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26/06/2007 | FRANCE | N°06NT01031

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 26 juin 2007, 06NT01031


Vu la requête enregistrée le 26 mai 2006, présentée pour la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER, représentée par son maire en exercice, par Me Gourvennec, avocat au barreau de Brest ; la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-4263 du 2 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a, sur déféré du préfet du Finistère, annulé l'article 1er de l'arrêté du 1er octobre 2004 du maire de Carhaix-Plouguer interdisant, pour une durée de trois ans, la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées (OGM), ainsi qu

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Vu la requête enregistrée le 26 mai 2006, présentée pour la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER, représentée par son maire en exercice, par Me Gourvennec, avocat au barreau de Brest ; la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-4263 du 2 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a, sur déféré du préfet du Finistère, annulé l'article 1er de l'arrêté du 1er octobre 2004 du maire de Carhaix-Plouguer interdisant, pour une durée de trois ans, la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées (OGM), ainsi que tous les essais des mêmes plantes à titre privé ou public sur le territoire de la commune ;

2°) de rejeter le déféré présenté par le préfet du Finistère devant le Tribunal administratif de Rennes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 93-117 du 18 octobre 1993 ;

Vu le décret n° 96-850 du 20 septembre 1996 ;

Vu l'arrêté du 21 septembre 1994 du ministre de l'agriculture relatif au dossier de demande de dissémination volontaire à toute autre fin que la mise sur le marché et au dossier de mise sur le marché de plants, semences ou plantes génétiquement modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2007 :

- le rapport de M. Lalauze, rapporteur ;

- les observations de Me Gourvennec, avocat de la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;




Considérant que la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER interjette appel du jugement du 2 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a, sur déféré du préfet du Finistère, annulé l'article 1er de l'arrêté du 1er octobre 2004 du maire de Carhaix-Plouguer interdisant, pour une durée de trois ans, la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, ainsi que tous les essais des mêmes plantes à titre privé ou public sur le territoire de la commune ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal, après avoir indiqué, d'une part, “qu'en tout état de cause, en matière de police spéciale de l'environnement, le maire n'est compétent que lorsqu'il est en mesure d'identifier avec suffisamment de précisions un péril imminent”, d'autre part, que le maire de Carhaix-Plouguer “n'allègue pas, au soutien de l'application du principe de précaution qu'un tel péril serait immédiat”, a estimé que la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER n'était pas fondée à soutenir que le maire “pouvait, en l'espèce, estimer être en présence de dommages graves et irréversibles à l'environnement sur le territoire communal” ; que, dans ces conditions et contrairement à ce qui est soutenu, le jugement attaqué est suffisamment motivé au sens de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
Sur la légalité de l'arrêté du 1er octobre 2004 du maire de Carhaix-Plouguer :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 533-2 du code de l'environnement : “Au sens du présent chapitre, on entend par dissémination volontaire toute introduction intentionnelle dans l'environnement, à des fins de recherche ou de développement ou à toute autre fin que la mise sur le marché, d'un organisme génétiquement modifié ou d'une combinaison d'organismes génétiquement modifiés” ; qu'aux termes de l'article L. 533-3 dudit code codifiant l'article 11 de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 transposant la directive n° 90/220/CEE du 23 avril 1990 : “Toute dissémination volontaire, ou tout programme coordonné de telles disséminations, est subordonné à une autorisation préalable. Cette autorisation est délivrée par l'autorité administrative après examen des risques que présente la dissémination pour la santé publique ou pour l'environnement. Elle peut être assortie de prescriptions. Elle ne vaut que pour l'opération pour laquelle elle a été sollicitée” ; qu'aux termes de l'article L. 535-2 du même code : “I - Dans tous les cas où une nouvelle évaluation des risques que la présence d'organismes génétiquement modifiés fait courir à la santé publique ou à l'environnement le justifie, l'autorité administrative peut, aux frais du titulaire de l'autorisation ou des détenteurs des organismes génétiquement modifiés : 1°) Suspendre l'autorisation dans l'attente d'informations complémentaires et, s'il y a lieu, ordonner le retrait des produits de la vente ou en interdire l'utilisation ; 2°) Imposer des modifications aux conditions de la dissémination volontaire ; 3°) Retirer l'autorisation ; 4°) Ordonner la destruction des organismes génétiquement modifiés et, en cas de carence du titulaire de l'autorisation ou du détenteur, y faire procéder d'office. II - Sauf en cas d'urgence, ces mesures ne peuvent intervenir que si le titulaire a été mis à même de présenter ses observations” ; qu'aux termes de l'article 1er, alors en vigueur, du décret du 18 octobre 1993 susvisé : “L'autorisation prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1992 (…) est, s'agissant des plantes, semences ou plants génétiquement modifiés, délivrée par le ministre chargé de l'agriculture après accord du ministre chargé de l'environnement” ; qu'aux termes de l'article 9, alors applicable, de ce même décret : “Dans tous les cas où une nouvelle évaluation des risques que la présence d'organismes génétiquement modifiés fait courir à la santé publique ou à l'environnement le justifie, le ministre chargé de l'agriculture peut, aux frais du titulaire de l'autorisation : a) Suspendre l'autorisation dans l'attente d'informations complémentaires ; b) Modifier les prescriptions spéciales ; c) Retirer l'autorisation si ces risques sont tels qu'aucune mesure ne puisse les faire disparaître ; d) Ordonner la destruction des organismes génétiquement modifiés et, en cas de carence du titulaire de l'autorisation ou du détenteur, y faire procéder d'office. Sauf en cas d'urgence, ces mesures ne peuvent intervenir que si le titulaire a été mis à même des présenter ses observations” ; qu'en vertu de l'article 1er de l'arrêté du 21 septembre 1994 susvisé alors applicable, le dossier technique transmis au ministre de l'agriculture comprend des informations concernant le site de dissémination, la proximité de biotopes officiellement reconnus ou de zones protégées susceptibles d'être affectées, des informations concernant la dissémination, notamment l'objectif de la dissémination, la date et la durée prévues de l'opération, la méthode de dissémination envisagée, la préparation et la gestion du site avant, pendant et après la dissémination, y compris les pratiques culturales et les méthodes de récolte ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : “Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (…)” ; qu'aux termes de l'article L. 2212 ;2 dudit code : “La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 5°) Le soin de prévenir par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, (…) les pollutions de toute nature, (…) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure” ; qu'aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : “En cas de danger grave ou imminent, tels que les accidents naturels prévus au 5°) de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances” ;
Considérant que s'il appartient au maire de prendre toutes les mesures de police générale nécessaires pour assurer la protection de la salubrité publique, le régime d'autorisation administrative institué dans un but de police par les dispositions précitées de l'article L. 533-3 du code de l'environnement relève de la compétence du ministre chargé de l'agriculture ; que le maire ne peut, en l'absence de péril imminent, s'immiscer dans l'exercice des pouvoirs de police spéciale relevant des attributions des services de l'Etat ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que, pour interdire pendant une période de trois ans sur l'ensemble du territoire communal les essais et la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, le maire de Carhaix-Plouguer se soit fondé sur le risque de survenance d'un danger grave et imminent au sens des dispositions précitées de l'article L. 2212 ;4 du code général des collectivités territoriales ; que, ne sauraient en tenir lieu, ni les perspectives de développement de l'agriculture traditionnelle ou biologique, ni la nécessité de respecter le principe de précaution, dès lors qu'il n'est aucunement justifié d'un risque grave et immédiat d'atteinte à ces perspectives et aux intérêts protégés par ce principe ; que, dans ces conditions, le maire de Carhaix-Plouguer n'a pu, légalement, interdire pour une durée de trois ans la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, ainsi que tous les essais des mêmes plantes à titre privé ou public, sur le territoire communal ; qu'il suit de là qu'en édictant une telle interdiction, le maire a excédé les pouvoirs de police qu'il tient du code général des collectivités territoriales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé l'article 1er de l'arrêté du 1er octobre 2004 du maire de Carhaix-Plouguer interdisant pour une durée de trois ans la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, ainsi que tous les essais des mêmes plantes à titre privé ou public, sur le territoire de la commune ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CARHAIX-PLOUGUER et au préfet du Finistère.
Une copie en sera, en outre, adressée au ministre de l'agriculture et de la pêche et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.




N° 06NT01031
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01031
Date de la décision : 26/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Robert LALAUZE
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : GOURVENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-06-26;06nt01031 ?
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