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01/10/2007 | FRANCE | N°06NT01302

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 01 octobre 2007, 06NT01302


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2006, présentée pour la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO), dont le siège est Hôtel de Ville à Mortagne-sur-Sèvre (85290), par Me Pierrick Caradeux, avocat au barreau de Nantes ; la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-241 en date du 11 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à titre principal à la décharge, ou, à titre subsidiaire, à la réduction, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été

réclamé au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001 et ...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2006, présentée pour la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO), dont le siège est Hôtel de Ville à Mortagne-sur-Sèvre (85290), par Me Pierrick Caradeux, avocat au barreau de Nantes ; la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-241 en date du 11 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à titre principal à la décharge, ou, à titre subsidiaire, à la réduction, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001 et des pénalités dont il a été assorti ;

2°) de prononcer la décharge et à titre subsidiaire, la réduction demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2007 :

- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;

- les observations de Me Eveno, substituant Me Caradeux, avocat de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO) ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;


Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO) avait invoqué le bénéfice d'une instruction du 15 février 1979 relative aux exceptions à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 261 D du code général des impôts ; qu'en s'abstenant de préciser les motifs pour lesquels l'instruction ne pouvait être retenue, le tribunal a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ; que, dès lors, la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Nantes ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société devant le Tribunal administratif de Nantes ;

Sur les conclusions en décharge de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : “(…) La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (…)” ; et qu'aux termes de l'article 261 D du même code : “Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus, à l'exception des emplacements pour le stationnement des véhicules ; toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les locations constituent pour le bailleur un moyen de poursuivre, sous une autre forme, l'exploitation d'un actif commercial ou d'accroître ses débouchés ou lorsque le bailleur participe aux résultats de l'entreprise locataire ; (…)” ;

Considérant que la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO), ayant pour objet l'étude et la réalisation d'opérations d'aménagement et d'équipements, l'étude et la réalisation d'opérations de construction d'immeubles à usage industriel, commercial, artisanal, de bureaux, d'habitation, destinés soit à la vente soit à la location et la gestion de ces immeubles et équipements ainsi que tous les services publics à caractère industriel et commercial, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 1998 au 30 avril 2001 à l'issue de laquelle, le vérificateur a remis en cause l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des locations d'immeubles nus au motif que l'activité de location immobilière relevait de plein droit de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 261 D du code général des impôts et que la SEMMO n'avait pas exercé, pour les années en litige, l'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de ses locations d'immeubles nus à usage industriel, commercial ou artisanal ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que par baux des 1er septembre et 4 novembre 2000, la SEMMO a donné en location des immeubles nus respectivement à la SA SMURFIT SOCAR dont l'objet est la fabrication transformation et commerce de la cellulose, du papier du carton et du plastique et à la SARL ERECAM, dont l'activité est la fabrication d'automatismes, la commercialisation et le négoce de produits d'emballage ; que compte tenu de l'indépendance de l'activité de la SEMMO et de celles des sociétés locataires, les locations en cause ne constituaient pas un moyen pour la société requérante de poursuivre sous une autre forme l'exploitation d'un actif commercial ; que les locations en cause ne constituaient pas non plus un moyen d'accroître ses débouchés ; que sont sans incidence sur ce point les circonstances que la SEMMO est chargée d'une mission de développement économique local et que les immeubles en cause ont été spécifiquement construits pour les sociétés locataires ; qu'enfin, même si les statuts de la SEMMO prévoient la possibilité pour la société d'effectuer des actes tendant à la sauvegarde des intérêts commerciaux ou financiers des entreprises avec lesquelles elle est en relation d'affaires, cette circonstance ne permet pas de regarder la société comme participant aux résultats des entreprises locataires, la société ne soutenant pas que les loyers seraient calculés en fonction du bénéfice ou du chiffre d'affaires des sociétés locataires ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les locations en cause étaient exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, à défaut pour la SEMMO d'avoir, pour la période en litige, exercé l'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée sur les loyers perçus, sans que la société puisse opposer la circonstance qu'elle se serait comportée comme un assujetti en en remplissant les obligations et que l'administration n'aurait pas contesté les déclarations déposées ;

Considérant, en second lieu, que la SEMMO se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 15 février 1979 publiée au BODGI 3 C.A-79 qui prévoit que “En revanche les locations de locaux nus (…) ou à usage professionnel (…) sont en règle générale exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 261 D même si elles sont consenties par des sociétés commerciales dans la mesure où les locations en cause restent totalement étrangères à l'activité commerciale de cette société.” et expose ensuite les cas où l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas applicable ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que si l'activité de location est prévue par les statuts de la SEMMO, les locations en cause concernent des sociétés dont l'activité est indépendante de celle de la SEMMO ; que, ni cette instruction, ni la doctrine administrative DB 3 A-316 du 1er mai 1992, n°s 4, 5 et 6 dont la requérante se prévaut également n'ont eu pour effet d'étendre le bénéfice de l'exception à la règle d'exonération aux locations de la nature de celles effectuées par la SEMMO ; que par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de ces doctrines qui ne font pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;

Sur les conclusions en réduction de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 260 du code général des impôts : “Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée (...) 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un industriel, d'un commerçant ou d'un prestataire de services ; (...) Les conditions et modalités de l'option sont fixées par décret en Conseil d'Etat” ; que, par application des dispositions du 1° de l'article 286 du code général des impôts auxquelles renvoient les articles 195 et 191 de l'annexe II audit code pris pour l'application de l'article 260-2° précité, cette option doit faire l'objet d'une déclaration expresse à l'administration ; que, par ailleurs, elle doit être distinctement formulée pour chaque immeuble ; qu'aux termes de l'article 226 de l'annexe II au code général des impôts pris sur le fondement de l'article 273 dudit code : “Les personnes qui deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée peuvent opérer la déduction dans les conditions fixées par les articles 205 à 242 B : (...) 2° de la taxe ayant grevé les biens constituant des immobilisations qui n'ont pas encore commencé à être utilisés à la date à laquelle elles sont devenues redevables ; 3° d'une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens constituant des immobilisations en cours d'utilisation. Cette fraction est égale au montant de la taxe ayant grevé les biens, diminué d'un cinquième par année civile ou fraction d'année civile écoulée depuis la date à laquelle cette taxe est devenue exigible. Pour les immeubles, la diminution est calculée par vingtièmes” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bail commercial conclu entre la SEMMO et la SARL ERECAM stipule, au paragraphe “Option à TVA” que “le bailleur rappelle qu'il a préalablement à l'établissement des présentes opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée sur la perception des loyers au taux de 19,6 %.” ; qu'une telle clause ne peut être regardée comme valant, en elle-même, déclaration d'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des produits de la location en cause ; qu'il n'est pas contesté que la SEMMO n'a adressé à l'administration que le 15 octobre 2001 une déclaration expresse d'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers perçus pour l'immeuble donné en location à la SARL ERECAM ; que, dès lors, la SEMMO n'est devenue redevable à la taxe sur la valeur ajoutée qu'à compter du 1er octobre 2001 ; que son droit à déduction doit être calculé, conformément aux dispositions du 3° de l'article 226 précité de l'annexe II au code général des impôts en appliquant au montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ayant grevé la valeur de l'immeuble une diminution d'un vingtième par année civile ou fraction d'année civile, soit, en l'espèce deux vingtièmes ;

Considérant il est vrai que la SEMMO se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la position adoptée par l'administration, qui, dans une décision du 20 novembre 2002, a admis que la clause insérée dans le bail conclu avec la SA SMURFIT SOCAR et rédigée en termes plus précis que celle en litige, valait option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, et a calculé le droit à déduction à partir de la date d'enregistrement du bail ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : “Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (…)” ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : “La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal” ; qu'eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité des interprétations ou des appréciations de l'administration en vertu de ces articles, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A et sur celui de l'article L. 80 B, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, que des interprétations et appréciations antérieures à l'imposition primitive ;

Considérant que la prise de position invoquée par la société requérante, qui, au demeurant, ne concerne pas une situation de fait identique, n'était pas, en tout état de cause, antérieure à l'imposition primitive ; que par suite, la SEMMO n'est pas fondée à demander, à titre subsidiaire, que la fraction déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'immeuble donné en location à la SARL ERECAM soit calculée en tenant compte d'un abattement d'un vingtième ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE devant le Tribunal administratif de Nantes doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO) la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 03-241 du 11 mai 2006 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO) devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE MORTAGNAISE (SEMMO) et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

N° 06NT01302
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01302
Date de la décision : 01/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : CARADEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-10-01;06nt01302 ?
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