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12/07/2012 | FRANCE | N°10NT00677

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 juillet 2012, 10NT00677


Vu la décision n° 310707 du 17 mars 2010, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 9 avril 2010 sous le n° 10NT00677, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour Mme X, renvoyé le jugement de l'affaire devant la même cour, après annulation de son arrêt du 29 juin 2007 ;

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2006, présentée pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL, représentée par son président en exercice dûment habilité, par Me Thouroude, avocat au barreau de Caen ;

la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL demande à la...

Vu la décision n° 310707 du 17 mars 2010, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 9 avril 2010 sous le n° 10NT00677, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour Mme X, renvoyé le jugement de l'affaire devant la même cour, après annulation de son arrêt du 29 juin 2007 ;

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2006, présentée pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL, représentée par son président en exercice dûment habilité, par Me Thouroude, avocat au barreau de Caen ; la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-1190 en date 1er juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à verser à Mme Marie-Thérèse X une indemnité de 3 000 euros en réparation des préjudices subis en raison d'agissements de harcèlement moral ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de Mme X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2012 :

- le rapport de M. Christien, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

- et les observations de Me Deniau, avocat de Mme X ;

Considérant que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL (Manche), créée au début de l'année 2002, a recruté par voie de mutation Mme X, qui était titulaire du grade le plus élevé du cadre d'emplois de catégorie B des rédacteurs territoriaux, celui de rédacteur-chef, afin d'assurer à compter du 23 septembre 2002 les fonctions de secrétaire générale ; qu'à compter du mois de mai 2004, la communauté de communes a recruté un membre du cadre d'emplois de catégorie A des attachés territoriaux afin d'assurer lesdites fonctions, Mme X devenant assistante de la secrétaire générale ; qu'à compter du mois de janvier 2006, elle a été recrutée par une autre collectivité territoriale ; que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL interjette appel du jugement en date du 1er juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à verser à Mme X une indemnité de 3 000 euros en réparation des préjudices subis par celle-ci en raison d'agissements de harcèlement moral ; qu'en demandant la condamnation de la communauté de communes à lui verser une indemnité d'un montant de 47 839 euros, Mme X doit être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement du tribunal en tant qu'il a fixé le montant de l'indemnisation de son préjudice ;

Sur l'appel principal de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ;

Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

Considérant, d'autre part, que pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les relations entre Mme X et le président de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL se sont dégradées à compter du milieu de l'année 2003 ; que le président a publiquement dénoncé à plusieurs reprises l'incompétence de la secrétaire générale ; qu'à la fin de l'année 2004, alors que Mme X était devenue l'assistante de la nouvelle secrétaire générale, elle a été privée du bureau qu'elle occupait jusqu'alors à la mairie de Pontorson, siège de la communauté de communes, et installée dans la salle des mariages, sans équipement lui permettant de travailler ; qu'une décision du président de la communauté en date du 31 mars 2005 lui a retiré toute attribution ; qu'en outre, Mme X, en dépit de ses demandes, n'a pas fait l'objet de notation au titre des années 2003, 2004 et 2005 ; que s'il n'est pas établi, en l'absence de tout document relatif à la pathologie dont était atteinte l'intéressée, que les problèmes de santé de Mme X, qui ont donné lieu à 262 jours d'arrêt de travail entre le 28 octobre 2003 et le 30 septembre 2005, aient eu pour origine les agissements qui viennent d'être décrits, ceux-ci ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de l'intéressée susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant qu'il résulte certes de l'instruction que certains manquements peuvent être imputés à Mme X pendant la période au cours de laquelle elle a été chargée des fonctions de secrétaire générale ; que, par ailleurs la communauté de communes fait valoir qu'elle a ensuite refusé de collaborer avec la nouvelle secrétaire générale lorsqu'elle a été chargée de l'assister à compter du mois de mai 2004 ; que, toutefois, les fonctions de secrétaire générale étaient d'un niveau supérieur à celles susceptibles d'être confiées à un fonctionnaire de catégorie B, fût-il expérimenté ; qu'elles devaient en outre être accomplies dans le contexte difficile de la création de la communauté et que le président n'a pas tenté, par des entretiens avec l'intéressée, de rechercher avec elle les causes des difficultés qu'elle rencontrait et les moyens d'y remédier ; que le refus de collaboration avec la nouvelle secrétaire générale à compter du mois de mai 2004, à le supposer établi, étant constitutif d'une faute disciplinaire, il appartenait au président de la communauté d'engager une procédure disciplinaire à son encontre, ce qu'il n'a pas fait ; que s'il est établi que Mme X entretenait des relations conflictuelles avec le président de la communauté de communes, elle n'était pas seule responsable de cet état de fait en raison de l'attitude adoptée à son égard par celui-ci ; que l'intervention de certains élus de la communauté dans le conflit opposant son président à Mme X est en grande partie due au fait que ce dernier avait publiquement formulé de vives critiques à l'encontre de celle-ci ; qu'enfin, l'existence de difficultés relationnelles entre Mme X et ses collègues n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a qualifié les agissements de son président à l'égard de Mme X de harcèlement moral susceptible d'engager la responsabilité de la communauté pour faute de service ;

Sur l'appel incident de Mme X :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne résulte pas de l'instruction que les arrêts de travail dont a bénéficié Mme X entre le 28 octobre 2003 et le 30 septembre 2005 ont été provoqués par les agissements du président de la communauté de communes à son égard ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que l'absence de notation lui a causé un préjudice de carrière en la privant d'une chance sérieuse d'être promue dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux ; que s'il résulte de l'instruction que le régime indemnitaire de Mme X a été réduit, voire supprimé à compter du mois de mai 2004, date de sa mutation en tant qu'assistante de la nouvelle secrétaire générale de la communauté de communes, il n'existe pas de lien direct de causalité entre le préjudice résultant de cette mesure et le harcèlement moral dont a été victime Mme X ; que, de même, il n'existe pas de lien direct de causalité entre ce harcèlement et les frais de déplacement supportés par Mme X depuis le 1er janvier 2006, date de sa mutation dans une autre collectivité ; que, dès lors, celle-ci n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre des quatre chefs de préjudice qui viennent d'être évoqués ;

Considérant, en revanche, que Mme X a subi, du fait du harcèlement moral dont elle a été victime, un trouble dans ses conditions d'existence dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 10 000 euros, y compris tous intérêts à la date du présent arrêt ; qu'en conséquence, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 3 000 euros la réparation du préjudice né du harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL le paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ; que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL est rejetée.

Article 2 : La COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL est condamnée à verser à Mme X une somme de 10 000 euros (dix mille euros) y compris tous intérêts à la date du présent arrêt, au titre des préjudices qu'a causés à celle-ci le harcèlement moral dont elle a été l'objet.

Article 3 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Caen en date du 1er juin 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL versera à Mme X une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE PONTORSON LE MONT SAINT-MICHEL et à Mme Marie-Thérèse X.

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N° 10NT006772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00677
Date de la décision : 12/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: M. Robert CHRISTIEN
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : THOUROUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-07-12;10nt00677 ?
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