Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2007, présentée pour la SAS EPMO, dont le siège est ZI des Gailletrous, rue Emile Roux à La Chaussée Saint-Victor (41260), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Zamour, avocat au barreau de Paris ; la SAS EPMO demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-2105 du 28 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et en pénalités, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1999 et 2000 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2008 :
- le rapport de M. Ragil, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SAS EPMO, qui a pour objet une activité de mécanique de précision, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000 ; qu'à l'issue des opérations de vérification, l'administration a regardé certaines dépenses comme engagées dans l'intérêt direct de M. X, administrateur de la société, et comme constitutives de revenus distribués au profit de ce dernier ; que l'administration a réintégré les sommes litigieuses au résultat fiscal de la société et les a soumises, eu égard à la circonstance que M. X résidait en Suisse, à une retenue à la source établie au nom de la société requérante ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour que la SAS EPMO s'était notamment prévalue des énonciations de la doctrine administrative, contenues dans une note du 8 juin 1993, relative à la vérification ponctuelle de la comptabilité d'une entreprise ; que le jugement du tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation et doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS EPMO devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que si la société requérante fait valoir que la vérification de comptabilité n'a revêtu qu'un caractère ponctuel, en ce qu'elle n'a porté que sur les comptes 61 et 62 au titre de l'année 1999 et qu'elle s'est limitée, pour 2000, à l'examen des comptes de classe 6, elle n'invoque, à l'appui d'un tel moyen, la violation d'aucune disposition législative ou réglementaire et n'établit, ni même n'allègue, avoir été privé, de ce fait, des garanties attachées à une procédure de vérification de comptabilité ; que la SAS EPMO n'est, par ailleurs, pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales la doctrine administrative contenue dans une note du 8 juin 2003, laquelle a trait à la procédure d'imposition ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...)” ; que la SAS requérante fait valoir que la notification de redressement du 19 juillet 2002, relative à la retenue à la source de l'année 2000, est insuffisamment motivée, en ce qui concerne des frais de mission et de réception d'un montant de 106 921 F, dans la mesure où elle se borne à mentionner qu'il “a, par ailleurs, été démontré que le bénéficiaire était M. X” ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la société a reçu le même jour la notification de redressement relative à l'impôt sur les sociétés de la même année, laquelle explicite les raisons pour lesquelles le service a procédé à la réintégration des charges de laquelle découle la retenue à la source ; que cette notification indique, en particulier, les raisons de fait démontrant, selon le service, l'appréhension par M. X des sommes en cause ; que cette circonstance a permis, en l'espèce, à la SAS EPMO de présenter utilement ses observations en ce qui concerne les retenues à la source litigieuses ; que cette dernière ne saurait, dès lors, soutenir que l'administration a méconnu les exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, par ailleurs, que cette même notification de redressement relative à l'impôt sur les sociétés mentionne “qu'après recherches approfondies”, un certain nombre de frais, dont la déduction était refusée, avaient pu être localisés à Méribel, et indique, sous la forme d'un tableau, une liste d'établissements de cette localité et le montant des dépenses et achats qui y avaient été engagés ; qu'ainsi, la SAS EPMO n'a pas été privée de la possibilité de discuter utilement ce chef de redressement et a été mise à même de solliciter la communication des pièces qui s'y rapportaient ; que les garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité n'ont pour objet et pour effet de soumettre à un débat oral et contradictoire avec le contribuable que l'examen des seules pièces comptables du contribuable ; qu'il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ; qu'il en résulte, notamment, que l'administration n'est pas tenue de soumettre les éléments relatifs à l'objet des dépenses de M. X, obtenus par l'exercice de son droit de communication, à un débat oral et contradictoire avec la société ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : “Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature. (...)” ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant que l'administration qui conteste le caractère déductible de dépenses engagées au profit de M. X, président de la société Galien, société-mère de la SAS EPMO, fait valoir que les charges en cause étaient dépourvues de contrepartie pour cette dernière société ; qu'en particulier, l'administration a réintégré les dépenses afférentes à des frais de carburant et de péages, à des billets d'avion, des cigarettes, des frais de séjour, d'hôtel et de restauration à Méribel et Ramatuelle et des sommes comptabilisées comme frais de mission et de réception, au motif, d'une part, que les déplacements, voyages, séjours et achats étaient sans lien avéré avec l'activité de la SAS EPMO et que, d'autre part, la nature et l'objet des frais de mission et de réception n'étaient pas explicités ; que l'administration se prévaut, au soutien de son argumentation, de la circonstance que la SAS EPMO et la société mère avaient conclu une convention de direction, au titre de laquelle la société requérante acquittait une somme annuelle de 1 800 000 F, supposée couvrir les frais afférents aux interventions de M. X ; que si la société requérante indique que M. X, principal animateur des sociétés de son groupe, disposait d'un pouvoir de décision, d'un mandat aux fins de représentation en justice, était destinataire de nombreuses correspondances et titulaire de procurations auprès d'établissements bancaires teneurs de compte de la SAS EPMO, ces allégations sont sans portée, en raison de l'existence de la convention susmentionnée ; que les explications de la SAS EPMO relatives à l'utilisation d'une carte “Total”, aux motifs d'un déplacement à New-York via Londres et au caractère déductible des autres frais ne sont assorties d'aucune justification probante et ne sauraient, dès lors, attester de ce que les charges en cause étaient exposées dans l'intérêt de l'exploitation ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de ce que les dépenses en cause ne constituaient pas des charges déductibles et, par conséquent, de l'existence et du montant de la distribution alléguée, laquelle a été, à bon droit, soumise à la retenue à la source, eu égard à la qualité de résident suisse de son bénéficiaire ;
Sur les pénalités pour mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : “1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...)” ;
Considérant que l'administration fait valoir que la SAS EPMO a pris en charge et déduit de ses résultats diverses dépenses dont elle ne pouvait ignorer qu'elles incombaient normalement à M. X et dont elle n'a pas été en mesure de justifier l'intérêt pour l'entreprise ; qu'elle précise, de surcroît, que de telles irrégularités avaient déjà été relevées lors d'une précédente vérification de comptabilité de la société diligentée dans le courant de l'année 2000 et met en exergue le caractère répétitif des agissements en cause ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de la société requérante d'éluder l'impôt ; que dès lors, c'est à bon droit que les pénalités de mauvaise foi ont été appliquées ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande présentée par la SAS EPMO devant le Tribunal administratif d'Orléans doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS EPMO la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 04-2105 du Tribunal administratif d'Orléans en date du 28 novembre 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SAS EPMO devant le Tribunal administratif d'Orléans est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS EPMO et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
N° 07NT00219
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