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30/08/2010 | FRANCE | N°09NT01277

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 30 août 2010, 09NT01277


Vu le recours, enregistré le 28 mai 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-518 en date du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Caen a fait droit à la demande de M. Guy X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de M. X les sommes dont la décharge a été prononcée ; <

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Vu le recours, enregistré le 28 mai 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-518 en date du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Caen a fait droit à la demande de M. Guy X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de M. X les sommes dont la décharge a été prononcée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2010 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme X ont fait l'objet au titre des années 2002 et 2003 d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration a considéré que des crédits figurant sur leurs comptes bancaires provenant des comptes de la majeure protégée dont M. X avait été nommé curateur en application d'une décision du juge des tutelles du Tribunal d'instance de Saint-Germain en Laye du 14 février 2002, constituaient des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour un montant de 156 072 euros au titre de l'année 2002 et de 47 232 euros au titre de l'année 2003 et a, par deux notifications des 19 décembre 2005 et 28 février 2006, informé les contribuables des redressements d'impôt sur le revenu en résultant ; qu'après avoir exécuté le jugement du Tribunal administratif de Caen du 24 mars 2009 qui a prononcé la décharge des suppléments d'impositions mis à la charge de M. et Mme X, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait appel de cette décision ;

Considérant que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions du juge pénal, devenues définitives, s'attache aux constatations de fait mentionnées dans les décisions qui sont le support nécessaire du dispositif des jugements et à leur qualification sur le plan pénal ;

Considérant que, par un jugement du 2 février 2010 du Tribunal de grande instance de Versailles statuant en matière correctionnelle intervenu postérieurement à l'introduction du recours du ministre dont il n'est pas contesté qu'il est devenu définitif et qui est revêtu de l'autorité de la chose jugée, M. X a été reconnu coupable d'abus de confiance par mandataire de justice en raison de sa qualité ou dans ses fonctions de curateur d'une personne âgée dont il a utilisé des sommes lui appartenant pour octroyer un prêt à son épouse, acheter un cheval et acquitter des dépenses personnelles ; que, par suite, le motif retenu par le tribunal administratif pour accorder la décharge des impositions en litige tiré de ce que les faits sur lesquels se fondait l'administration pour soutenir que le contribuable avait bénéficié de revenus de la nature de ceux visés au 1 de l'article 92 du code général des impôts n'étaient pas établis, ne peut plus être maintenu ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant le tribunal administratif que devant la Cour à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; que le caractère oral d'un tel débat n'est toutefois pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X ont été informés par avis du 15 décembre 2004 de l'engagement d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle et ont eu deux entretiens avec le vérificateur les 2 mars et 25 mai 2005, avant l'envoi le 26 mai 2005 d'une demande d'éclaircissements ou de justifications concernant leurs revenus des années 2002 et 2003 suivie le 18 octobre 2005 d'une mise en demeure d'avoir à compléter leurs réponses et ont eu un troisième entretien avec le vérificateur le 13 décembre 2005 avant l'envoi le 19 décembre 2005 de la proposition de rectification relative à l'année 2002 ; qu'un quatrième entretien s'est déroulé le 7 février 2006 avant l'envoi le 28 février 2006 de la proposition de rectification relative à l'année 2003 ; que, par suite le moyen tiré de l'absence de dialogue contradictoire ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il incombe à l'administration fiscale d'informer le contribuable de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a suffisamment informé M. et Mme X, à l'occasion des propositions de rectification des 19 décembre 2005 et 28 février 2006 de l'origine et de la teneur des éléments recueillis auprès de l'autorité judiciaire ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : L'impôt sur le revenu est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ; que, selon les dispositions de l'article 92 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme (...) revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices (...) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ; qu'en application de ces dispositions, des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle entend fonder, dans le cadre de la procédure contradictoire d'imposition, une imposition à l'impôt sur le revenu sur les dispositions précitées de l'article 92 du code alors que le contribuable n'a pas accepté le redressement, d'établir les faits qui permettent de regarder les sommes réintégrées dans les bases imposables du contribuable comme constituant des revenus relevant de cette catégorie ;

Considérant qu'il résulte des faits constatés par le juge pénal dans le jugement susmentionné du 2 février 2010 du Tribunal de grande instance de Versailles que les opérations à l'origine de crédits sur ses comptes bancaires qualifiées par le contribuable de prêt consenti au profit de son épouse par la personne protégée dont il était le curateur, de remboursement de frais engagés par lui pour le compte de la personne protégée et de produits de la gestion d'un cheval acquis en association d'achat avec la personne protégée ont permis en fait au contribuable d'appréhender des sommes appartenant à la personne protégée ; que ces sommes sont constitutives d'un revenu imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application des dispositions précitées du 1 de l'article 92 du code général des impôts ; que la circonstance que M. X ait été contraint de rembourser une partie des sommes en cause en application d'une décision du juge des référés du 15 avril 2005, est sans incidence sur leur caractère imposable au titre des années en litige ; que M. X n'est pas fondé à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la doctrine administrative référencée 5 G 1144 n° 2 du 15 septembre 2000 selon laquelle l'article 92 du code général des impôts permet d'appréhender un certain nombre de revenus non dénommés et de profits divers, parfois accidentels ou occasionnels, sous réserve que la source de ces profits ou revenus soit susceptible de renouvellement dès lors, en tout état de cause, que les détournements de fonds n'étaient pas, par nature, insusceptibles de renouvellement ;

Sur le bien-fondé des pénalités :

Considérant que l'administration a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées au titre des années 2002 et 2003 de pénalités pour absence de bonne foi sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts en se fondant sur l'importance des sommes en cause constituant des revenus non déclarés et sur la circonstance que le contribuable ne pouvait ignorer l'origine et la nature des sommes portées sur ses comptes bancaires ; que l'administration doit, dans ces conditions, être regardée comme apportant la preuve de l'intention de M. X d'éluder l'impôt pour les années 2002 et 2003 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a fait droit à la demande de M. et Mme X ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 08-518 en date du 24 mars 2009 du Tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : Les impositions dont la décharge a été prononcée sont remises à la charge de M. et Mme X.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. et Mme X.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09NT01277
Date de la décision : 30/08/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : DE MONTGOLFIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2010-08-30;09nt01277 ?
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