Vu la requête enregistrée le 31 octobre 2007, présentée pour la VILLE DE RENNES (Ille-et-Vilaine), représentée par son maire en exercice, par Me Martin, avocat au barreau de Rennes ; la VILLE DE RENNES demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 07-3211 du 9 octobre 2007 du président du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'elle limite à 266 839,46 euros le montant de la provision que l'Etat est condamné à lui verser au titre des années 2003 à 2006, à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis à raison de l'illégalité des dispositions de l'article 4 du décret du 25 novembre 1999 et de l'article 7 du décret du 26 février 2001 ayant transféré aux maires de certaines communes, agissant au nom de l'Etat, la charge de recueillir et de transmettre aux autorités compétentes les demandes de passeports et de cartes nationales d'identité, puis de remettre les titres établis aux pétitionnaires ;
2°) de fixer le montant de cette provision à 1 322 149,80 euros, avec intérêts au taux légal, correspondant aux charges supportées par la requérante au titre des années 2003 à 2006, ainsi qu'au titre de la période du 1er janvier au 28 octobre 2007 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 modifiant le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité ;
Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2008 :
- le rapport de M. Dupuy, président-rapporteur ;
- les observations de Me Kasni, substituant Me Martin, avocat de la VILLE DE RENNES ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par ordonnance du 9 octobre 2007, le président du Tribunal administratif de Rennes, statuant en référé, a condamné l'Etat à verser à la VILLE DE RENNES (Ille-et-Vilaine) une provision de 266 839,46 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis au titre des années 2003 à 2006 à raison de l'illégalité des dispositions de l'article 4 du décret du 25 novembre 1999 susvisé et de l'article 7 du décret du 26 février 2001 susvisé qui ont transféré aux maires de certaines communes, agissant au nom de l'Etat, la charge de recueillir et de transmettre aux autorités compétentes les demandes de passeports et de cartes nationales d'identité, puis de remettre les titres établis aux pétitionnaires ; que la VILLE DE RENNES interjette appel de cette ordonnance en tant qu'elle limite le montant de la provision demandée à la somme précitée de 266 839,46 euros ; qu'elle demande que cette somme soit portée à celle de 1 541 654,90 euros au titre de la période comprenant, outre les années 2003 à 2006, l'année 2007 et le premier trimestre 2008 ; que, pour sa part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui ne conteste pas le principe de la responsabilité de l'Etat, conclut au rejet de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ;
Sur le montant de la provision demandée par la VILLE DE RENNES :
- au titre des charges entraînées par les frais de personnel :
Considérant que la VILLE DE RENNES fait valoir que la provision de 266 839,46 euros accordée par l'ordonnance attaquée au titre des frais de personnel a été sous-évaluée, dès lors que n'ont pas été comptabilisés les dossiers constitués par les fiches enfants jointes aux demandes de passeports, que le temps moyen nécessaire au traitement de chaque dossier a été estimé à 12 minutes alors qu'il représente 16 minutes pour les passeports et 20 minutes pour les cartes nationales d'identité et que le coût du personnel d'encadrement n'a pas été pris en compte ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que les fiches enfants sont destinées à recueillir l'état-civil des enfants dont l'inscription est demandée sur le passeport de l'un ou l'autre des parents et comportent une déclaration relative à l'exercice de l'autorité parentale par ce parent ; que la gestion de cette formalité, qui n'implique aucun accueil de public supplémentaire, ne saurait être assimilée au traitement d'un dossier de demande de titre ; que, d'autre part, si le ministre soutient que le temps moyen nécessaire à l'instruction d'un dossier est de 12 minutes, par référence à un rapport établi par ses services déconcentrés, il ne ressort pas moins d'une autre étude qu'il produit réalisée sur sa demande par un cabinet privé spécialement chargé d'évaluer le temps global nécessaire au recueil des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité et à la remise des titres aux bénéficiaires, dans lesdits services déconcentrés, que cette évaluation peut être fixée au temps moyen global de 17 minutes 30, qu'il y a lieu, dès lors, de retenir ; qu'enfin, si l'indemnisation doit tenir compte du grade des agents communaux affectés au traitement des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports, elle ne saurait prendre en compte deux fois le même poste en retenant également le salaire versé aux agents contractuels assurant le remplacement des agents titulaires en congé maladie et ne peut davantage, dans le cadre de l'instance en référé, se rapporter à des dépenses telles que les frais de personnel d'encadrement dont la pertinence n'apparaît pas établie, notamment dans leur montant ; qu'il résulte de ce qui précède que le montant des frais de personnel supportés par la VILLE DE RENNES pour assurer le traitement des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports entre 2003 et 2006 doit être évalué à la somme de 524 281 euros ;
Considérant que la VILLE DE RENNES a également demandé, devant la Cour, que la provision à lui verser prenne en compte l'indemnisation des dépenses de personnel qu'elle a engagées au titre de l'année 2007 et du premier trimestre 2008 ; qu'une telle demande, relative à un préjudice continu, doit être accueillie et qu'il y a lieu, dès lors, de fixer, selon les mêmes modalités que ci-dessus, le montant provisionnel de la réparation due par l'Etat au titre de cette période complémentaire à la somme de 163 812 euros ;
Considérant qu'il suit de ce qui précède que le montant total de la provision à laquelle la VILLE DE RENNES peut prétendre, à ce titre, de la part de l'Etat s'établit à la somme de 688 093 euros ;
- au titre des charges entraînées par les frais de fonctionnement divers et d'investissement :
Considérant que la VILLE DE RENNES ne produit pas d'éléments permettant d'établir de manière non sérieusement contestable la réalité des dépenses de fournitures diverses, de formation, de communication, d'impression, de documentation, d'affranchissement, de véhicules, d'eau, de chauffage et d'électricité qu'elle soutient avoir exposées au cours de l'entière période concernée et qui sont contestées par le ministre en défense ; qu'en tout état de cause, le matériel informatique, le mobilier et les locaux utilisés pour le traitement des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports demeurent la propriété de la VILLE DE RENNES qui a pu les utiliser concurremment à d'autres fins et conserve la possibilité de les affecter à d'autres services ;
Sur les intérêts :
Considérant que la VILLE DE RENNES a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 688 093 euros qui lui est allouée à titre de provision à compter du 23 juillet 2007, date de réception par les services de l'Etat de sa demande préalable d'indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE RENNES est fondée à demander, d'une part, la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle limite à 266 839,46 euros le montant de la provision que l'Etat est condamné à lui verser, d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 688 093 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2007, au titre de la provision à valoir sur la réparation de ses préjudices subis au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 mars 2008 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à la VILLE DE RENNES une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat versera à la VILLE DE RENNES une somme de 688 093 euros (six cent quatre-vingt huit mille quatre-vingt treize euros), avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2007, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices subis au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 mars 2008.
Article 2 : L'ordonnance du 9 octobre 2007 du président du Tribunal administratif de Rennes est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la VILLE DE RENNES en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE RENNES (Ille-et-Vilaine) et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Une copie en sera, en outre, adressée au préfet de la région Bretagne, préfet d'Ille-et-Vilaine.
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