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21/12/2007 | FRANCE | N°07NT02218

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 21 décembre 2007, 07NT02218


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2007, présentée pour M. Riad X, ..., par Me Emanuelle Néraudau, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-4081 du 17 juillet 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, notamment, à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 13 juillet 2007, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Tunisie comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit et de la dé

cision du même jour le plaçant en rétention administrative ;

2°) d'a...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2007, présentée pour M. Riad X, ..., par Me Emanuelle Néraudau, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-4081 du 17 juillet 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, notamment, à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 13 juillet 2007, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Tunisie comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit et de la décision du même jour le plaçant en rétention administrative ;

2°) d'annuler ledit arrêté et ladite décision ;

3°) de condamner l'État à verser à Me Néraudau la somme de 1 400 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;
……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 3 septembre 2007 par laquelle le président de la Cour a délégué Mme Michel pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000, modifiée, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2007 :

- le rapport de Mme Michel, magistrat délégué,

- les observations de Me Néraudau, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;




Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : - 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité tunisienne, qui n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, n'a pas été en mesure de présenter les documents justifiant de son entrée régulière en France ; qu'il entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que, par un arrêté du 28 août 2006, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet d'Ille-et-Vilaine a donné à M. Jean-Claude Goven, directeur de la réglementation et des libertés publiques, délégation à l'effet de signer les arrêtés relatif à la situation des ressortissants étrangers ; qu'ainsi, M. Goven bénéficiait d'une délégation pour signer les décisions ordonnant la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) - Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : - (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et, notamment, des articles L. 511-1 à L. 511-3 et L. 512-1 à L. 512-5, qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours, et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière et, ainsi, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 13 juillet 2007, ordonnant la reconduite à la frontière de M. X serait illégale faute d'avoir été précédée du recueil des observations de l'intéressé, doit être écarté ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné la reconduite à la frontière de M. X vise l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne que l'intéressé ne peut apporter la preuve de son entrée régulière sur le territoire français ; que ce visa et cette mention permettaient à M. X de savoir que ladite décision était fondée sur le 1° de l'article susmentionné ; que, si elle ne mentionne pas que le requérant vivait maritalement avec une ressortissante française, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder ladite décision comme entachée d'une insuffisance de motivation, dès lors, notamment, que l'intéressé avait seulement déclaré aux services de police lors de son interpellation qu'il était célibataire ; que, par suite, le moyen soulevé par M. X et tiré de ce que la décision décidant sa reconduite à la frontière serait insuffisamment motivée en droit et en fait ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'en énonçant dans les motifs de la décision contestée que M. X était célibataire, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a commis aucune erreur de fait, dès lors que l'intéressé n'est pas marié avec la ressortissante française avec laquelle il vit ;

Considérant que, si M. X fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis 2000, vit maritalement depuis un an avec une ressortissante française, n'a plus d'attaches familiales en Tunisie, ses deux frères, dont l'un a la nationalité française, vivant en France, et qu'il dispose d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que la durée de résidence en France de l'intéressé n'est pas établie, qu'à la supposer existante depuis un an, la relation qu'il entretient avec sa compagne française est récente et que, lors de son interpellation, M. X a déclaré avoir en Tunisie ses parents et une de ses deux soeurs ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 13 juillet 2007, n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, en prenant cette décision, le préfet n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, par un arrêté du 28 août 2006, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet d'Ille-et-Vilaine a donné à M. Jean-Claude Goven, directeur de la réglementation et des libertés publiques, délégation à l'effet de signer les arrêtés relatif à la situation des ressortissants étrangers ; qu'ainsi, M. Goven bénéficiait d'une délégation pour signer les décisions fixant le pays de destination des étrangers reconduits à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-3 du code de justice administrative : La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. Lorsque la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter une mesure de reconduite à la frontière, le recours contentieux contre cette décision n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L .512-3, que s'il est présenté au président du tribunal administratif en même temps que le recours contre la mesure de reconduite à la frontière qu'elle vise à exécuter ;

Considérant que, dès lors que la décision fixant le pays de destination est prise en même temps que l'arrêté de reconduite à la frontière et peut, par suite, être déférée dans les conditions prévues à l'article L. 512-3, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté ;

Considérant que la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine fixant la Tunisie comme pays à destination duquel M. X doit être reconduit, contenue dans l'arrêté du 13 juillet 2007, qui relève que l'intéressé entre dans le champ d'application de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lequel elle se fonde et est, ainsi, suffisamment motivée ;

Sur la légalité de la décision de maintien en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger (…) faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant (…) ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

Considérant que, par un arrêté du 28 août 2006, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet d'Ille-et-Vilaine a donné à M. Jean-Claude Goven, directeur de la réglementation et des libertés publiques, délégation à l'effet de signer les décisions de mise en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant que l'obligation faite à l'administration, avant de prendre une décision qui doit être motivée en application de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations, obligation résultant de l'article 24 la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, ne s'applique pas préalablement au placement en rétention de l'étranger, dès lors que celui-ci peut être contesté dans le cadre du recours suspensif exercé à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 13 juillet 2007, décidant le placement en rétention administrative de M. X serait illégale faute d'avoir été précédée du recueil des observations de l'intéressé doit être écarté ;

Considérant que la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine ordonnant le placement en rétention administrative de M. X, qui, d'une part, relève que l'intéressé n'est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire français compte tenu des délais de réservation d'un vol et n'offre aucune garantie de représentation et qui, d'autre part, vise l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lequel elle se fonde et est, ainsi, suffisamment motivée ;

Considérant qu'il est constant qu'à la date à laquelle a été prise la décision contestée, M. X n'était pas en mesure de déférer à la décision ordonnant sa reconduite à la frontière en l'absence de moyens de transport immédiats ; qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation, l'intéressé a déclaré avoir perdu son passeport et être sans domicile fixe ; que, par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider que l'intéressé serait placé en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Riad X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Une copie sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
N° 07NT02218
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 07NT02218
Date de la décision : 21/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-12-21;07nt02218 ?
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