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02/03/2010 | FRANCE | N°08NT02351

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 mars 2010, 08NT02351


Vu la requête enregistrée le 19 janvier 2004, présentée pour M. Gilles X, demeurant ... et la société à responsabilité limitée (SARL) VEDETTES INTER-ILES VENDEENESs (VIIV), représentée par son gérant en exercice, dont le siège est ..., par Me Cnudde Gendreau, avocat au barreau de La Roche-sur-Yon ; M. X et la SOCIETE VEDETTES INTER-ILES VENDEENNES demandent à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n°s 98-1020 des 5 juillet 2001 et 14 octobre 2003 par lesquels le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de la Vendé

e à leur verser une indemnité respective de 10 410 153 F (1 587 017,60 eu...

Vu la requête enregistrée le 19 janvier 2004, présentée pour M. Gilles X, demeurant ... et la société à responsabilité limitée (SARL) VEDETTES INTER-ILES VENDEENESs (VIIV), représentée par son gérant en exercice, dont le siège est ..., par Me Cnudde Gendreau, avocat au barreau de La Roche-sur-Yon ; M. X et la SOCIETE VEDETTES INTER-ILES VENDEENNES demandent à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n°s 98-1020 des 5 juillet 2001 et 14 octobre 2003 par lesquels le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de la Vendée à leur verser une indemnité respective de 10 410 153 F (1 587 017,60 euros) et de 7 005 768 F (1 068 022,40 euros) en réparation de leur préjudice résultant de l'illégalité des décisions des 16 octobre 1989, 30 octobre 1992 et 24 juillet 1995 du président du conseil général de la Vendée leur refusant l'accès aux installations portuaires de Fromentine ;

2°) de condamner le département de la Vendée à leur verser, respectivement, les sommes totales de 20 862 euros et de 546 564 euros ;

3°) de mettre à la charge du département de la Vendée une somme de 1 830 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2010 :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Cnudde Gendreau, avocat de M. X et de Me Pelletier, es qualité de liquidateur de la SOCIETE VEDETTES INTER-ILES VENDEENNES ;

Considérant qu'à la demande de la SARL VEDETTES INTER-ILES VENDEENNES (VIIV), qui exploitait un service de navettes vers l'île d'Yeu au départ de l'embarcadère de La Fosse sur l'île de Noirmoutier, le Tribunal administratif de Nantes a, par jugement du 8 avril 1997 devenu définitif, annulé la décision du 24 juillet 1995 par laquelle le président du conseil général de la Vendée lui a refusé l'accès aux installations portuaires de Fromentine, situées sur le continent ; que M. X, auquel la SOCIETE VIIV avait succédé dans l'exploitation susmentionnée, et cette dernière société ont présenté une nouvelle demande devant ce tribunal tendant à la condamnation du département de la Vendée à leur verser une indemnité respective de 10 410 153 F (1 587 017,60 euros) et de 7 005 768 F (1 068 022,40 euros) en réparation des préjudices résultant selon eux de l'illégalité des décisions des 16 octobre 1989, 30 octobre 1992 et 24 juillet 1995 du président du conseil général de la Vendée leur refusant l'accès aux installations portuaires de Fromentine ; qu'après avoir décidé une mesure d'expertise par jugement du 5 juillet 2001, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande par jugement du 14 octobre 2003 ; que M. X et la SOCIETE VIIV relèvent appel de ces deux jugements ;

Sur les conclusions fondées sur l'illégalité alléguée des décisions des 16 octobre 1989 et 30 octobre 1992 :

Considérant que, par décisions des 16 octobre 1989 et 30 octobre 1992, le président du conseil général de la Vendée a refusé l'accès aux installations portuaires de Fromentine respectivement à la SOCIETE VEDETTES INTER-ILES VENDEENNES et à la société Navix Atlantique ; que si M. X et la SARL VIIV font valoir qu'ils ont acquis successivement le fonds de commerce exploité par ces précédentes sociétés, il ne résulte pas de cette seule qualité d'ayant cause à titre particulier qu'ils se soient substitués dans l'intégralité de leurs droits et obligations ; que, dans ces conditions, ils sont sans qualité pour demander réparation des préjudices résultant de la prétendue illégalité des décisions susmentionnées des 16 octobre 1989 et du 30 octobre 1992 ;

Sur les conclusions fondées sur l'illégalité de la décision du 24 juillet 1995 :

Considérant que, par son jugement du 8 avril 1997, le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du président du conseil général de la Vendée du 24 juillet 1995 au motif que le département de la Vendée n'établissait pas l'existence de circonstances exceptionnelles, seules de nature à justifier que l'accostage à l'estacade de Fromentine soit réservé à la Régie départementale des passages d'eau de Vendée ; que l'illégalité ainsi commise est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du département ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que le président du conseil général aurait légalement pris la même décision refusant l'autorisation d'accoster à l'estacade de Fromentine en se fondant sur d'autres motifs ; qu'ainsi, cette faute est susceptible d'ouvrir droit à l'indemnisation des préjudices établis qui lui sont directement liés ;

Considérant que M. X et la SOCIETE VIIV demandent réparation du préjudice financier résultant de l'impossibilité pour eux de desservir l'île d'Yeu à partir des installations portuaires de Fromentine entre la décision illégale du 24 juillet 1995 et le 30 mars 1998, date à laquelle a été édicté un nouveau règlement d'utilisation de ces installations ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné avant-dire droit par le tribunal administratif, que M. X a, entre le 24 juillet et le 1er octobre 1995, comme la SOCIETE VIIV au cours de la saison 1996, exploité deux liaisons maritimes vers l'île d'Yeu au départ de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, uniquement en juillet et en août, et au départ de La Fosse en disposant de trois navires ; que cette société a assuré les mêmes liaisons en 1997 avec deux navires seulement ; qu'alors que le nombre de passagers embarqués au départ du site de La Fosse avait décliné de 106 965 en 1995 à 80 022 en 1997, le nombre total d'embarquements au départ de La Fosse et de Fromentine a atteint 107 482 en 1998 dans une situation de concurrence sensiblement équivalente à celle des années précédentes, la SOCIETE VIIV ayant concentré l'intégralité de sa capacité de transport, constituée des deux navires dont elle disposait alors, à la liaison vers l'île d'Yeu à partir de ces lieux d'embarquement, sans exploiter cette année-là la liaison au départ de Saint-Gilles-Croix-de-Vie ; que, dans le même temps, la régie départementale des passages d'eau de la Vendée, qui avait transporté au départ de Fromentine, au cours des périodes de l'année durant lesquelles la SOCIETE VIIV exploitait ses liaisons, respectivement, 403 884 et 342 081 passagers en 1996 et 1997, n'en a transporté que 334 666 en 1998 ; qu'il résulte des propres tableaux de données chiffrées produits par le département de la Vendée que l'accroissement du trafic assuré par la SOCIETE VIIV ainsi constaté est lié pour l'essentiel aux résultats obtenus au cours du premier semestre alors que notamment, le nombre d'embarquements effectués aux mois de juillet et d'août a été soit en légère hausse, à hauteur de 2 000 passagers, soit en forte baisse par rapport aux résultats de l'année 1997 ; qu'ainsi, cet accroissement n'est pas dû au report de la clientèle constituée par les 25 819 passagers qui avaient emprunté au cours des mois de juillet et d'août 1997 les navires de la SOCIETE VIIV au départ de Saint-Gilles-Croix-de-Vie ; que le nombre de passagers au départ de Fromentine s'est stabilisé au cours des années suivantes au double de celui des passagers au départ de La Fosse ; que l'ensemble de ces circonstances sont de nature à établir l'intérêt commercial de l'accès aux installations portuaires de Fromentine, lieu d'embarquement traditionnel pour l'île d'Yeu, par ailleurs desservi par les lignes d'autocars, et l'existence d'un lien de causalité direct entre l'illégalité de la décision du président du conseil général de la Vendée du 24 juillet 1995 et le préjudice financier dont les requérants demandent réparation ;

Considérant qu'eu égard à la similarité des conditions d'exploitation et de la concurrence entre 1995 et 1998, M. X et la SOCIETE VIIV justifient avoir perdu une chance sérieuse de détenir sur l'ensemble de cette période la part de marché acquise en 1998 ; qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de cette dernière année, la régie départementale des passages d'eau de la Vendée a transporté 334 666 passagers, à partir de Fromentine, pour 107 962 transportés par la SOCIETE VIIV, à partir de La Fosse et de Fromentine ; qu'il s'ensuit que la part de marché que celle-ci pouvait atteindre sur cette liaison en y affectant deux navires est de l'ordre de 24,50 % ; que le nombre de passagers qu'elle a transportés au départ de La Fosse a été de 84 890 en 1996 et 80 072 en 1997 et que le nombre total de passagers embarqués par les deux exploitants au départ de Fromentine et de La Fosse s'est élevé à 403 884 en 1996 et 422 153 en 1997 ; que le nombre de passagers se rendant à l'île d'Yeu à partir de La Fosse et de Fromentine perdus par la SOCIETE VIIV est donc, compte tenu de la part de marché sus-évaluée de 24,50 %, de 14 062 en 1996 et 23 356 en 1997 ; que les parties ne contestent pas le montant proposé par l'expert de 57 F (8,69 euros) correspondant au tarif moyen payé par passager en 1996 ; qu'en conséquence, la perte de recettes subie par la SOCIETE VIIV au cours de l'année 1996 doit être fixée à 801 534 F (122 193,07 euros) ; que, toutefois, la SOCIETE VIIV ne peut obtenir réparation de la perte de recettes mais seulement de la perte d'exploitation résultant de l'impossibilité pour elle de desservir l'île d'Yeu à partir des installations portuaires de Fromentine ; qu'elle ne conteste pas le taux de marge sur coûts variables de 23,30 % calculé par le département de la Vendée dont l'application à la perte de recettes de 122 193,07 euros fixe à 28 471 euros le montant de la perte d'exploitation subie en 1996 ;

Considérant, en revanche, d'une part, que si la SOCIETE VIIV disposait en 1996 de trois navires dont l'un était exclusivement affecté à la liaison vers l'île d'Yeu à partir de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, elle n'exploitait que deux navires en 1997 ; que, par suite, comme elle l'a fait en 1998, elle aurait abandonné en 1997 la liaison à partir de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, empruntée cette année-là par 25 819 passagers, nombre excédant celui de 23 356 en 1997 correspondant aux passagers perdus au départ de la Fosse et de Fromentine ; qu'il suit de là que la perte de recettes subie par la SOCIETE VIIV n'est pas établie pour ladite année 1997 ; que, d'autre part, le nombre de passagers transportés par M. X entre le 24 juillet et le 1er octobre 1995, soit 49 419, représentant une part de marché supérieure à 24,50 %, l'intéressé ne peut être regardé comme ayant subi sur cette période une perte de recettes par suite de l'impossibilité pour les navires qu'il exploitait d'accoster à Fromentine ;

Considérant que si les requérants demandent à être indemnisés spécifiquement des frais entraînés par la mise en place en 1995 et 1996 d'une liaison par autocars entre les sites de Fromentine et de La Fosse, ils n'établissent pas que les charges résultant de cette prestation supplémentaire n'auraient pas été intégralement compensées par le prix majoré acquitté par les clients à ce titre ; que, par ailleurs, ils ne peuvent utilement soutenir qu'il devrait être tenu compte, pour l'évaluation du préjudice subi, des prix anormalement bas qui auraient été pratiqués sur la période de responsabilité par la régie départementale des passages d'eau de la Vendée et qui auraient ainsi faussé la concurrence sur le marché des liaisons vers l'île d'Yeu, dans la mesure où ils ont fondé leur action uniquement sur l'illégalité de la décision du président du conseil général de la Vendée du 24 juillet 1995 refusant l'accostage aux installations de Fromentine, et non sur la détermination des tarifs de ladite régie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X et la SOCIETE VIIV sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions présentées par la SOCIETE VIIV au titre de l'année 1996 ; que le département de la Vendée doit ainsi être condamné à verser à cette dernière la somme de 28 471 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du département de la Vendée les frais de l'expertise ordonnée par le jugement avant-dire droit du Tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 2001, liquidés et taxés à la somme de 17 885,95 euros par ordonnance du 7 octobre 2003 du président de ce tribunal ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE VIIV qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le département de la Vendée et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées du département de la Vendée dirigées contre M. X ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du département de la Vendée le versement à la SOCIETE VIIV de la somme de 2 000 euros qu'elle demande à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 octobre 2003 du Tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par la SOCIETE VIIV au titre de l'année 1996.

Article 2 : Le département de la Vendée est condamné à verser à la SOCIETE VIIV la somme de 28 471 euros (vingt huit mille quatre cent soixante et onze euros).

Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge du département de la Vendée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X et de la SOCIETE VIIV est rejeté.

Article 5 : Le département de la Vendée versera à la SOCIETE VIIV la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions du département de la Vendée tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gilles X, à Me Pelletier, es qualité de liquidateur de la société à responsabilité limitée VEDETTES INTER-ILES VENDEENNES et au département de la Vendée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 08NT02351
Date de la décision : 02/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Philippe D IZARN de VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : CNUDDE GENDREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2010-03-02;08nt02351 ?
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