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26/07/2011 | FRANCE | N°10NT01771

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 juillet 2011, 10NT01771


Vu le recours, enregistré le 4 août 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 08-3113 en date du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a déchargé la SAS Cafein Bretagne Atlantique de la cotisation supplémentaire à la taxe professionnelle dont elle était redevable au titre de l'année 2003 dans les rôles de la commune de Sainte-Marie (Ille-et-Vilaine) ;

2°) de rétablir la SAS Cafein Bretagne Atlantique au rôle de la taxe

professionnelle de l'année 2003 de la commune de Sainte-Marie à concurrence ...

Vu le recours, enregistré le 4 août 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 08-3113 en date du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a déchargé la SAS Cafein Bretagne Atlantique de la cotisation supplémentaire à la taxe professionnelle dont elle était redevable au titre de l'année 2003 dans les rôles de la commune de Sainte-Marie (Ille-et-Vilaine) ;

2°) de rétablir la SAS Cafein Bretagne Atlantique au rôle de la taxe professionnelle de l'année 2003 de la commune de Sainte-Marie à concurrence du dégrèvement prononcé en exécution de ce jugement ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2011 :

- le rapport de Mme Coiffet, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Considérant que la SAS Cafein Bretagne Atlantique, qui a pour activité le commerce en gros et demi-gros de boissons, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur se fondant sur les dispositions du 3 bis de l'article 1469 du code général des impôts, issues de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003, a intégré dans les bases de la taxe professionnelle des années 2003, 2004 et 2005 de la société, la valeur locative d'équipements et de biens mobiliers, dont des équipements de tirage de bières, des enseignes et des stores, confiés à titre gratuit à certains de ses clients détaillants en boissons ; que le service a procédé à la mise en recouvrement de cotisations supplémentaires correspondant à la réintégration de ces biens mobiliers, laquelle a donné lieu à réclamation ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT interjette appel du jugement en date du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a accordé à la SAS Cafein Bretagne Atlantique la décharge du rappel de taxe professionnelle auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2003 dans les rôles de la commune de Sainte-Marie (Ille-et-Vilaine) ; que la société sollicite, par la voie de l'appel incident, l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande relative à la taxe professionnelle des années 2004 et 2005 ;

Sur l'appel principal du ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : La taxe professionnelle a pour base : 1° (...) a) la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 modifiant l'article 1469 du même code : I (...) Les biens visés aux 2° et 3°, utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire ou à défaut de leur locataire ou, à défaut de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de la taxe professionnelle. II. Les dispositions du I s'appliquent aux impositions relatives à l'année 2004 ainsi qu'aux années ultérieures et sous réserve des décisions passées en force de chose jugée aux impositions relatives aux années antérieures ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 1467 du code général des impôts que les immobilisations dont la valeur locative est intégrée dans l'assiette de la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue ; que pour l'application de ce principe avant l'entrée en vigueur de l'article 59 précité, les distributeurs qui utilisaient matériellement pour la réalisation des opérations constitutives de leur activité des installations spécifiquement adaptées que le fournisseur, qui en conservait la propriété, mettait à leur disposition étaient réputés disposer de ces installations au sens du a du 1° de l'article 1467 du code général des impôts ; qu'ainsi, un contribuable, qui avait mis gratuitement à la disposition de ses clients des immobilisations était en droit, avant l'entrée en vigueur de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003, d'obtenir la restitution des cotisations de taxe professionnelle qu'il avait acquittées résultant de l'intégration dans ses bases d'imposition de la valeur locative desdites immobilisations ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes ; que le droit à la restitution de cotisations de taxe professionnelle indûment acquittées constitue un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité ;

Considérant que si l'article 1er du premier protocole additionnel précité ne fait pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions pour assurer le paiement de l'impôt remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; qu'en l'espèce, pour justifier la remise en cause rétroactive, par l'article 59 précité de la loi de finances rectificative pour 2003, de la situation du contribuable qui n'avait pas intégré dans sa base d'imposition la valeur locative des immobilisations qu'il avait mises à la disposition de ses clients distributeurs, l'administration excipe, d'une part, de l'enjeu budgétaire résultant de la mise en oeuvre de ces dispositions et précise, en particulier, que l'adoption dudit article 59 avait pour objet de pallier une perte de recettes fiscales, évaluée à cent millions d'euros, et résultant des dégrèvements susceptibles d'être accordés aux entreprises concernées ; qu'elle fait valoir, d'autre part, que les sous-traitants pourraient faire échec aux impositions supplémentaires qui leur seraient réclamées en se prévalant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés ; que, toutefois, la perte de recettes de l'Etat, à hauteur même des montants allégués, ne constitue pas une exigence d'intérêt général justifiant la rétroactivité de la loi ; que si le ministre fait valoir, enfin, que les collectivités territoriales concernées sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat à raison du préjudice résultant pour elles de produits fiscaux non perçus, un tel risque ne revêt qu'un caractère éventuel ; qu'il suit de là que l'administration ne pouvait se fonder sur l'application rétroactive de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003, lequel méconnaît le droit que la société tient des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a déchargé la SAS Cafein Bretagne Atlantique de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2003 dans les rôles de la commune de Sainte-Marie ;

Sur les conclusions en appel incident de la SAS Cafein Bretagne Atlantique :

Considérant que l'appel principal du ministre ne porte que sur l'imposition de la SAS Cafein Bretagne Atlantique à la taxe professionnelle au titre de l'année 2003 ; que, par suite, la SAS Cafein Bretagne Atlantique n'est pas recevable à former un recours incident en ce qui concerne les mêmes impositions établies au titre des années 2004 et 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Cafein Bretagne Atlantique et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Cafein Bretagne Atlantique une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'appel incident de la SAS Cafein Bretagne Atlantique sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la SAS Cafein Bretagne Atlantique.

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N° 10NT01771 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01771
Date de la décision : 26/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : THIEBAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-07-26;10nt01771 ?
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