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11/05/2012 | FRANCE | N°11NT00489

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 mai 2012, 11NT00489


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2011, présentée pour M. Max X, demeurant ..., par Me Bezard-Jouanneau, avocat au barreau de Chartres ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001634 en date du 9 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail d'Eure-et-Loir du 16 mars 2010 accordant l'autorisation de le licencier pour motif économique ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 10 février 2011, présentée pour M. Max X, demeurant ..., par Me Bezard-Jouanneau, avocat au barreau de Chartres ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001634 en date du 9 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail d'Eure-et-Loir du 16 mars 2010 accordant l'autorisation de le licencier pour motif économique ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :

- le rapport de M. Christien, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Considérant que M. X a été engagé à compter du 14 mai 1997, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, puis à durée indéterminée, par la société SOEC, fabricante de pièces pour automobiles, implantée à Ymeray (Eure-et-Loir), dont les actions ont été entièrement rachetées en 2005, dans le cadre d'une liquidation judiciaire, par la société allemande Kirchhoff Automotive, elle aussi fabricante de pièces pour automobiles ; qu'à la suite de ce rachat, la société SOEC a changé de dénomination commerciale pour devenir la société Kirchhoff France qui a repris le contrat à durée indéterminée de M. X ; qu'en dernier lieu, celui-ci était opérateur-régleur presses automatiques dans la catégorie ouvrier niveau 3, indice 1, coefficient 215; qu'il était également membre suppléant de la délégation unique du personnel ; qu'au cours de l'année 2009, la société Kirchhoff Automotive a engagé une réorganisation de la société Kirchhoff France ; que cette réorganisation a donné lieu à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi consistant, sur un total initial de 83 postes, en la suppression de 62 postes, dont celui du requérant, et la création de 13 postes ; qu'en conséquence, une procédure de licenciement collectif a été engagée et une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique concernant M. X a été adressée le 25 janvier 2010 à l'inspecteur du travail de la section 6 de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'Eure-et-Loir, qui, par décision du 16 mars 2010, a accordé cette autorisation ; que M. X interjette appel du jugement en date du 9 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 16 mars 2010 autorisant le licenciement de M. X :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis d'un mandat de représentant du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

En ce qui concerne la réalité du motif économique :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (...) " ; qu'au nombre des causes sérieuses de licenciement économique figurent non seulement les difficultés économiques et les mutations technologiques, mais également la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

Considérant, en premier lieu, que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ;

Considérant que la société Kirchhoff Automotive, à laquelle appartient la société Kirchhoff France, fait partie du groupe allemand Kirchhoff qui comporte trois autres filiales, la société Reha groupe, la société Faun groupe, et la société Witte Tools ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la société Kirchhoff Automotive, qui fabrique des pièces pour le compte des constructeurs automobiles ne relève pas du même secteur d'activité que les trois autres sociétés du groupe Kirchhoff dès lors que la société Reha groupe a pour activité l'équipement et l'aménagement, selon les besoins de l'utilisateur, de véhicules pour les personnes à mobilité réduite, que la société Faun groupe a pour activité la configuration et l'équipement, selon les besoins de l'utilisateur -collectivité publique ou société privée- des véhicules dédiés à la collecte des déchets et que la société Witte Tools a pour activité la fabrication d'outillages, et notamment de tournevis de haute qualité ; que M. X n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'inspecteur du travail a limité son examen à la situation économique des deux sociétés Kirchhoff France et Kirchhoff Automotive ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, dans un contexte se caractérisant par les difficultés économiques qui se sont accrues depuis l'automne 2008, par le déplacement des lieux de fabrication des pièces automobiles vers les pays d'Europe de l'Est et asiatiques et par la pression accrue des constructeurs automobiles sur les sous-traitants et équipementiers, l'activité de la société Kirchhoff France a été durablement et gravement affectée, en raison notamment du désengagement du constructeur Renault qui représentait jusqu'alors la plus grande partie de son chiffre d'affaires ; que les difficultés auxquelles elle s'est trouvée confrontée se sont traduites par des résultats d'exploitation négatifs de 4,05 millions d'euros en 2007 et 2,15 millions d'euros en 2008, pour des chiffres d'affaires respectifs de 13,69 et 10,75 millions d'euros ; que le groupe Kirchhoff Automotive a dû lui consentir deux abandons de créances, l'un fin 2007 d'un montant de 3 350 000 euros et l'autre fin 2008 de 2 500 000 euros ; qu'au cours des huit premiers mois de l'année 2009, ses ventes n'ont été que de 4 335 000 euros, contre 4 496 000 euros pour la même période l'année précédente, soit une diminution de 42 % ; que ses pertes au 31 décembre 2009 se sont finalement élevées à la somme de 5 703 989 euros ; que le groupe Kirchhoff Automotive a, lui-aussi, été confronté à d'importantes difficultés, son chiffre d'affaires passant de 459,71 millions d'euros en 2007 à 426,41 millions d'euros en 2008 et son résultat net passant de 21,89 millions d'euros en 2007 à 10,59 millions d'euros en 2008 ; que le montant total de ses ventes nettes s'est élevé en 2009 à 203,74 millions d'euros contre 254,88 millions d'euros en 2008, soit une baisse de 20% due pour l'essentiel à ses sociétés implantées dans l'Ouest de l'Europe ; que, dans ces conditions, le groupe Kirchhoff Automotive a décidé de recentrer ses implantations d'Europe de l'Ouest sur les productions impliquant la mise en oeuvre de technologies avancées afin de ne pas être en compétition sur des produits à faible coût avec les pays d'autres parties du monde dans lesquels le coût de la main-d'oeuvre est extrêmement faible ; qu'ainsi la société Kirchhoff France a mis fin à ses activités de découpe et emboutissage pour redéployer ses activités et ses effectifs sur l'activité d'assemblage de modules et de sous-ensembles, principalement la fabrication des traverses de planches de bord des futures C2 et C3 du constructeur Citroën ; que, dès lors, l'inspecteur du travail a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que les difficultés économiques de la société Kirchhoff France et de la société Kirchhoff Automotive, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, ne revêtaient pas un caractère purement conjoncturel, étaient établies et que la compétitivité du groupe était menacée ;

En ce qui concerne le respect par la société Kirchhoff France de son obligation de reclassement de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article. L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure (...) " ;

Considérant que, pour apprécier les possibilités de reclassement, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société où se trouve l'emploi du salarié protégé concerné par le licenciement ; qu'elle est tenue, dans le cas où cette dernière relève d'un groupe, et pour ceux des salariés qui ont manifesté à sa demande leur intérêt de principe pour un reclassement à l'étranger, de faire porter son examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans les sociétés du groupe, y compris celles ayant leur siège à l'étranger, dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé, compte tenu de ses compétences et de la législation du pays d'accueil, la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

Considérant qu'il est constant que la société Kirchhoff France a demandé à la société Kirchhoff Automotive de lui fournir la liste des postes disponibles au sein cette société ; que, contrairement à ce que soutient M. X, elle n'était pas tenue, compte tenu de la nature des activités des trois autres sociétés du groupe Kirchhoff et des compétences de l'intéressé, d'étendre sa demande à celles-ci ; qu'il est également constant que, par lettre du 8 décembre 2009, la société Kirchhoff France a proposé à M. X un poste d'opérateur retoucheur et un poste de cariste expédition à Ymeray, et, si aucune de ces deux propositions ne lui convenait, un poste d'opérateur soudure et un poste de régleur à Gliwice en Pologne ainsi qu'un poste d'opérateur soudure à Suzhou en Chine ; que par lettre en date du 16 décembre 2009 M. X a fait connaître qu'aucune de ces propositions ne l'intéressait ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que lesdites propositions aient été insuffisamment précises et que d'autres postes du type de ceux qui lui ont été proposés aient été vacants au sein des deux sociétés susmentionnées ; que dans ces conditions, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la société Kirchhoff France devait être regardée comme ayant satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Max X, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à la société Kirchhoff France.

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N° 11NT00489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00489
Date de la décision : 11/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: M. Robert CHRISTIEN
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : BEZARD-JOUANNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-05-11;11nt00489 ?
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