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30/03/2007 | FRANCE | N°07NT00164

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 30 mars 2007, 07NT00164


Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2007, présentée par le PRÉFET DE LA MAYENNE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-7517 du président du Tribunal administratif de Nantes, en date du 22 décembre 2006, en tant que, par ce jugement, le président du tribunal a annulé la décision du PRÉFET DE LA MAYENNE, en date du 8 décembre 2006, fixant la Guinée comme pays à destination duquel M. Alassane X devait être reconduit ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de

Nantes aux fins d'annulation de ladite décision ;
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Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2007, présentée par le PRÉFET DE LA MAYENNE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-7517 du président du Tribunal administratif de Nantes, en date du 22 décembre 2006, en tant que, par ce jugement, le président du tribunal a annulé la décision du PRÉFET DE LA MAYENNE, en date du 8 décembre 2006, fixant la Guinée comme pays à destination duquel M. Alassane X devait être reconduit ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes aux fins d'annulation de ladite décision ;
……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2007 :

- le rapport de M. Vandermeeren, président de la Cour ;

- les observations de Me Renard, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;




Considérant que le PRÉFET DE LA MAYENNE relève appel du jugement du 22 décembre 2006 par lequel le président du Tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 8 décembre 2006 fixant le pays à destination duquel M. X devait être reconduit à la frontière ; que ce dernier demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, l'annulation du même jugement en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du même jour décidant de le reconduire à la frontière ;

Sur l'appel principal du PRÉFET DE LA MAYENNE :
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du 8 décembre 2006 du PRÉFET DE LA MAYENNE fixant la Guinée comme pays de destination de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, M. X soutient que ses filles, nées en France le 1er août 2005 et le 18 novembre 2006, ne sont pas en mesure de l'accompagner dans son pays d'origine où elles encourent un risque d'excision ; qu'il résulte des pièces du dossier que cette pratique est très largement répandue sur l'ensemble du territoire de la Guinée et que, d'ailleurs, la compagne de M. X, originaire de Conakry, ainsi que la fille aînée de celle-ci, aujourd'hui âgée de six ans, ont subi cette mutilation contre leur gré, comme l'atteste notamment un certificat médical établi le 10 octobre 2006 ; que l'excision pratiquée sur une personne contre sa volonté constitue un traitement inhumain et dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que les autorités guinéennes mèneraient une politique active en vue de mettre fin aux mutilations génitales féminines, la réalité des menaces pesant sur les filles de M. X fait obstacle à ce qu'elles suivent leur père dans son pays d'origine ; que, dès lors, le PRÉFET DE LA MAYENNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du Tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 8 décembre 2006 fixant la Guinée comme pays de destination de la reconduite de M. XX ;

Sur l'appel incident de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) - 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité guinéenne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 janvier 2006, de la décision du PRÉFET DE LA MAYENNE du 29 décembre 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant que, si M. X soutient qu'il est entré en France en janvier 2004, qu'il y vit de façon stable avec sa compagne et la fille aînée de celle-ci, ainsi que leurs deux filles nées en France et qui, pour les motifs exposés ci-dessus, ne peuvent l'accompagner en Guinée, que le centre de ses intérêts privés se situe en France, qu'il y dispose d'une adresse fixe, qu'il peut exercer une activité professionnelle, qu'il s'exprime en langue française et qu'il n'a jamais troublé l'ordre public, il ressort toutefois des pièces du dossier que sa compagne est en situation irrégulière ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce et en l'absence d'obstacle avéré qui mettrait les intéressés dans l'impossibilité de poursuivre leur vie familiale hors de France, l'arrêté du PRÉFET DE LA MAYENNE, en date du 8 décembre 2006, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le PRÉFET DE LA MAYENNE à son appel incident, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :

Considérant que l'exécution du présent arrêt n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour à M. X, mais impose seulement au PRÉFET DE LA MAYENNE de réexaminer les modalités d'exécution de son arrêté de reconduite à la frontière ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'État à payer à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;





DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PRÉFET DE LA MAYENNE est rejetée.
Article 2 : Le PRÉFET DE LA MAYENNE réexaminera, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, les modalités d'exécution de son arrêté, en date du 8 décembre 2006, décidant la reconduite à la frontière de M. X.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à M. Alassane X. Une copie sera transmise au PRÉFET DE LA MAYENNE.
N° 07NT00164
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 07NT00164
Date de la décision : 30/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Roland VANDERMEEREN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-03-30;07nt00164 ?
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