Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2008, présentée pour le GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES, dont le siège est 7, rue de la Chaise à Paris (75007), représenté par son gérant, par Me Lagarde, avocat au barreau de Pau ; le GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-904 du 8 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations à l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001, 2002 et 2003 et des pénalités dont elles ont été assorties ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme dont le montant sera chiffré ultérieurement sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code forestier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2009 :
- le rapport de Mlle Wunderlich, rapporteur ;
- les observations de Me Lagarde, avocat du GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES ;
- les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;
- et les nouvelles observations de Me Lagarde, avocat du GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES ;
Considérant que le GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES, propriétaire d'un domaine forestier de plus de 1 600 hectares sur les communes de Marchainville, Moulicent, Le Mage et Longny-au-Perche (Orne), siège de son exploitation principale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'il exerçait une activité commerciale d'organisation de chasses le rendant passible de l'impôt sur les sociétés, l'a assujetti à l'imposition forfaitaire annuelle en application de l'article 223 septies du code général des impôts ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les premiers juges n'ont pas fait droit à l'argumentation du GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES ne révèle pas pour autant une omission à statuer ; que ces derniers, qui ont suffisamment motivé leur décision, n'étaient par ailleurs pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments développés au soutien des moyens présentés ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient le GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES, en recherchant si celui-ci n'était pas en droit de bénéficier des dispositions de l'article 75 du code général des impôts, auxquelles renvoie le deuxième alinéa du 2 de l'article 206 du code général des impôts, les premiers juges se sont bornés à statuer sur le litige qui leur était soumis au vu des dispositions applicables et n'ont procédé à aucune substitution de base légale ;
Sur les conclusions à fin de décharge des impositions litigieuses :
En ce qui concerne le principe d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 238 ter du code général des impôts : Les groupements forestiers constitués dans les conditions prévues par les articles L. 241-1 à L. 241-6, L. 242-1 à L. 242-8 et L. 246-1 à L. 246-2 du code forestier ne sont pas assujettis à l'impôt sur les sociétés ; mais chacun de leurs membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l'impôt sur le revenu, déterminé d'après les règles prévues pour la catégorie de revenus à laquelle ces bénéfices se rattachent, soit, s'il s'agit de personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur les sociétés. ; qu'aux termes de l'article L. 241-2 du code forestier : Les groupements forestiers doivent avoir un objet exclusivement civil et sont régis par les articles 1832 et suivants du code civil sauf modifications résultant du présent titre. ; et qu'aux termes de l'article L. 241-3 du même code : Les groupements forestiers ont pour objet la constitution, l'amélioration, l'équipement, la conservation ou la gestion d'un ou plusieurs massifs forestiers, et généralement toutes opérations quelconques pouvant se rattacher à cet objet ou en dérivant normalement, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil du groupement. En particulier, la transformation des produits forestiers qui ne constituerait pas un prolongement normal de l'activité agricole ne peut être pratiquée par le groupement. ; que le troisième alinéa de l'article L. 1 dudit code dispose en outre que Le développement durable des forêts implique un équilibre sylvo-cynégétique harmonieux permettant la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire. Cet équilibre est atteint notamment par l'application du plan de chasse défini aux articles L. 425-1 à L. 425-4 du code de l'environnement, complété le cas échéant par le recours aux dispositions des articles L. 427-4 à L. 427-7 dudit code. ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1. de l'article 206 du code général des impôts, sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) toutes (...) personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ; qu'en vertu du 2. du même article, il en est ainsi, notamment, des sociétés civiles (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; que l'exercice d'une profession commerciale visé à l'article 34 du même code s'entend de l'accomplissement d'actes réputés de commerce par l'article L. 110-1 du code de commerce, dans des conditions caractéristiques de l'exercice d'une activité professionnelle, et, en particulier, de nature à permettre la réalisation d'un profit ; qu'enfin, en vertu de l'article 223 septies du même code, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'outre la location du droit de chasse à deux groupes de chasseurs, le GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES organise en régie sur son domaine, pour le bénéfice d'un groupe d'amis recrutés par cooptation, une dizaine de journées de chasse moyennant une participation annuelle aux frais d'environ 2 000 euros ; que le groupement est propriétaire sur le domaine d'un pavillon de chasse, qu'il a fait construire en 1996, d'une surface hors oeuvre nette de 461 m2, comportant une salle de réunion, restauration et détente, une cuisine, une chambre froide, une salle de découpe du gibier avec rail de manutention, plusieurs chambres ainsi qu'une salle de bains, susceptible d'accueillir les chasseurs dans des conditions de confort tout à fait acceptables ; que s'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait exposé des dépenses au titre d'achats de nourriture ou de frais de personnel, et qu'il soutient en outre qu'aucune prestation hôtelière de gîte et de couvert n'est d'ailleurs facturée, il est toutefois constant que la concession du droit de chasser s'accompagne, en outre, de la prestation de services, au nombre desquels la mise à disposition d'un garde-chasse ; que le GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES vend la majeure partie du gibier -qui est nourri en hiver- tiré lors de ces chasses, et non réparti entre les participants, à des grossistes ; qu'ainsi, quand bien même le plan de chasse ferait obligation aux propriétaires de prélever un nombre important d'animaux et que les prix de vente pratiqués seraient faibles, c'est dès lors à bon droit que le service a estimé, dans ces conditions, que le GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES se livrait à une activité commerciale le rendant passible de l'impôt sur les sociétés, quelles qu'en aient été les résultats et l'intention du groupement ;
En ce qui concerne le caractère accessoire des recettes non agricoles :
Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa du 2. de l'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige, les sociétés civiles passibles de l'impôt sur les sociétés dont l'activité principale entre dans le champ d'application de l'article 63 relatif aux bénéfices agricoles, peuvent bénéficier des dispositions de l'article 75 lorsqu'elles sont, comme en l'espèce, soumises à un régime réel d'imposition ; et qu'aux termes de l'article 75 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Les produits des activités accessoires relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et de celles des bénéfices non commerciaux réalisés par un exploitant agricole soumis à un régime réel ou au régime transitoire d'imposition peuvent être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole lorsque, au titre de l'année civile précédant la date d'ouverture de l'exercice, les recettes accessoires commerciales et non commerciales n'excèdent ni 30 % des recettes tirées de l'activité agricole, ni 30 000 euros. Ces montants s'apprécient remboursements de frais inclus et taxes comprises. (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recettes du GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES générées par la vente du gibier et les cotisations des chasseurs ont été au cours des années en litige, supérieures à 30 000 euros, et ont excédé le tiers des recettes tirées de la vente de végétaux, qui caractérise l'activité agricole du groupement ; qu'il ne pouvait dès lors prétendre échapper à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions précitées du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions susmentionnées, au demeurant non chiffrées, du GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES, dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GROUPEMENT FORESTIER DES GRANDES LOGES et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 08NT014782
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