Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2007, présentée pour la SARL AMENAGEMENT RESEAU TRAVAUX INGENIERIE COORDINATION “ARTIC”, dont le siège est Kerhouguet à Saint-Lyphard (44410), par Me Bachelard, avocat au barreau de Paris ; la SARL ARTIC demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-3116 en date du 7 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 et 2000 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2008 :
- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL ARTIC, qui a pour activité la promotion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000, à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause l'inscription d'une dette de 4 880 645 F constatée au passif du bilan du 31 décembre 1999 et, au titre de l'exercice 2000, l'inscription d'une provision pour risques et charges de 400 000 F et a appliqué des pénalités de mauvaise foi sur certains redressements ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que dans le cas où la vérification de comptabilité d'une société commerciale a été effectuée soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait ;
Considérant qu'il est constant que la vérification de comptabilité de la SARL ARTIC s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise ; qu'il n'est pas établi qu'au cours des opérations de contrôle, le vérificateur, qui a effectué onze interventions sur place dont sept en présence du gérant, se serait refusé à tout échange de vues sur les constatations opérées ; que le vérificateur n'était pas tenu de donner au contribuable, avant la notification ayant cet objet, une information sur les redressements envisagés ;
Considérant, en second lieu, que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration, usant de son droit de communication au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL ARTIC a obtenu, auprès de la RATP, créancier de la société, une attestation relative à la dette de la société à son égard ; que l'administration n'était pas tenue de soumettre ce document, qui ne présentait pas le caractère de pièce comptable de la société ARTIC, à un débat oral et contradictoire avec cette société ;
Considérant que, par ailleurs, l'administration est tenue d'informer suffisamment le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle recueille dans l'exercice de son droit de communication afin de le mettre en mesure de demander communication des documents en cause avant la mise en recouvrement des impositions ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la notification de redressement que la SARL ARTIC a été informée de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par l'administration auprès de la RATP et a été mise à même d'en demander communication ; que, d'ailleurs, une copie de l'attestation établie par la RATP a été annexée à la réponse aux observations du contribuable du 28 octobre 2002 ; que la SARL ARTIC n'est pas fondée à invoquer les dispositions de la Charte des droits et obligations du contribuable qui, en matière de droit de communication, ne comportent pas de dispositions plus favorables opposables à l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la dette de 4 880 645 F :
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : “Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés” ;
Considérant que l'administration a remis en cause l'inscription, au passif du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 1999, d'une dette de 4 880 645 F envers la RATP au motif que cette dette était éteinte depuis le 31 décembre 1998, date à laquelle la société ARTIC s'était acquittée du solde du prix des biens immobiliers acquis auprès de la RATP, et l'a rapportée aux résultats du premier exercice non prescrit ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'aux termes d'un acte notarié du 22 mars 1994, modifié le 8 juillet 1994, la RATP a vendu à la SARL ARTIC des terrains situés à Boissy-Saint-Léger et à Sucy-en-Brie (Val de Marne) destinés à la création d'un lotissement, moyennant, d'une part, le paiement d'un prix payable en partie au fur et à mesure de la vente des lots, et, d'autre part, la prise en charge, par la SARL ARTIC des frais de voirie et d'aménagement des terrains ; qu'enfin, le même acte notarié a prévu le versement par la SARL ARTIC à la RATP d'un complément de prix en proportion de la marge bénéficiaire dégagée par l'opération, qui devait être déterminée au plus tard dans un délai de trois mois suivant la fin du cinquième exercice comptable de la société ARTIC suivant la signature de l'acte, cette marge bénéficiaire étant provisoirement fixée à 1 000 F par un acte rectificatif du 8 juillet 1994 ; que l'attestation établie par la RATP le 29 avril 2002 porte sur le règlement du prix des terrains sans mentionner les dispositions relatives à la participation sur la marge bénéficiaire de l'opération et ne saurait valoir renonciation de sa part à percevoir cette participation éventuelle ; que, toutefois, en se bornant à se référer à l'acte notarié précité, sans produire, comme prévu par ce même acte, de bilan financier contradictoire arrêté à cette date justifiant la marge bénéficiaire, la SARL ARTIC ne justifie pas, comme elle en a la charge, de la réalité et du montant de la dette inscrite au passif du bilan du 31 décembre 1999 ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration, sans s'immiscer dans les relations contractuelles de la société avec la RATP ni interpréter ou requalifier l'acte notarié, a réintégré la somme de 4 880 645 F aux résultats de l'exercice 1999 ;
En ce qui concerne la provision pour risques et charge de 400 000 F :
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : “Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...)” ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
Considérant que le vérificateur a remis en cause l'inscription d'une provision de 400 000 F portée au bilan de l'exercice 2000 justifiée par la société contribuable comme destinée à faire face au retard dans l'exécution des travaux de peinture devant être effectués par son sous-traitant, la société Sogef, sur trois lots de l'immeuble de la résidence Sainte-Anne à Etel (56), et au risque de paiement de pénalité en cas de retard de livraison des appartements en cause ; que le vérificateur s'est fondé sur le motif qu'à la clôture de l'exercice 2000, le risque de défaillance du fournisseur était seulement éventuel et que le montant inscrit tenait compte de travaux supplémentaires prévus postérieurement à la clôture de l'exercice ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché conclu avec la société Sogef pour un montant de 4 millions de francs hors taxes comprenait un lot “peinture” chiffré à 282 000 F hors taxes ; qu'en se bornant à faire valoir que l'évaluation du risque de défaillance de l'entreprise Sogef a été effectuée sur la base d'un devis, par ailleurs non produit, qui aurait été établi par la société Reca Bretagne, créée au 1er avril 2001, postérieurement à la clôture de l'exercice, et qui a repris les travaux, la SARL ARTIC ne justifie pas qu'elle a évalué la provision constituée à la clôture de l'exercice 2000 avec une approximation suffisante ; que, par ailleurs, si la société soutient que la provision en litige était également destinée à faire face au risque de pénalité de retard en cas de report de la livraison des appartements en cause, d'une part, un tel risque est sans lien avec le montant de travaux restant à effectuer et, d'autre part, le caractère probable du versement de la pénalité n'est pas établi, dès lors qu'il résulte de l'instruction que si certains contrats de réservation des lots acquis en l'état de futur achèvement prévoyaient le versement d'une indemnité de 10 000 F mensuelle par mois de retard de livraison, fixée au 31 mars 2001, la clause contractuelle prévoyait également que cette indemnité n'était pas due en cas notamment de défaillance d'entreprises ; qu'ainsi, la SARL ARTIC n'établit pas l'existence de circonstance à la clôture de l'exercice 2000 se rattachant par un lien direct à l'opération en cause de nature à justifier le risque de pénalité de retard ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 alors applicable du code général des impôts : “1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...)” ;
Considérant qu'au titre de l'exercice 1999, l'administration a assorti les redressements relatifs à une dette de 194 117,55 F TTC correspondant à une facture de prestations de services établie le 21 avril 1998 par le cabinet Klak et à la dette vis-à-vis de la RATP des majorations pour mauvaise foi au motif que la société ne pouvait ignorer, d'une part le caractère fictif de la dette vis-à-vis du cabinet Klak, qui n'avait pas d'existence légale, et, d'autre part, que la dette vis-à-vis de la RATP était éteinte compte tenu des règlements intervenus en 1998 et qu'aucune marge bénéficiaire n'était finalement attendue sur l'opération ainsi que le démontre la demande effectuée par la société en 1999 auprès de la RATP tendant à obtenir la mainlevée de caution et la levée d'hypothèques ;
Considérant en premier lieu, que l'absence de réalité des prestations facturées et, par suite, le caractère fictif de la dette enregistrée vis-à-vis du cabinet Klak pour le paiement de la facture du 21 avril 1998 dont le montant a été maintenu en dette au bilan de l'exercice suivant, clos le 31 décembre 1999, doivent être regardés comme établis dès lors que la SARL ARTIC ne conteste plus en appel le caractère fictif des prestations en cause et se borne à soutenir que la facture en cause n'avait pas été payée en raison du soupçon d'un litige possible avec cette société ; que l'administration doit, dans ces conditions, être regardée comme apportant la preuve de l'absence de bonne foi de la SARL ARTIC en ce qui concerne ce redressement ;
Considérant, en second lieu, que, comme il a été dit plus haut, la marge bénéficiaire de l'opération de vente de terrains de la RATP à la SARL ARTIC devait être déterminée au plus tard à l'issue d'un délai expirant le 31 mars 2000 ; que toutefois, une attestation notariée établie en septembre 2002 fait état de ce qu'à cette date la marge bénéficiaire n'était pas encore déterminée ; qu'ainsi, en se référant à l'absence de marge bénéficiaire alors qu'il n'est pas établi que celle-ci serait nulle et à l'absence de dette de la société envers la RATP, alors que, comme il a été dit plus haut, il n'est pas établi que la RATP ait renoncé à percevoir une participation sur la marge bénéficiaire éventuelle, l'administration n'établit pas l'intention délibérée de la SARL ARTIC d'éluder l'impôt ; qu'ainsi elle a, à tort, assorti les impositions supplémentaires relatives à la réintégration dans les résultats de l'exercice 1999 de la somme 4 880 645 F (744 049,53 euros) au titre de la dette envers la RATP de la majoration pour mauvaise foi sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL “ARTIC” est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la totalité de sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La SARL AMENAGEMENT RESEAU TRAVAUX INGENIERIE COORDINATION “ARTIC” est déchargée des pénalités de mauvaise foi mises à sa charge au titre des impositions supplémentaires relatives à la réintégration de la somme de 744 049,53 euros (sept cent quarante-quatre mille quarante-neuf euros cinquante-trois centimes) au titre de l'exercice 1999.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL AMENAGEMENT RESEAU TRAVAUX INGENIERIE COORDINATION “ARTIC” est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AMENAGEMENT RESEAU TRAVAUX INGENIERIE COORDINATION “ARTIC” et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
N° 07NT01980
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