Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2008, présentée pour la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS, dont le siège est Provenza 268 Pral à Barcelone (08008) Espagne, par Me Betsch, avocat au barreau de Chartres ; la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-1856 en date du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;
Vu la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle ;
Vu le décret n° 96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises ;
Vu le décret n° 84-406 du 30 mai 1984 modifié relatif au registre du commerce et des sociétés ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2010 :
- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;
Considérant que, sur le fondement d'informations recueillies dans le cadre de l'exercice, le 17 mars 2004, de son droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre de la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS dont le siège social est en Espagne et qui exerce une activité de réalisation de constructions métalliques, l'administration fiscale a estimé que cette société disposait en France d'un établissement stable situé dans les locaux de la société ERC Concept à Vire (Calvados) et effectuait des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée en France ; que la société n'ayant déposé aucune déclaration fiscale à raison de ces opérations, l'administration a mis à sa charge, par voie de taxation d'office, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période courant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 164 de la loi susvisée du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : I (...) Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué. Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la Cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l'inventaire, mentionnés au premier alinéa. Ce recours n'est pas suspensif. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. (...) ; qu'aux termes du IV du même article 164 : 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel. (...) 3. Dans les cas mentionnés au 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. (...) ;
Considérant en premier lieu, que l'article 164 de la loi susvisée du 4 août 2008 a modifié les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales en conséquence de l'arrêt Ravon et autres c/ France du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours alors ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement dudit article ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le caractère rétroactif du dispositif de recours introduit par cet article, en particulier les dispositions du d) du IV de cet article, a pour effet de rendre inopérant le moyen tiré, par la société requérante, de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 16 B dans leur rédaction en vigueur lors de la mise en oeuvre des opérations de visite et de saisie contestées avec le droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en tout état de cause, il n'est pas contesté que la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS, qui était, sur le fondement de ces dispositions, susceptible d'invoquer le caractère irrégulier de la procédure de visite et de saisie du 17 mars 2004, a été informée par l'administration fiscale de l'existence des voies de recours instituées par les dispositions précitées et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information, et a donc disposé d'un recours effectif pour contester la régularité des opérations de visite et de saisie auquel elle a renoncé ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : Sont taxés d'office : (...) 3° Aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevable des taxes ; /(...) ; qu'aux termes de l'article 287 du code général des impôts : 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre à la recettes des impôts dont il dépend et dans le délai légal fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. 2. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1. (...). La taxe exigible est acquittée tous les mois. (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société ICOMA a déposé le 18 novembre 2004 les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er décembre 2001 au 31 décembre 2003, en dehors du délai légal prévu par les dispositions de l'article 287 du code général des impôts et se trouvait, dès lors, en situation de taxation d'office en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que, cette situation de taxation d'office n'ayant pas été révélée par les opérations de vérification, l'irrégularité qui, selon la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS, entacherait la procédure de vérification de comptabilité tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des rappels :
En ce qui concerne le délai de reprise :
Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. / (...) ; qu'aux termes de l'article 286 du code général des impôts : I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : 1° Dans les quinze jours du commencement de ses opérations, souscrire au bureau désigné par un arrêté une déclaration conforme au modèle fourni par l'administration. Une déclaration est également obligatoire en cas de cessation d'entreprise. 2° Fournir, sur un imprimé remis par l'administration, tous renseignements relatifs à son activité professionnelle ; (...) ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 123-1 du code de commerce et de l'article 14 du décret n° 84-406 du 30 mai 1984 susvisé, sont tenues à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés les sociétés commerciales, dont le siège est à l'étranger, qui ont un établissement en France et qu'en vertu de l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 et de l'article 1er du décret n° 96-650 du 19 juillet 1996 susvisés, l'obligation d'immatriculation est satisfaite par le dépôt d'un dossier auprès d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce compétent ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents recueillis dans le cadre de la procédure de visite et de saisie prévue par les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales susmentionnée exercée au siège de la société ERC Concept à Vire (Calvados), dirigée par M. Joël X, que l'activité de construction de structures métalliques de la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS dont le capital est détenu à parts égales entre M. Joël X, gérant de la société et son épouse, était exercée en France, dans des locaux de la société ERC Concept qui constituaient le siège de direction de l'activité ; que les clients et les fournisseurs s'y adressaient pour le suivi des chantiers, tous situés en France et réalisés en qualité de sous-traitant d'une entreprise française dirigée par M. X ; que des fax adressés à plusieurs fournisseurs mentionnaient l'adresse de Vire et le numéro de téléphone de la société ERC Concept à Vire ; que les documents comptables, les factures et les autres documents relatifs à l'activité de la société étaient tenus en langue française et conservés dans ces locaux ; qu'enfin, la société disposait d'un compte bancaire en France sur lequel étaient enregistrées les opérations relatives au fonctionnement de son activité ; qu'ainsi la société doit être regardée comme disposant en France d'un établissement au sens des dispositions applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée et était, dès lors, soumise aux formalités d'immatriculation susmentionnées alors même qu'elle remplirait ses obligations déclaratives en Espagne pour des activités taxables dans ce pays ; qu'il est toutefois constant qu'elle ne s'est fait connaître ni du centre de formalités des entreprises ni du greffe du tribunal de commerce ; que, par suite, l'administration était en droit d'exercer son droit de reprise conformément aux dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales et de prononcer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur l'année 2001 ;
En ce qui concerne le montant des droits rappelés :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS ayant été régulièrement taxée d'office, la charge de la preuve de l'exagération des impositions lui incombe en application des dispositions des articles L. 193 et R* 193-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'exercice 2001, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 75 581 euros mis à la charge de la société est celui qu'elle a déterminé ; qu'en ce qui concerne les exercices 2002 et 2003, le vérificateur a fixé les droits rappelés à 221 671 euros pour l'année 2002 et 305 164 euros pour l'année 2003 ; que compte tenu des discordances affectant les documents comptables présentés en cours d'instance par la société, en particulier entre le montant de la taxe sur la valeur ajoutée résultant des produits comptabilisés et le montant de la taxe comptabilisée dans le compte TVA collectée, la société n'établit pas que la reconstitution des chiffres d'affaires effectuée par le vérificateur serait erronée et n'est pas fondée à soutenir que les montants de taxe sur la valeur ajoutée due doivent être ceux résultant des balances produites ; qu'ainsi la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition déterminées par l'administration ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / (...) ; qu'aux termes de l'article 1730 du code général des impôts alors applicable : Dans le cas d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les suppléments de droits mis à la charge du contribuable sont assortis, outre l'intérêt de retard (...) d'une majoration de 150 %. ; qu'aux termes de l'article 1732 du même code résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 : La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'envoi le 6 avril 2004 d'un premier avis de vérification sur place à l'adresse de Vire (14), la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS a obtenu le report de la vérification ; qu'un second avis lui a été adressé le 30 avril 2004, fixant une première intervention au 1er juin 2004 ; que le vérificateur n'a pu débuter le contrôle à cette date en l'absence d'un interlocuteur régulièrement mandaté pour représenter la société ; qu'un nouveau rendez-vous a été fixé le 6 juillet 2004 après réitération de la demande d'examen des documents comptables ; qu'aucun document comptable n'ayant été présenté le 6 juillet 2004, un procès verbal de défaut de présentation de comptabilité a été dressé et remis au représentant de la société alors dûment mandaté ; qu'un nouveau rendez-vous fixé au 22 octobre 2004 a été repoussé au 5 novembre 2004, au cours duquel aucun document comptable n'a été remis ; que le vérificateur a adressé le 18 novembre 2004 une lettre de mise en garde à la société fixant au 14 décembre 2004 la date ultime pour fournir de manière exhaustive les documents comptables, l'informant qu'à défaut, un procès verbal pour opposition à contrôle fiscal serait établi, et fixant un ultime rendez-vous pour le 17 décembre 2004 ; que le 14 décembre 2004, une comptabilité incomplète a été présentée, le mandataire de la société invoquant par ailleurs un empêchement pour se rendre à la réunion du 17 décembre 2004 et s'engageant à fournir les documents complémentaires le 14 janvier 2005 ; que si la société fait valoir des difficultés liées à la localisation des pièces demandées en Espagne, il résulte des faits ci-dessus exposés qu'elle a disposé du temps suffisant avant la dernière intervention du vérificateur prévue le 17 décembre 2004 pour rassembler les pièces demandées ; que si la société soutient qu'en dressant le procès verbal d'opposition à contrôle fiscal le 17 décembre 2004 le vérificateur aurait méconnu ses propres engagements de différer l'établissement de cette pièce jusqu'à l'examen des pièces comptables complémentaires prévues pour le 14 janvier 2005, la réalité de cet engagement n'est pas établie ; que, par suite, les moyens tirés de la violation du principe du contradictoire et du principe de confiance légitime doivent, en tout état de cause, être écartés ; que le moyen tiré de ce que le vérificateur avait pris connaissance des pièces comptables recueillies dans le cadre de la procédure de visite et de saisie, effectuée le 17 mars 2004 au domicile personnel de M. X ne peut qu'être écarté dès lors qu'en application du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales l'administration a restitué les pièces saisies préalablement à l'engagement de la vérification de comptabilité ; qu'ainsi l'attitude de la société, consistant à retarder par des manoeuvres dilatoires la vérification de sa comptabilité, caractérise une opposition à contrôle fiscal de nature à justifier le recours à la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme établissant le bien fondé de la pénalité infligée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ICOMA CONSTRUCCIONES METALICAS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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N° 08NT01383
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