La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2011 | FRANCE | N°10NT01841

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 17 février 2011, 10NT01841


Vu, I, sous le n° 10NT01841, la requête enregistrée le 13 août 2010, présentée pour M. Feridun X, demeurant ..., par Me Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-5460 en date du 16 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2009 du préfet du Morbihan portant rejet de sa demande de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au

préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée ...

Vu, I, sous le n° 10NT01841, la requête enregistrée le 13 août 2010, présentée pour M. Feridun X, demeurant ..., par Me Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-5460 en date du 16 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2009 du préfet du Morbihan portant rejet de sa demande de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de sa situation aux fins notamment de délivrance d'un titre de séjour, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

.....................................................................................................................

Vu, II, sous le n° 10NT02175, la requête enregistrée le 5 octobre 2010, présentée pour M. Feridun X, demeurant ..., par Me Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-5476 en date du 16 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 2009 par laquelle le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de sa situation aux fins notamment de délivrance d'un titre de séjour, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques du 16 décembre 1966 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2011 :

- le rapport de M. Christien, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. X, ressortissant turc, sont relatives à la situation du même étranger au regard du séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 10NT02175 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a, par l'intermédiaire de son conseil, présenté le 22 juin 2009 au préfet du Morbihan une demande de délivrance d'un titre de séjour fondée tant sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que sur celles du 1° de l'article L. 313-10 du même code ; que, par lettre du 16 juillet 2009, le préfet du Morbihan a fait connaître au conseil de l'intéressé que, s'il ressortait de l'examen attentif de la situation de celui-ci qu'il ne répondait pas aux conditions fixées par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son droit au séjour au regard des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 dudit code était en cours d'instruction ; que, par arrêté en date du 6 novembre 2009, le préfet du Morbihan a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. X, au motif que celui-ci ne répondait ni aux conditions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à celles du 1° de l'article L. 313-10 du même code, et a assorti son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; que, dans ces conditions et compte-tenu de ses termes, la lettre du 16 juillet 2009 doit être regardée comme n'étant qu'une simple information donnée au conseil de M. X sur l'état d'avancement de l'instruction de la demande de titre de séjour de celui-ci et comme ne constituant pas un acte décisoire susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, c'est à tort que, par son jugement n° 09-5476, le tribunal administratif de Rennes a décidé que le préfet du Morbihan devait nécessairement être regardé comme ayant implicitement abrogé par son arrêté du 6 novembre 2009 sa précédente décision du 16 juillet 2009 et que les conclusions tendant à l'annulation de celle-ci étaient devenues sans objet ; que son jugement étant ainsi entaché d'irrégularité doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif sous le n° 09-5476 ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la lettre du 16 juillet 2009 du préfet du Morbihan n'était qu'une information donnée au conseil de M. X sur l'état d'avancement de l'instruction de la demande de titre de séjour de son client et ne constituait pas un acte décisoire susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à l'annulation de cette lettre sont irrecevables et doivent être rejetées, ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la requête n° 10NT01841 :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 6 novembre 2009 du préfet du Morbihan en tant qu'il refuse de délivrer un titre de séjour à M. X comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et en particulier, contrairement à ce que soutient le requérant, des éléments suffisants sur sa biographie ; qu'il est dès lors régulièrement motivé au regard des exigences posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet a assorti le refus de titre de séjour litigieux n'avait pas à faire l'objet d'une motivation ; que si M. X soutient que cette dispense de motivation est, en violation de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constitutive d'une discrimination illégale, il ne précise pas quel droit ou liberté reconnus dans la même Convention ni quel droit énuméré par ce Pacte seraient concernés ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les dispositions susmentionnées de l'article L. 511-1 sont incompatibles avec les stipulations desdits articles ; qu'enfin, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en tant qu'il porte fixation du pays de renvoi manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Morbihan n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. X ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que M. X a formulé par courrier en date du 22 juin 2009 une demande d'admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si le silence gardé pendant quatre mois sur sa demande a fait naître une décision implicite de rejet de celle-ci, en vertu des dispositions de l'article R. 311-12 du même code, le préfet du Morbihan a, par son arrêté du 6 novembre 2009, expressément refusé de lui délivrer un titre de séjour ; qu'il a pu, sans méconnaître les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir ainsi rapporté son refus implicite, lequel n'avait créé aucun droit au profit du requérant, assortir son refus explicite de l'obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. X, né le 14 août 1986, est entré irrégulièrement en France le 27 mai 2006 ; que s'il fait valoir qu'il est marié avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident de dix ans, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est marié que depuis le 31 octobre 2007 et que le couple n'a pas d'enfant ; que l'intéressé ne saurait utilement soutenir que, compte tenu de la situation financière de son épouse, celle-ci ne pourra, seule, satisfaire aux conditions exigées pour obtenir le regroupement familial dans la mesure où le préfet n'est pas tenu de refuser une telle autorisation dans le cas où le demandeur ne justifie pas de ressources suffisantes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé est dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt et un ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté litigieux du 6 novembre 2009 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, le préfet du Morbihan n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français (...) est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ; que cet article stipule que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. X, dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été rejetée par décisions des 16 novembre 2006 et 17 avril 2008, soutient qu'il serait exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son origine kurde et de son engagement en faveur d'un parti politique kurde, qui lui ont valu d'être arrêté et d'avoir subi des violences ; que, toutefois, la photocopie d'un mandat d'arrêt en date du 2 octobre 2006, qui ne présente aucune garantie d'authenticité, ainsi que les attestations de proches, peu circonstanciées, ne permettent pas d'établir que sa vie serait menacée ou qu'il encourrait personnellement les risques visés par l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, en prenant la décision contestée, le préfet du Morbihan, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par les appréciations portées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X sous les n° 10NT01841 et n° 10NT02175 étant rejetées, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'il s'ensuit que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. KELECKI, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande de verser à son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 09-5476 en date du 16 mars 2010 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes sous le n° 09-5476 et la requête n° 10NT01841sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Feridun X et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Une copie en sera transmise au préfet du Morbihan.

''

''

''

''

N°s 10NT01841,... 6

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01841
Date de la décision : 17/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: M. Robert CHRISTIEN
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : RENARD ; RENARD ; RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-02-17;10nt01841 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award