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03/02/2012 | FRANCE | N°11NT00619

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre b, 03 février 2012, 11NT00619


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2011, présentée pour la SOCIETE LACTALIS FROMAGES, dont le siège est Z.I. des Touches, boulevard Arago à Changé (53810), représentée par ses représentants légaux, par Me Buisson-Fizellier, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE LACTALIS FROMAGES demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1001179 du 24 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a limité à la somme de 1 155,75 euros assortie des intérêts au taux légal l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation du préj

udice qu'elle a subi du fait de la destruction de marchandises lui appartenant ...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2011, présentée pour la SOCIETE LACTALIS FROMAGES, dont le siège est Z.I. des Touches, boulevard Arago à Changé (53810), représentée par ses représentants légaux, par Me Buisson-Fizellier, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE LACTALIS FROMAGES demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1001179 du 24 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a limité à la somme de 1 155,75 euros assortie des intérêts au taux légal l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la destruction de marchandises lui appartenant par des producteurs laitiers en mai et juin 2009 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 151 662, 66 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 23 octobre 2009 et de la capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la destruction de marchandises lui appartenant par des producteurs laitiers en mai et juin 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2012 :

- le rapport de Mme Grenier, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;

- les observations de Me Guillard, substituant Me Buisson-Fizellier, avocat de la SOCIETE LACTALIS FROMAGES ;

- et les observations de M. Quéré pour la préfecture de la Mayenne.

Considérant que la SOCIETE LACTALIS FROMAGES relève appel du jugement du 24 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes n'a fait droit qu'à hauteur de 1 155,75 euros à sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme totale de 152 818,41 euros HT en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison d'une part, de la destruction de marchandises lui appartenant le 19 mai 2009 au péage autoroutier de La Gravelle et les 21 et 22 mai, 3 et 4 juin 2009 à Saint-Fraimbault et d'autre part, des commandes qu'elle n'a pas été en mesure d'honorer du fait du blocage de son usine de Laval, le 25 mai 2009 ; qu'elle demande que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 151 662,66 euros en réparation de ces préjudices ;

Sur la responsabilité de l'Etat du fait de la destruction de marchandises lors de leur transport :

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que des camions transportant des produits laitiers appartenant à la SOCIETE LACTALIS FROMAGES ont été immobilisés au péage autoroutier de La Gravelle vers 22h00 le 19 mai et à Saint-Fraimbault, les 21 et 22 mai, 3 et 4 juin 2009 entre 22h45 et 00h30 par des groupes de dix à soixante personnes ; que leurs chargements ont été déversés sur la chaussée et détruits ; qu'alors même que ces délits ont été perpétrés à l'occasion d'une action concertée destinée à défendre les revendications des producteurs de lait dans le cadre d'un mouvement national et avec le concours de plusieurs personnes, ils ne peuvent, eu égard notamment à leur caractère prémédité de destruction volontaire de produits laitiers, être regardés comme ayant été commis par un attroupement ou un rassemblement de nature à engager la responsabilité de l'Etat en application de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales précité ;

Considérant en deuxième lieu que les dommages tenant à l'abstention de l'autorité administrative compétente à prendre les mesures nécessaires pour rétablir l'ordre ne peuvent, lorsque cette abstention n'est pas fautive, engager la responsabilité de cette autorité que si cette abstention a été directement à l'origine d'un dommage anormal et spécial ;

Considérant que s'il résulte de l'instruction que les gendarmes étaient présents à Saint-Fraimbault, les 22 mai et 4 juin 2009, lors de l'immobilisation des camions transportant des produits laitiers appartenant à la société requérante, il n'est pas établi que les autorités investies du pouvoir de police se seraient volontairement abstenues de prévenir ou d'empêcher les destructions de marchandises qui se sont produites ; qu'ainsi, et comme l'a à bon droit jugé le tribunal qui ne s'est pas mépris sur le fondement juridique de la demande dont il était saisi, en l'absence d'un lien de causalité direct entre les dommages résultant de ces agissements et un fait de l'administration, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques ;

Sur la responsabilité de l'Etat du fait du blocage de l'accès à l'usine de la société requérante située à Laval le 25 mai 2009 :

Considérant que le régime d'indemnisation de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales n'est applicable que si le dommage résulte de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés en application de ces dispositions ; que la responsabilité de l'Etat peut ainsi être engagée, sur le fondement de ces dispositions, non seulement à raison de dommages corporels ou matériels, mais aussi, le cas échéant, lorsque les dommages invoqués ont le caractère d'un préjudice commercial consistant notamment en un accroissement de dépenses d'exploitation ou en une perte de recettes d'exploitation ;

Considérant que le blocage de l'usine exploitée par la société requérante à Laval, le 25 mai 2009, par un attroupement de producteurs laitiers agissant dans le cadre des manifestations organisées par des syndicats agricoles entre dans le champ d'application de l'article L. 2216-3 précité et est de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de ce texte ;

Considérant toutefois, que si la société requérante soutient qu'elle a subi un préjudice d'un montant de 37 705 euros HT en raison de sa perte de marge sur les commandes qu'elle n'a pas été en mesure de livrer le 25 mai en raison du blocage de son usine de Laval, elle ne produit aucun élément nouveau en appel de nature à établir que ces commandes ont effectivement été annulées, notamment en faisant valoir, sans étayer cette allégation de précisions suffisantes, que les enseignes commerciales qui sont ses clientes ne disposent pas de capacités de stockage et passent leurs commandes chaque jour pour le lendemain en les limitant aux quantités strictement nécessaires pour remplir leurs rayons, de sorte que lesdites commandes ne peuvent être reportées d'un jour sur l'autre ; que, par suite, elle ne justifie pas avoir subi un préjudice autre que celui résultant de la pénalité d'un montant de 1 155,75 euros qu'elle a été conduite à verser à l'un de ses clients en raison de commandes non honorées du fait du blocage de son usine de Laval le 25 mai ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la SOCIETE LACTALIS FROMAGES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a limité à la somme de 1 155,75 euros la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle a subi ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE LACTALIS FROMAGES est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LACTALIS FROMAGES et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera adressée au préfet de la Mayenne.

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N° 11NT00619 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 11NT00619
Date de la décision : 03/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MINDU
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. VILLAIN
Avocat(s) : BUISSON-FIZELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-02-03;11nt00619 ?
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