceux de ces biens [de retour] qui ont été réalisés, acquis ou fournis à l'aide des ressources propres du concessionnaire, des compensations financières peuvent être accordées lorsque la durée de la concession n'a pas permis leur complet amortissement " ; que l'article 46.1 dudit cahier stipule : " A l'expiration de la présente concession et qu'elles qu'en soient les causes, le concessionnaire est tenu de remettre à l'autorité concédante tous les biens de la concession mentionnés comme biens de retour à l'article 3. La remise des biens est faite sans indemnité sous réserve de compensations financières qui peuvent être accordées au concessionnaire conformément aux dispositions de l'article 3 et constatées par PV dressés dans les formes identiques à celles prévues au même article 3" ;
10. Considérant qu'il résulte des stipulations précitées, qui ne sont pas impératives, que
le concessionnaire ne peut prétendre, par dérogation au principe de remise sans indemnité des biens de retour, au versement de compensations financières que pour les biens réalisés, acquis ou fournis à l'aide de ses ressources propres ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de la liste des immobilisations financées par des subventions ou des emprunts affectés aux installations concédées, produite par le syndicat mixte, que les immobilisations acquises depuis le 20 mai 1999 ont été financées au moyen de subventions publiques ou d'emprunts pris en charge par le concédant ; que, dès lors que les biens réalisés, acquis ou fournis ne l'ont pas été à l'aide des ressources propres du concessionnaire, la requérante ne saurait être fondée à prétendre au versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 3 du cahier de charges de la concession approuvé par l'arrêté interministériel du 24 septembre 1999 ;
11. Considérant, enfin, en tout état de cause, que la chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin ne peut prétendre à l'indemnisation, par le syndicat mixte des investissements qu'elle soutient avoir réalisés avant le 20 mai 1999, dans le cadre du contrat distinct que constitue la convention de 1959 conclue avec l'Etat ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin le versement au syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin est rejetée.
Article 2 : La Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin versera au syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin et au syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et de Cherbourg.
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N° 11NT00943