Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2008, présentée pour M. Driss X, demeurant ..., par Me Bouchet, avocat au barreau de Nantes ; M. Driss X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-1860 du 19 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale aux fins de déterminer si les épisodes de tachycardie dont il souffre sont imputables à une sympathectomie dorsale qu'il a dû subir en 1981 à la suite d'un accident du travail ;
2°) de faire droit à sa demande d'expertise ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 10 octobre 2008 du bureau d'aide juridictionnelle, admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2009 :
- le rapport de Mme Dorion, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
Considérant que par jugement du 19 juin 2008, le Tribunal administratif d'Orléans statuant en référé a, accueillant l'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours, rejeté la demande de M. X tendant à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée aux fins de déterminer si les épisodes de tachycardie dont il souffre sont imputables à des troubles neuro-végétatifs secondaires à une sympathectomie dorsale réalisée le 20 octobre 1981 au CHU de Tours ; que M. X interjette appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Tours :
Considérant que la demande de M. X tend exclusivement, ainsi que cela ressort clairement de sa requête en appel, au prononcé d'une mesure d'expertise par le juge des référés, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le requérant se réservant d'apprécier ultérieurement, au vu du rapport de l'expert, s'il entend rechercher la responsabilité du CHU de Tours ; qu'en l'absence de conclusions à fin d'indemnisation, la fin de non-recevoir opposée à la demande d'expertise et tirée du défaut de chiffrage des prétentions du requérant ne peut qu'être écartée ;
Sur l'exception de prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ; qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 susvisée relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou d'établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par 10 ans à compter de la consolidation du dommage. ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 101 de la même loi, ces dispositions sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayant droits, aux actions en matière de responsabilité médicale qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi et qui n'avaient pas donné lieu, dans le cas où une action en responsabilité avait déjà été engagée, à une décision irrévocable ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique et du deuxième alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 que le législateur a entendu porter à dix ans le délai de prescription des créances en matière de responsabilité médicale, qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi ; que faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances sur les collectivités publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; qu'aux termes de l'article 3 de cette dernière loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la prescription décennale instituée par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, comme la prescription quadriennale, ne court ni contre la victime qui peut légitimement être regardée comme ignorant l'existence de sa créance, ni contre celle dont l'état de santé n'est pas consolidé ; que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer à quelle date M. X a eu connaissance du lien de causalité, à le supposer établi, entre la sympathectomie qu'il a subie le 20 octobre 1981 et les épisodes de tachycardie dont il souffre, ni la date à compter de laquelle son état de santé peut être considéré comme consolidé ; que la créance dont se prévaut M. X ne pouvant être regardée comme prescrite, sa demande d'expertise présente le caractère d'utilité exigé par les dispositions susrappelées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par conséquent, d'ordonner une expertise médicale aux fins précisées ci-après ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 juin 2008 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : Le docteur Jacques-Antoine Y est désigné comme expert avec pour mission, après avoir examiné M. X, s'être fait communiquer tous documents médicaux et avoir entendu tous sachants :
- de décrire l'opération qu'il a subie au CHU de Tours le 20 octobre 1981 et son état de santé actuel ;
- de donner tous éléments utiles à la solution du litige, notamment sur la relation susceptible d'exister entre la sympathectomie pratiquée en octobre 1981 au CHU de Tours et les épisodes de tachycardie dont souffre l'intéressé ;
- de dire si des fautes médicales, de soins ou dans l'organisation du service sont à l'origine de l'affection dont se plaint l'intéressé ;
- de préciser depuis quelle date son état de santé peut être considéré comme consolidé et, dans la mesure du possible, à quelle date M. X a eu connaissance de l'éventualité d'un lien de causalité entre l'opération en cause et la pathologie dont il souffre ;
- de fournir tous éléments d'appréciation sur les préjudices subis par M. X.
Article 3 : Après avoir prêté serment par écrit et conduit ses opérations conformément aux dispositions des articles R. 621-1 et suivants du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport en quatre exemplaires au plus tard le 31 mars 2010.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Driss X, au CHU de Tours et au ministre de la santé et des sports.
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N° 08NT03312 2
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