La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2012 | FRANCE | N°10NT01765

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 février 2012, 10NT01765


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2010, présentée pour la société L'ATELIER DU JOUR, dont le siège est route d'Achères à Tremblay-les-Villages (28170), par Me Scemama, avocat au barreau de Paris ; la société L'ATELIER DU JOUR demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000682 du 24 juin 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, à la demande de M. Emmanuel X, a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville en date du 18 décembre 2009 portant autorisation de le licencier pour motif

économique ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le trib...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2010, présentée pour la société L'ATELIER DU JOUR, dont le siège est route d'Achères à Tremblay-les-Villages (28170), par Me Scemama, avocat au barreau de Paris ; la société L'ATELIER DU JOUR demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000682 du 24 juin 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, à la demande de M. Emmanuel X, a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville en date du 18 décembre 2009 portant autorisation de le licencier pour motif économique ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif d'Orléans ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2012 :

- le rapport de Mlle Wunderlich, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Specht, rapporteur public,

- et les observations de Me Scemama, avocat de la société L'ATELIER DU JOUR ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail : Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. / La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. / A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. ; et qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du même code : Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) ; qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que la société L'ATELIER DU JOUR, qui exerçait sur trois sites distincts une activité de production et commercialisation de systèmes d'accrochage de rideaux intérieurs et de rails et stores d'intérieur sur mesure, a procédé à une réorganisation comportant notamment le rattachement du service marketing et du service professionnel à la direction commerciale et la fermeture du site à vocation administrative de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ; qu'elle a proposé -par lettre recommandée dont il a été accusé réception le 23 mars 2009- sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1222-6 du code du travail à M. X, cadre salarié affecté à Boulogne, occupant le poste de category manager et membre suppléant du comité d'entreprise, la poursuite de l'exercice de ses fonctions dans les mêmes conditions mais sur le site de Tremblay-les-Villages (Eure-et-Loir) à compter du 18 mai 2009 ; que l'intéressé a expressément refusé cette proposition le 21 avril 2009 ;

Considérant, que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le transfert du lieu de travail de M. X de Boulogne-Billancourt à Tremblay-les Villages, soit à près de 100 km de distance et dans un secteur géographique différent, devait, ainsi que l'employeur lui-même l'avait reconnu par la proposition faite conformément à l'article L. 1222-6 du code du travail, être regardé comme constituant une modification d'un élément essentiel du contrat de travail de l'intéressé au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 1233-3 du même code ;

Mais considérant, que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société L'ATELIER DU JOUR compose avec trois autres sociétés belge, espagnole et italienne oeuvrant dans le même secteur d'activité un groupe détenu par une société holding de droit chinois ; qu'il ressort des termes de la décision en date du 18 décembre 2009 autorisant le licenciement de M. X que le ministre, pour estimer que la réalité du motif économique -justifiant la modification du contrat de travail refusée par le salarié- invoqué, tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, était établie, a limité son examen à la seule situation de la société L'ATELIER DU JOUR, dont le projet de restructuration visait à faire face, par une réduction des frais généraux, aux difficultés économiques et financières auxquelles elle était confrontée en raison d'une baisse de son chiffre d'affaires et de résultats d'exploitation déficitaires sur les trois derniers exercices s'expliquant notamment par une concurrence accrue de produits à faible coût en provenance de fournisseurs étrangers et notamment asiatiques sur un marché en crise ;

Considérant qu'il s'ensuit que, le refus du salarié d'accepter ladite modification ne suffisant pas à établir la réalité du motif économique, le ministre a entaché sa décision d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société L'ATELIER DU JOUR n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur l'absence de motif économique pour annuler la décision en date du 18 décembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a autorisé le licenciement de M. X ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société L'ATELIER DU JOUR est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société L'ATELIER DU JOUR, à M. Emmanuel X et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Une copie sera transmise à Me Scemama.

''

''

''

''

N° 10NT017652

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01765
Date de la décision : 23/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine WUNDERLICH
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : KAMARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-02-23;10nt01765 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award