Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2009, présentée pour la société GREENBANK HOLIDAYS LTD, venant aux droits de la société Eurocamp Travel Limited, dont le siège est Hartford Manor, Greenbank Lane à Northwich (Cheshire), (CW8 1HW), Royaume-Uni, par Me Priol, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; la société GREENBANK HOLIDAYS LTD demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604808 en date du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe professionnelle mises à sa charge au titre des années 1999, 2000 et 2001 dans les rôles de la commune d'Allègre (Gard) ;
2°) de prononcer la décharge demandée à concurrence de la somme de 12 046,98 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2012 :
- le rapport de Mme Coiffet, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;
Considérant que la société Eurocamp Travel Limited, société de droit britannique établie en Grande-Bretagne, dont la dénomination sociale est devenue à partir de 2002 GREENBANK HOLIDAYS LTD, qui exerce une activité d'agent de tourisme, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a informée par lettre du 8 février 2002 du rehaussement de ses bases imposables à la taxe professionnelle au titre des années 1999, 2000 et 2001 à raison des emplacements qu'elle avait pris en location dans deux campings situés sur le territoire de la commune d'Allègre (Gard) et des biens et équipements lui appartenant qu'elle y avait installés ; que la société GREENBANK HOLIDAYS LTD interjette appel du jugement en date du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe professionnelle mises à sa charge au titre des années 1999, 2000 et 2001 dans les rôles de la commune d'Allègre ;
Sur l'assujettissement à la taxe professionnelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : La taxe professionnelle est due par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ; qu'aux termes de l'article 1448 du même code : La taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables (...) en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire ou dans la zone de compétence de l'organisme concerné ; qu'enfin, aux termes de l'article 1473 du même code : La taxe professionnelle est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés ou rattachés (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Eurocamp Travel Limited organisait des séjours de vacances en France et louait à une clientèle essentiellement britannique des mobil-homes et des tentes qu'elle installait sur des emplacements de camping pris chaque année en location auprès d'exploitants situés dans différents départements ; que la société Eurocamp Travel Limited qui exerçait ainsi en France une activité professionnelle non salariée était imposable à la taxe professionnelle en vertu des dispositions précitées de l'article 1447 du code général des impôts, nonobstant le caractère saisonnier de son activité ;
Considérant que, contrairement à ce qu'affirme la société GREENBANK HOLIDAYS LTD, l'administration ne s'est pas fondée sur les règles régissant la territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée pour déterminer si elle était assujettie à la taxe professionnelle ; que, par suite, les arguments développés par la société sur sa situation fiscale au regard de la taxe sur la valeur ajoutée sont inopérants ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : (...) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I et compétents territorialement pour procéder aux contrôles visés à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales d'une personne physique ou morale ou d'un groupement peuvent exercer les attributions définies à cet alinéa pour l'ensemble des impositions, taxes et redevances, dues par ce contribuable, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances. ; qu'aux termes de l'article 289 A du code général des impôts dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2001 : I. Lorsqu'une personne établie hors de France est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou doit accomplir des obligations déclaratives, elle est tenue de faire accréditer auprès du service des impôts un représentant assujetti établi en France qui s'engage à remplir les formalités incombant à cette personne et, en cas d'opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place. A défaut, la taxe sur la valeur ajoutée et, le cas échéant, les pénalités qui s'y rapportent, sont dues par le destinataire de l'opération imposable. ; que les dispositions de l'article 57 de la loi susvisée n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 ont modifié, à compter du 1er janvier 2002, l'article 289 A du code général des impôts, limitant l'obligation de désignation d'un représentant fiscal en France aux personnes non établies dans la Communauté européenne ; qu'aux termes de l'article 95 de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction issue des dispositions de l'article 2 du décret n° 2002-28 du 8 janvier 2002 : I. Les assujettis établis dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, identifiés à la taxe sur la valeur ajoutée en France, doivent souscrire les déclarations prescrites par l'article 286 et le 1 de l'article 287 du code général des impôts auprès du service de l'administration fiscale chargé des résidents à l'étranger et des services généraux. Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, les assujettis établis dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, qui ont désigné en France, avant le 1er janvier 2002, un représentant mentionné à l'article 289 A du code général des impôts, continuent à déposer les déclarations mentionnées au précédent alinéa auprès du service des impôts dont dépend le lieu d'imposition de ce représentant (...) ;
Considérant que le service vérificateur territorialement compétent pour contrôler les déclarations de chiffre d'affaires déposées pour le compte d'une entreprise étrangère par son représentant fiscal en France est également compétent, en vertu des dispositions précitées de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, pour fixer les bases d'imposition et liquider les autres impôts, taxes et redevances dus, le cas échéant, par cette entreprise, ainsi que pour notifier d'éventuels redressements ou rectifications, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances ;
Considérant que la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société Eurocamp Travel Limited a été engagée à la fin de l'année 2001 par un agent de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest auprès de la société Tax Representation Service, disposant d'un bureau à Paris, désignée, en application des dispositions antérieures à la loi précitée du 28 décembre 2001, comme représentant fiscal de la société Eurocamp Travel Limited en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle s'est achevée par l'envoi le 8 février 2002 d'une lettre informant la société Eurocamp Travel Limited des rehaussements de ses bases d'imposition à la taxe professionnelle ; qu'il résulte de l'instruction qu'à compter du 1er janvier 2002, la société Tax Representation Service a été désignée comme mandataire de la société Eurocamp Travel Limited pour effectuer pour son compte en France les obligations liées à la taxe sur la valeur ajoutée ; que le service vérificateur territorialement compétent pour contrôler les déclarations de chiffre d'affaires déposées avant le 1er janvier 2002, pour le compte de la société Eurocamp Travel Limited par son représentant fiscal en France était également compétent, en vertu des dispositions précitées de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, pour fixer les bases d'imposition et liquider les autres impôts, taxes et redevances dus, le cas échéant, par la société Eurocamp Travel Limited ; que le même vérificateur était également compétent pour poursuivre, à compter de cette date, auprès de la société Tax Representation Service, en sa qualité de mandataire de la société Eurocamp Travel Limited, le contrôle des opérations de taxe sur la valeur ajoutée de cette société et, en vertu des dispositions précitées de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, pour fixer les bases d'imposition et liquider les autres impôts, taxes et redevances dus, le cas échéant, par cette entreprise ; qu'en conséquence, les agents de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest étaient compétents pour étendre leur contrôle aux bases imposables à la taxe professionnelle due par ce même redevable à raison de ses activités professionnelles exercées en France, alors même que son siège social se situait au Royaume-Uni, ainsi que pour notifier d'éventuels redressements ou rectifications, quel que fut le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances ; que si la société soutient dans le dernier état de ses écritures qu'elle n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en France, cette circonstance est sans incidence sur la compétence territoriale du vérificateur qui résulte de la désignation, par elle, d'un représentant fiscal puis d'un mandataire en France en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : La taxe professionnelle a pour base (...) la valeur locative des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) ; qu'aux termes de l'article 1467 A du même code : (...) la période de référence retenue pour déterminer les bases de taxe professionnelle est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou, pour les immobilisations et les recettes imposables, le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ; qu'il résulte de ces dispositions qu'entre dans la base de la taxe professionnelle la valeur locative de toute immobilisation corporelle placée sous le contrôle du redevable, utilisable matériellement pour la réalisation des opérations qu'effectue celui-ci, et dont il dispose au terme de la période de référence, qu'il en fasse ou non effectivement usage ;
Considérant que la société GREENBANK HOLIDAYS LTD soutient que la société Eurocamp Travel Limited ne pouvait être imposée à la taxe professionnelle à raison des immobilisations litigieuses sur le fondement de l'article 1467 du code général des impôts au motif qu'elle ne disposait pas des emplacements des terrains de camping au terme de la période de référence fixée à la date de clôture de son exercice social au 30 septembre, ni des équipements et matériels lui appartenant, ceux-ci étant, à cette date, indisponibles et inutilisables du fait de la fermeture des campings ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que, durant les périodes d'ouverture des campings les Fumades et le Château de Boisson à Allègre, la société Eurocamp Travel Limited a eu la disposition des terrains loués et des biens et équipements lui appartenant qui y étaient installés pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'il ne résulte pas des stipulations du seul contrat de location que la société requérante a produit, conclu, au demeurant, postérieurement aux périodes de référence en litige avec l'exploitant du camping les Fumades, que la société Eurocamp Travel Limited n'aurait pas eu également la disposition des emplacements ainsi que des équipements et biens qui y étaient installés avant et après la période d'ouverture du camping pour assurer notamment les opérations d'installation, d'entretien et éventuellement de démontage ; qu'en l'absence de production de tout contrat de location concernant le camping le Château de Boisson, il n'est pas établi que la société ne pouvait accéder, en dehors des périodes d'ouverture, aux emplacements et aux équipements et matériels lui appartenant ; qu'ainsi la société Eurocamp Travel Limited doit être regardée comme ayant disposé, à la clôture de son exercice social, constituant le terme de la période de référence, des emplacements pris en location dans les terrains de camping ci-dessus mentionnés, ainsi que des biens et équipements lui appartenant qui y étaient installés ; que, dès lors, c'est à bon droit que la valeur locative des immobilisations corporelles susdécrites a été incluse dans les bases de la taxe professionnelle due par la société Eurocamp Travel Limited au titre des années 1999, 2000 et 2001 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1478 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : (...) V. La valeur locative est corrigée en fonction de la période d'activité pour les exploitants d'hôtels de tourisme saisonniers classés dans les conditions fixées par le ministre chargé du tourisme, les restaurants, les établissements de spectacles ou de jeux ainsi que les établissements thermaux ;
Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été dit, la société Eurocamp Travel Limited organisait des séjours de vacances en France et louait à sa clientèle des mobil-homes ainsi que des tentes installés sur des emplacements pris en location dans différents campings ; que, contrairement à ce que soutient la société GREENBANK HOLIDAYS LTD, cette activité n'est pas au nombre de celles, limitativement énumérées par les dispositions précitées du V de l'article 1478 du code général des impôts, qui, compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être strictement interprétées, susceptibles de bénéficier de la correction prévue audit article ;
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;
Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, discriminatoire, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne vise pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi ;
Considérant que la société GREENBANK HOLIDAYS LTD soutient à titre subsidiaire que les dispositions susmentionnées du V de l'article 1478 du code général des impôts si elles devaient être regardées comme l'excluant du bénéfice de la réduction de taxe professionnelle prévue audit article en faveur notamment des exploitants d'hôtels de tourisme saisonniers classés alors qu'elle exerce la même activité que ces derniers, méconnaissent les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à la nature de son activité, à l'importance et à la qualité des prestations susceptibles d'être fournies à ses clients et, enfin, à ses conditions d'exploitation, que la société requérante se trouve dans une situation analogue à celle des exploitants d'hôtels de tourisme saisonniers classés mentionnés à l'article 1478 du code général des impôts ; que cette différence de situation justifie la différence de traitement ci-dessus décrite ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions du V de l'article 1478 du code général des impôts instaurent une distorsion de concurrence contraire aux directives communautaires n'est pas assorti des précisions nécessaires permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, enfin, que la société GREENBANK HOLIDAYS LTD, qui ainsi qu'il a déjà été dit est une société de droit britannique établie en Grande-Bretagne, n'entre pas dans le champ d'application des stipulations des conventions fiscales franco-italienne et franco-allemande dont elle ne peut par ailleurs utilement faire valoir qu'elles créent des distorsions de concurrence au détriment des entreprises anglaises exerçant les mêmes activités sur le territoire national ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GREENBANK HOLIDAYS LTD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société GREENBANK HOLIDAYS LTD demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société GREENBANK HOLIDAYS LTD est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société GREENBANK HOLIDAYS LTD et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
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N° 09NT02483 2
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