Vu la décision n° 323778 en date du 16 novembre 2009, enregistrée le 17 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour n° 08NT00035 du 16 octobre 2008 ordonnant, avant de statuer sur la demande d'indemnisation présentée par les CONSORTS X, une expertise contradictoire entre ceux-ci et la société Alis et rejetant l'appel incident de la société Alis et a renvoyé l'affaire devant la Cour ;
Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008, présentée pour :
- M. Jacques X, demeurant ...,
- M. Jean-Louis X, demeurant ...,
- M. Alain X, demeurant ...,
- et M. Antoine X, demeurant ..., par Me Bernard, avocat au barreau de Caen ; les CONSORTS X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-1344 en date du 6 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné la société Autoroute de liaison Seine-Sarthe (Alis) à leur verser la somme de 30 000 euros, qu'ils estiment insuffisante, en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de la réalisation de l'autoroute A 28 et des opérations de remembrement prescrites pour son implantation ;
2°) de condamner la société Alis à les indemniser de la perte de valeur vénale de leur propriété et, pour ce faire, d'ordonner une expertise pour apprécier le préjudice réellement subi ;
3°) de mettre à la charge de la société Alis le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2010 :
- le rapport de M. Wegner, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;
- et les observations de Me Austruit substituant Me Grangé, avocat de la société Alis ;
Considérant que les CONSORTS X sont propriétaires sur les communes de Coulmer et Gacé (Orne) d'un ensemble immobilier dit La Chapelle Montgenouil, situé sur le territoire des communes de Gacé et de Coulmer (Orne), comprenant notamment une maison de caractère et deux petits pavillons datant du XVIIème siècle, un ancien presbytère, une parcelle boisée et une exploitation agricole dotée d'un corps de ferme et de terres d'une superficie d'environ quarante hectares données à bail ; qu'à l'issue des opérations de remembrement menées pour permettre la construction de l'autoroute A 28 entre Alençon et Rouen, cet ensemble immobilier d'un seul tenant s'est trouvé morcelé en quatre îlots dont certains plus éloignés du centre d'exploitation ; qu'en outre, les requérants soutiennent que la valeur vénale de leurs bâtiments d'habitation a été réduite du fait des nuisances induites par la proximité de l'autoroute nouvellement créée ; qu'ils interjettent appel du jugement en date du 6 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné la société Autoroute de liaison Seine-Sarthe (Alis) à leur verser la somme de 30 000 euros, qu'ils estiment insuffisante, en réparation de la seule perte de valeur vénale subie par leurs terres et leurs bâtiments d'exploitation à la suite des opérations de remembrement ; qu'ils demandent à la Cour de condamner la société Alis à les indemniser de la perte de valeur vénale de l'ensemble de leur propriété et d'ordonner, à cette fin, une expertise à l'effet de chiffrer la dépréciation de leur fonds ; que la société Alis demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler ledit jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser aux CONSORTS X la somme de 30 000 euros ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-26 du code rural, applicable au présent litige : Lorsqu'un aménagement foncier est réalisé en application de l'article L. 123-24, les dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-23 sont applicables. / Toutefois, sont autorisées les dérogations aux dispositions de l'article L. 123-1 qui seraient rendues inévitables en raison de l'implantation de l'ouvrage et des caractéristiques de la voirie mise en place à la suite de sa réalisation. Les dommages qui peuvent en résulter pour certains propriétaires et qui sont constatés à l'achèvement des opérations d'aménagement foncier sont considérés comme des dommages de travaux publics (...) ; qu'aux termes de l'article L. 123-1 du même code : L'aménagement foncier agricole et forestier, applicable aux propriétés non bâties, (...) a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis (...). / Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre de l'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire ;
Considérant qu'il résulte des dispositions qui précèdent que, lorsqu'un remembrement est effectué en vue de la réalisation d'un grand ouvrage public et qu'il apparaît inévitable de déroger aux dispositions de l'article L. 123-1 du code rural, les propriétaires pour lesquels, du fait de ces dérogations, des préjudices subsistent au terme des opérations de remembrement sont fondés à demander au maître de l'ouvrage réparation des dommages résultant de ces opérations, constatés à l'issue de celles-ci, à titre de dommages de travaux publics ; que les requérants demandent l'indemnisation, en application de ces dispositions, des dommages consécutifs au morcellement des terres comprises dans le périmètre du remembrement et à l'aggravation des conditions de leur exploitation ; qu'il résulte de l'instruction que les opérations de remembrement menées en vue de la construction de l'autoroute A 28 ont eu pour effet de diviser en quatre îlots situés de part et d'autre de cette voie, les terres, initialement d'un seul tenant, appartenant aux requérants et d'entraîner des allongements de parcours pour l'exploitation de ces terres ;
Considérant, en second lieu, que les requérants font également valoir qu'ils subissent une dépréciation de la valeur vénale de leur propriété du fait des nuisances sonores, visuelles et olfactives liées à la présence de l'ouvrage, situé à 60 mètres du bâtiment à usage d'habitation de la ferme, 100 mètres de la maison de maître et 180 mètres de l'ancien presbytère transformé en maison d'habitation ; que seules les nuisances qui excèdent celles que peuvent être appelés à subir dans l'intérêt général les riverains d'une autoroute présentent le caractère d'un préjudice anormal et spécial de nature à ouvrir droit à indemnisation ;
Considérant que la Cour ne disposant pas d'éléments suffisamment précis permettant de déterminer si les allongements de parcours entraînés par les opérations de remembrement nécessaires à la réalisation de l'autoroute A 28 et les nuisances phoniques, visuelles et olfactives qui résultent de la présence de cet ouvrage à proximité de la propriété des requérants présentent un caractère anormal, il y a lieu d'ordonner une expertise à l'effet d'apprécier ces allongements de parcours et ces nuisances ainsi que d'évaluer la perte de valeur vénale qui affecte l'ensemble de cette propriété, ferme et terres agricoles comprises ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions des CONSORTS X tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer, procédé à une expertise contradictoire entre les CONSORTS X, d'une part, et la société Alis, d'autre part.
Article 2 : L'expert aura pour mission :
- de se rendre sur la propriété des CONSORTS X,
- après s'être fait communiquer les plans de la propriété avant et après remembrement, de fournir tous éléments propres à permettre d'apprécier les allongements de parcours pour l'exploitation des terres des CONSORTS X entraînés par les opérations de remembrement nécessaires à la réalisation de l'autoroute A 28 ainsi que les nuisances phoniques, visuelles et olfactives affectant leurs conditions d'habitation du fait de la présence de l'autoroute et de chiffrer les préjudices subis par les CONSORTS X, notamment la perte de valeur vénale de leurs immeubles bâtis et non bâtis du fait des opérations de remembrement et de la proximité de l'autoroute A 28.
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : L'expert déposera son rapport en quatre exemplaires au greffe de la Cour dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques X, à M. Jean-Louis X, à M. Antoine X, aux ayants-droit de M. Alain X, à la société Autoroute de liaison Seine-Sarthe et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
Une copie sera adressée à l'expert.
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N° 08NT00035
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