Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011, présentée pour Mme Isabelle X demeurant ..., par Me Fregard, avocat au barreau de Nantes ; Mme Isabelle X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0907420 en date du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du préfet de la région des Pays de la Loire du 27 octobre 2009 mettant à sa charge des reversements au titre de ses activités de formation professionnelle continue et, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices que lui a causés la décision préfectorale illégale ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 27 octobre 2009 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2012 :
- le rapport de M. Christien, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;
- et les observations de Me Dervin, substituant Me Fregard, avocat de Mme X ;
Considérant que Mme X a créé, en octobre 2002, une entreprise individuelle qui avait pour activité la formation initiale, la formation professionnelle ainsi que le conseil en marketing et en management auprès des entreprises ; qu'elle a également créé deux sociétés intervenant dans le secteur de la formation et dont elle était la gérante, la SARL " Commercialement Vôtre " et la SARL " Institut Commercialement Votre " (ICV) ainsi que la SCI " Rêves ", dont elle était associée et qui était propriétaire des bâtiments hébergeant notamment les sociétés " Commercialement vôtre " et ICV ; que l'entreprise individuelle Isabelle X a fait l'objet, du 26 août 2008 au 24 février 2009, en application de l'article L. 6361-2 du code du travail, d'un contrôle mené par un inspecteur du travail du service régional de contrôle de la formation professionnelle et portant sur ses activités de formation professionnelle au cours des années 2006, 2007 et 2008 ; que l'inspecteur a également vérifié, en application des articles L. 6361-1 et L. 6361-2 du code du travail, les activités de la SARL " Commercialement Vôtre " au cours des trois mêmes années ainsi que les conventions de formation que cette SARL avait conclues avec l'entreprise individuelle Isabelle X ; que l'administration ayant estimé que ce contrôle avait révélé l'absence d'exécution réelle par ladite entreprise de certaines formations, le préfet de la région des Pays de la Loire a, le 27 octobre 2009, décidé que celle-ci, d'une part, devait reverser, en application de l'article L. 6362-4 du code du travail, la somme de 19 355,85 euros à l'OPCALIA des pays de la Loire et, en application de l'article L. 6354-1 dudit code, la somme de 3 000 euros à la SARL " Commercialement Vôtre ", et, d'autre part, devait verser au Trésor public la somme de 22 355,85 euros de pénalités pour manoeuvres frauduleuses en application de l'article L. 6354-2 du même code ; que Mme X interjette appel du jugement en date du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du préfet de la région des Pays de la Loire du 27 octobre 2009 et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices que lui a causé ladite décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision préfectorale du 27 octobre 2009 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure de contrôle :
Considérant, en premier lieu, que les opérations de contrôle dont a fait l'objet l'entreprise individuelle Isabelle X se sont déroulées dans le cadre du contrôle de la formation professionnelle continue défini par les dispositions des articles L. 6362-1 et suivants du code du travail ; que par suite, l'entreprise requérante ne peut utilement se prévaloir des prescriptions de la " Charte du cotisant contrôlé " édictées par l'URSSAF applicable aux contrôles des cotisations de sécurité sociale ;
Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, les dispositions du code du travail applicables en l'espèce ne prévoient aucune obligation particulière de notification préalable d'un avis de contrôle ou d'une liste des documents dont la transmission est souhaitée ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dès le début du contrôle, le 26 août 2008, l'inspecteur du travail a expliqué à Mme X l'objet, les modalités et la procédure du contrôle et lui a remis une liste des documents qui devraient lui être présentés lors du contrôle ; que cette liste ne devait pas nécessairement être exhaustive dès lors que l'utilité de la production d'autres documents pouvait apparaître en cours de contrôle ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de contrôle établi par l'inspecteur du travail et des courriers qu'il a échangés avec Mme X pendant toute la période de contrôle, que celui-ci a revêtu un caractère contradictoire ; que l'entreprise requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu lors de l'engagement de la procédure de contrôle et au cours de celle-ci ;
Considérant, en troisième lieu, que la requérante soutient que l'inspecteur du travail a constamment fait preuve, pendant la procédure de contrôle, de partialité à son encontre en l'agressant verbalement, en lui demandant de produire certaines pièces, en refusant de recevoir une pièce que celle-ci produisait et en étant omniprésent dans toutes les procédures dont l'entreprise faisait l'objet, notamment en assistant à une audience du conseil des prudhommes opposant la société " Commercialement Vôtre " à deux de ses anciennes salariées ; que, toutefois, la preuve des agressions verbales dont Mme X dit avoir été victime n'est pas apportée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les documents demandés par l'inspecteur aient été sans rapport avec l'objet du contrôle qui était de vérifier la réalité des prestations alléguées ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'inspecteur a excédé les limites de sa mission de contrôle en recueillant des informations sur les autres procédures dont faisait l'objet l'entreprise individuelle Isabelle X, notamment en assistant, en tant que simple auditeur, à une audience du conseil des prud'hommes dès lors que le litige portait, en partie, sur la réalité des actions de formation prévues par le contrat de travail des salariées requérantes et qui auraient dû être réalisées par l'entreprise individuelle Isabelle X ; que la circonstance que l'inspecteur a refusé de prendre en compte un document produit par Mme X ne saurait suffire à établir sa partialité à l'encontre de l'entreprise vérifiée ; qu'aucune autre pièce du dossier n'établit la partialité alléguée ;
Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 6362-10 du code du travail : " Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au présent titre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a été respectée " ; qu'aux termes de l'article R. 6362-4 du même code : " La décision (...) du préfet de région ne peut être prise qu'au vu des observations écrites et après audition, le cas échéant, de l'intéressé, à moins qu'aucun document ni aucune demande d'audition n'aient été présentées avant l'expiration du délai prévu à l'article R. 6362-3. La décision est motivée et notifiée à l'intéressé " ; qu'aux termes de l'article R. 6362-3 de ce code : " Les résultats des contrôles (...) sont notifiés à l'intéressé avec l'indication du délai dont il dispose pour présenter des observations écrites et demander, le cas échéant à être entendu. Ce délai ne peut être inférieur à trente jours à compter de la date de la notification " ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport de contrôle en date du 20 mars 2009 établi par l'inspecteur du travail a été présenté à Mme X le lendemain par un courrier recommandé avec accusé de réception qui lui accordait un délai de 30 jours pour répondre ; que ce courrier n'a pas été retiré dans le délai de 15 jours ; qu'une copie du document a été adressée à l'intéressée sur sa demande le 24 avril 2009, un délai supplémentaire de réponse de 30 jours lui étant alors accordé ; que Mme X, estimant que les 30 jours qui lui étaient impartis n'étaient pas suffisants pour qu'elle puisse répondre, tant en raison de la longueur du rapport que de son état de santé, a sollicité le 19 mai 2009 un délai supplémentaire qui lui a été refusé le 2 juin 2009 ; que le délai accordé le 24 avril 2009 est venu s'ajouter à celui de même durée qui avait déjà été accordé à Mme X par le courrier recommandé du 31 mars précédent qu'elle n'avait pas retiré ; que, dans ces conditions, et nonobstant l'état de santé de Mme X, qui pouvait se faire assister pour répondre, celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour présenter ses observations ;
Considérant, d'autre part, que le rapport de contrôle mentionne chaque pièce sur laquelle l'inspecteur du travail s'est fondé pour établir l'absence de réalité des prestations de formation professionnelle litigieuses et indique de façon détaillée les griefs formulés à l'encontre de l'entreprise requérante, en précisant les numéros de facture, leur montant et les dates correspondantes ; que la décision préfectorale contestée du 27 octobre 2009 est elle-même motivée de manière très circonstanciée ; que, dès lors, Mme X n'est pas fondée à soutenir que ladite décision ne cite pas les pièces sur lesquelles elle est fondée et ne la met pas ainsi en mesure de s'expliquer sur les griefs formulés, en méconnaissance du principe du contradictoire posé par l'article L. 6362-10 précité du code du travail ;
En ce qui concerne le bien-fondé des reversements demandés à la requérante :
Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 6354-1 du code du travail : " En cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 6362-2 du code du travail : " Les employeurs, les organismes de formation, les organismes qui interviennent dans les actions destinées à la validation des acquis de l'expérience et les organismes chargés de réaliser les bilans de compétences présentent aux agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 les documents et pièces établissant la réalité et le bien-fondé des dépenses mentionnées à l'article L. 6331-9. A défaut, ces dépenses sont regardées comme non justifiées et ne libèrent pas l'employeur de l'obligation qui lui incombe en application de l'article L. 6331-9 " ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 6362-4 du même code : " Les employeurs justifient de la réalité des actions de formation qu'ils conduisent lorsqu'elles sont financées par l'Etat, les collectivités locales ou les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue. A défaut, ces actions sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement auprès de l'organisme ou de la collectivité qui les a financées " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient aux employeurs et aux organismes de formation de justifier de la réalité des actions de formation professionnelle dont ils ont obtenu la prise en charge ;
Considérant que la décision préfectorale contestée est fondée non pas uniquement sur les déclarations de deux anciennes salariées de la SARL " Commercialement Vôtre ", comme le soutient Mme X, mais également sur d'autres éléments ; qu'en effet, l'inspecteur du travail a relevé, dans son rapport de contrôle, le caractère non probant de la comptabilité de la requérante, la numérotation des factures n'étant ni chronologique ni continue, le montant des encaissements différant de celui déclaré aux services fiscaux et certains paiements sans factures ayant été effectués ; que l'inspecteur du travail a également relevé des incohérences sur les lieux et les dates des formations déclarées, notamment du fait que certaines formations correspondaient à des stages réalisés simultanément en des lieux différents ou au même lieu pour des matières différentes alors que Mme X était pour les années 2006 à 2008 la seule formatrice déclarée de la société ; que l'inspecteur a aussi constaté que celle-ci avait elle-même suivi une formation tout en déclarant en avoir dispensé une à la même date et en un autre lieu et que des stagiaires ont attesté avoir suivi des formations alors qu'aux mêmes dates ils étaient soit en train d'animer d'autres formations, soit en congé ; qu'enfin, l'inspecteur du travail a relevé qu'aucun document pédagogique de nature à établir la réalité des actions de formation alléguées n'avait été produit lors du contrôle ;
Considérant que si Mme X explique certaines des 216 anomalies recensées par l'inspecteur du travail en ce qui concerne des actions de formation qu'elle soutient avoir menées par la circonstance que les feuilles de présence étaient établies au début de chaque année et n'ont pas été corrigées lorsque les dates de certaines formations ont été modifiées en cours d'année, elle n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de cette allégation ; que si la requérante entreprend d'expliquer certaines des anomalies relevées par l'inspecteur en ce qui concerne les formations qui auraient été dispensées à Mme Y, M. Z et M. X, les éléments qu'elle produit et dont certains n'ont pas été communiqués à l'inspecteur lors de la procédure de vérification ne sont pas probants ;
Considérant que, s'agissant du motif tiré du caractère non probant de la comptabilité de l'entreprise individuelle Isabelle X, l'inspecteur du travail a consacré cinq pages de son rapport de contrôle au relevé détaillé des différentes anomalies comptables qu'il a constatées ; que la requérante n'est donc pas fondée à lui reprocher de n'avoir apporté aucun élément de preuve à l'appui de ses conclusions ; que la circonstance, à la supposer établie que, dans le cadre du contrôle fiscal dont elle a parallèlement fait l'objet, le vérificateur aurait trouvé deux factures dont l'inspecteur du travail a indiqué qu'elles n'existaient pas n'est pas de nature à remettre en cause le constat qu'il a fait s'agissant des autres factures énumérées dans son rapport ; qu'enfin, elle ne peut pas se prévaloir des résultats de ce contrôle fiscal qui n'a pas le même objet que le contrôle exercé en application de l'article L. 6361-1 du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la région Pays-de-la-Loire, en estimant que la réalité des formations litigieuses n'était pas établie, a entaché sa décision d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation et lui a, à tort, imposé de reverser à la société " Commercialement Vôtre ", en application de l'article L. 6362-4 du code du travail s'agissant de M. X, et à l'OPCALIA, en application de l'article L. 6354-1 dudit code s'agissant des autres salariés concernés, les sommes qu'elle avait reçues de cette entreprise et de cet organisme pour lesdites formations ;
Considérant, en second lieu, que l'article L. 6354-2 du code du travail, qui disposait qu'" en cas de manoeuvres frauduleuses relatives à l'exécution d'une prestation de formation, le ou les contractants sont assujettis à un versement d'égal montant de cette prestation au profit du trésor (...) ", a été abrogé par l'article 61 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 et remplacé par l'article L. 6362-7-2, aux termes duquel : " Tout employeur ou prestataire de formation qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à éluder l'une de ses obligations en matière de formation professionnelle ou à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants imputés à tort sur l'obligation en matière de formation ou indûment reçus " ; que, dès lors que la nouvelle disposition a la même portée que la précédente et qu'il résulte de l'instruction que la perception par l'entreprise individuelle Isabelle X des sommes en litige a résulté, non de simples erreurs matérielles comme elle le soutient, mais de comportements revêtant un caractère intentionnel, le préfet était fondé à lui infliger, au profit du Trésor public, une majoration d'un montant égal auxdites sommes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que la décision préfectorale contestée du 27 octobre 2009 est entachée d'illégalité ;
Sur les conclusions à fin indemnitaire :
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la décision préfectorale du 27 octobre 2009 n'est entaché d'aucune illégalité ; que, par suite les conclusions de Mme X tendant à ce que l'Etat l'indemnise des préjudices que lui auraient causé les illégalités fautives entachant cette décision ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune omission à statuer, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme ISABELLE X et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 11NT023972