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25/11/2011 | FRANCE | N°11NT01939

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre b, 25 novembre 2011, 11NT01939


Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2011, présentée par la COMMUNE DE CRAC'H, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité, par Me Liochon, avocat au barreau de Paris ; la COMMUNE DE CRAC'H demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 10-5402 du 1er juillet 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés, a condamné la COMMUNE DE CRAC'H à verser à Mme X et M. Y des provisions d'un montant respectif de 36 748,97 euros et de 41 016,61 euros, à valoir sur la réparation des préjudices qu'ils i

nvoquent en conséquence de l'illégalité du certificat d'urbanisme positif d...

Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2011, présentée par la COMMUNE DE CRAC'H, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité, par Me Liochon, avocat au barreau de Paris ; la COMMUNE DE CRAC'H demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 10-5402 du 1er juillet 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés, a condamné la COMMUNE DE CRAC'H à verser à Mme X et M. Y des provisions d'un montant respectif de 36 748,97 euros et de 41 016,61 euros, à valoir sur la réparation des préjudices qu'ils invoquent en conséquence de l'illégalité du certificat d'urbanisme positif délivré le 23 août 1997 aux propriétaires des parcelles D 1140-1142, leur appartenant désormais, ... ;

2°) de rejeter les demandes de provision présentées par Mme X et M. Y devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de Mme X et de M. Y la somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2011 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Buffet, rapporteur public ;

- les observations de Me Liochon, avocat de la COMMUNE DE CRAC'H ;

- et les observations de Me Loiseau, substituant Me Gaschignard, avocat de Mme X et M. Y ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ; que, par ordonnance du 1er juillet 2011, le président du tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés a, sur le fondement de ces dispositions, condamné la COMMUNE DE CRAC'H à verser à Mme X et à M. Y des provisions d'un montant respectif de 36 748,97 euros et de 41 016,61 euros à valoir sur la réparation des préjudices qu'ils invoquent en conséquence de l'illégalité du certificat d'urbanisme positif délivré le 23 août 1997 aux précédents propriétaires des parcelles D 1140-1142 leur appartenant désormais, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la COMMUNE DE CRAC'H relève appel de cette ordonnance ; que, par la voie de l'appel incident, Mme X et M. Y demandent que la COMMUNE DE CRAC'H soit condamnée à leur verser des provisions complémentaires de 40 000 euros et 30 000 euros au titre des troubles subis dans leurs conditions d'existence ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 23 août 1997, le maire de la COMMUNE DE CRAC'H a délivré aux propriétaires des parcelles cadastrées sous les n° D 1140-1142, situées ..., un certificat d'urbanisme positif ; que, le 12 novembre 1997, Mme X et M. Y ont acquis des consorts Z ces deux parcelles de terrain à bâtir ; que, le 11 juillet 1998, le maire de la commune a délivré aux intimés un permis de construire une maison d'habitation sur le terrain leur appartenant désormais ; qu'après avoir débuté les travaux de construction de leur maison d'habitation, les intéressés ont cédé, le 29 décembre 2003 , aux époux A, ledit terrain à bâtir pour une somme de 160 072 euros ; que, toutefois, cette vente a été résolue sur le fondement du caractère inconstructible du terrain par un jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 17 septembre 2008 qui a condamné Mme X et M. Y à restituer aux époux A le prix versé ; que ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Rennes par un arrêt du 16 septembre 2010 ;

Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que le terrain, objet du certificat d'urbanisme en litige, n'était pas constructible au regard des dispositions du I de l'article L. 146 -4 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il n'était pas situé en continuité avec une agglomération ou un village au sens de ces dispositions, ainsi que l'a, d'ailleurs, jugé la cour administrative d'appel de Nantes par deux arrêts confirmés par le conseil d'Etat du 19 février 2008, annulant les permis de construire ultérieurement accordés à des tiers le 23 mars 2006 par le maire de la COMMUNE DE CRAC'H sur ce même terrain ; que la circonstance que le certificat d'urbanisme litigieux du 23 août 1997 soit devenu définitif ne faisait pas obstacle à ce que Mme X et M. Y puissent néanmoins se prévaloir de l'illégalité affectant ce certificat à l'appui de leur recours tendant à la réparation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait de sa délivrance ; qu'ainsi, en indiquant dans ledit certificat d'urbanisme du 23 août 1997 que le terrain en cause était constructible, le maire de la COMMUNE DE CRAC'H a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Considérant, d'autre part, que ni la circonstance que Mme X et M. Y auraient réalisé une plus-value en revendant leur bien, ni la circonstance qu'ils s'étaient engagés, à l'égard de l'administration fiscale, lors de l'acquisition des parcelles, à construire dans un délai de 4 ans afin de ne pas être soumis aux droits de mutation, ne sont de nature à exonérer la commune de la responsabilité qu'elle encourt du fait de la délivrance d'un certificat d'urbanisme illégal ;

Considérant, enfin, que Mme X et M. Y n'étaient pas tenus de mettre en oeuvre le permis de construire qu'ils avaient obtenu le 11 juillet 1998, et qui était devenu définitif, à défaut d'avoir été contesté ; que, par suite, la circonstance que ce permis soit devenu caduc, faute d'avoir été exécuté dans le délai de deux ans prévu à l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, n'est pas de nature à établir que le préjudice allégué trouverait son origine, non dans l'illégalité du certificat d'urbanisme lui-même, mais dans la caducité de l'autorisation de construire dont bénéficiaient les intéressés ; que, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le terrain a été acquis sur le fondement d'un certificat d'urbanisme erroné concluant à sa constructibilité, un lien de causalité direct et certain est établi entre ce certificat fautif et les dommages subis par les intimés du fait de l'achat des parcelles qu'ils ont cru à tort constructibles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'obligation de la COMMUNE DE CRAC'H à l'égard de Mme X et de M. Y peut être regardée, en l'état de l'instruction, comme non sérieusement contestable, au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne les préjudices :

Considérant, en premier lieu, qu'eu égard aux conditions dans lesquelles est intervenu l'achat par Mme X et M. Y du terrain susmentionné, le préjudice correspondant à la différence entre la valeur réelle de cette propriété et les coûts exposés pour son acquisition en vue d'y construire, y compris les frais d'acquisition et les frais financiers y afférents, doit être regardé comme directement lié à l'illégalité fautive commise par la COMMUNE DE CRAC'H ;

Considérant, d'une part, que l'acte de vente authentique du terrain stipule un prix de 38 112,25 euros (250 000 francs), pour une superficie de 2 590 mètres carrés ; que les intéressés produisent une attestation d'un agent immobilier, non sérieusement contestée par l'appelante, d'où il ressort que la valeur actuelle de leur terrain peut être évaluée à 5 180 euros ; que la perte de valeur vénale du bien en cause s'établit, ainsi, à 32 932,25 euros ; que, par suite, Mme X et M. Y sont fondés à obtenir, ainsi qu'ils le demandent, que la COMMUNE DE CRAC'H soit condamnée à verser à chacun d'eux une provision de 12 000 euros pour ce chef de préjudice ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que M. Y a contracté, à compter du 10 novembre 1997, un emprunt de 45 734,71 euros (300 000 francs) affecté à l'achat du terrain à bâtir dont s'agit ; que l'intéressé peut donc prétendre à l'indemnisation des frais financiers résultant de cet emprunt ; qu'en l'état de l'instruction, il justifie du paiement d'intérêts d'un montant de 12 542,48 euros, y compris les frais de dossier ; qu'il y a, dès lors, lieu de lui allouer la provision demandée à ce titre ;

Considérant, en deuxième lieu, que les états de frais produits ne permettent pas de déterminer, parmi les frais d'avoués et d'avocat supportés par Mme X et M. Y devant les juridictions judiciaires appelées à se prononcer sur la résolution des ventes successives du terrain litigieux, ceux d'entre eux qui ont été engagés par les intimés en vue d'obtenir la résolution de la vente qu'ils ont conclue initialement avec les consorts Z, et qui seraient seuls susceptibles d'être pris en compte ; que, par ailleurs, la résolution des ventes consenties au profit des acquéreurs successifs dudit terrain est intervenue, non pas au vu du certificat d'urbanisme positif du 23 août 1997, seul en cause dans la présente instance, mais au vu d'autres certificats d'urbanisme délivrés en novembre 2003 et octobre 2004 aux nouveaux acquéreurs ; que, dans ces conditions, les frais d'avocat d'un montant de 4 745,97 euros et les frais d'avoués d'un montant de 3 295,20 euros, supportés par Mme X et M. Y, ainsi que les dépens dus aux parties adverses dans les instances judiciaires devant le tribunal de grande instance de Lorient et la cour d'appel de Rennes, acquittés par M. Y pour un montant de 10 178,93 euros, ne peuvent être regardés comme présentant un lien direct et certain avec la faute commise par la commune lors la délivrance du certificat d'urbanisme positif erroné ;

Considérant, en troisième lieu, que les frais de construction engagés par Mme X, après avoir obtenu le permis de construire devenu définitif du 11 juillet 1998, sont dépourvus de tout lien avec le certificat d'urbanisme illégal délivré par la commune le 23 août 1997 ; que, par suite, la COMMUNE DE CRAC'H est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à Mme X une provision de 15 000 euros au titre des frais de gros oeuvre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE CRAC'H est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés, a accordé à Mme X et à M. Y les sommes de 36 748,97 euros et de 41 016,61 euros, à titre de provisions , et à demander que ces sommes soient respectivement ramenées à 17 000 euros et 27 542,48 euros ;

Sur le recours incident :

Considérant que, devant le juge d'appel, Mme X et M. Y n'apportent aucun élément permettant de considérer qu'en évaluant respectivement à 5 000 euros et à 3 000 euros les troubles qu'ils ont chacun subis dans leurs conditions d'existence, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes aurait fait une appréciation inexacte de ce chef de préjudice ; que l'appel incident de Mme X et de M. Y doit, par suite, être rejeté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme X et M. Y :

Considérant que, dès lors que les dispositions de l'article L. 911-9 du code de justice administrative permettent à Mme X et à M. Y, en cas d'inexécution de la présente décision dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que la COMMUNE DE CRAC'H est condamnée à leur verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction qu'ils présentent ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE CRAC'H qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que demandent Mme X et M. Y au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X et de M. Y la somme que demande la COMMUNE DE CRAC'H au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : Les provisions que la COMMUNE DE CRAC'H a été condamnée à verser à Mme X et à M. Y sont ramenées respectivement de 36 748,97 euros à 17 000 euros, et de 41 016,61 euros à 27 542,48 euros.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 1er juillet 2011 est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE CRAC'H, et les conclusions présentées par Mme X et M. Y devant la cour, sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CRAC'H, à Mme Dominique X et à M. Pascal Y.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 11NT01939
Date de la décision : 25/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MINDU
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme BUFFET
Avocat(s) : LIOCHON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-11-25;11nt01939 ?
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