Vu la requête, enregistrée le 23 février 2011, présentée pour la SOCIETE SOLAIPA, dont le siège est Les Clos Tords à Vimoutiers (61120), représentée par ses représentants légaux, par Me Buisson-Fizellier, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE SOLAIPA demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001256 du 24 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 22 678,06 euros HT, assortie des intérêts légaux à compter du 23 octobre 2009 et de la capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du blocage de véhicules de collecte de lait à Saint-Aignan-de-Couptrain du 21 au 25 mai 2009 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 22 678,06 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 23 octobre 2009 et de la capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du blocage de véhicules de collecte de lait à Saint-Aignan-de-Couptrain du 21 au 25 mai 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2012 :
- le rapport de Mme Grenier, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;
- les observations de Me Guillard, substituant Me Buisson-Fizellier, avocat de la SOCIETE SOLAIPA ;
- et les observations de M. Quéré pour la préfecture de la Mayenne ;
Considérant que la SOCIETE SOLAIPA relève appel du jugement du 24 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 22 678,06 euros HT en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'immobilisation par des manifestants de véhicules de collecte de lait appartenant au Groupe Lactalis du 21 au 25 mai 2009 à Saint-Aignan-de-Couptrain ;
Sur la responsabilité de l'Etat du fait des attroupements ou rassemblements :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre du mouvement de revendication collective des producteurs de lait de mai et juin 2009, 33 véhicules de collecte de lait, dont quatorze devant livrer leurs marchandises à la SOCIETE SOLAIPA, ont été bloqués par un groupe d'agriculteurs sur une place de la commune de Saint-Aignan-de-Couptrain du 21 au 25 mai 2009 ; que dans les circonstances de l'espèce, ces agissements, qui constituent un délit commis à force ouverte, résultent d'un attroupement ou d'un rassemblement précisément identifiés au sens des dispositions précitées de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ; qu'ainsi, le préfet de la Mayenne n'est pas fondé à soutenir que ces agissements ne sont pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 précité ;
Sur le préjudice de la SOCIETE SOLAIPA :
Considérant que le régime d'indemnisation de l'article L. 2216-3 précité n'est applicable
que si le dommage résulte de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés en application de ces dispositions ; que la responsabilité de l'Etat peut ainsi être engagée, sur le fondement de ces dispositions, non seulement à raison de dommages corporels ou matériels, mais aussi, le cas échéant, lorsque les dommages invoqués ont le caractère d'un préjudice commercial consistant notamment en un accroissement de dépenses d'exploitation ou en une perte de recettes d'exploitation ;
Considérant que la SOCIETE SOLAIPA soutient, en produisant les bordereaux de collecte de lait attestant qu'elles ont été interrompues jusqu'au 25 mai 2009, le procès-verbal d'huissier relevant l'immatriculation des camions et citernes bloqués à Saint Aignan-de-Couptrain et un tableau récapitulatif des litres de lait perdus pour chacune des tournées de collecte, que, pour éviter la perte des 151 729 litres de lait qui, contenus dans les véhicules immobilisés pendant quatre jours à Saint-Aignan-de-Couptrain, lui ont été livrés tardivement et avec une qualité dégradée, elle a dû procéder à leur transformation en poudre de lait ; que ses allégations ne peuvent être regardées comme sérieusement contestées par les écritures en défense du préfet ; qu'elle établit ainsi avoir subi un préjudice de 22 678,06 euros ; qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner l'Etat à verser cette somme à la société requérante ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE SOLAIPA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'immobilisation par des manifestants de véhicules de collecte de lait appartenant au Groupe Lactalis du 21 au 25 mai 2009 à Saint-Aignan-de-Couptrain ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que la SOCIETE SOLAIPA a droit, à compter du 28 octobre 2009, date de réception de la réclamation préalable adressée au préfet de la Mayenne, aux intérêts au taux légal de la somme que l'Etat est condamné à lui verser ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par la SOCIETE SOLAIPA dans sa requête enregistrée le 26 février 2010 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 octobre 2010, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE SOLAIPA et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 24 décembre 2010 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE SOLAIPA la somme de 22 678,06 euros assortie des intérêts légaux à compter du 28 octobre 2009. Les intérêts échus à la date du 28 octobre 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE SOLAIPA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SOLAIPA et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Mayenne.
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N° 11NT00620 2
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