Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2005, présentée pour la société EIFFAGE CONSTRUCTION, dont le siège est 143, avenue de Verdun à Issy-les-Moulineaux (92442), intervenant aux droits des sociétés Quillery et Guillemot, par Me Nègre, avocat au barreau de Tours ; la société EIFFAGE CONSTRUCTION demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-733 en date du 1er mars 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande des sociétés Quillery et Guillemot tendant à la condamnation solidaire de l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Tours et de la ville de Tours à leur verser les sommes de :
- 3 733,25 euros au titre des intérêts moratoires dus sur la situation de travaux n° 21 et échus au 24 octobre 1997, majorés de 2 % par mois à compter de cette date et capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 8 novembre 1999 ;
- 19 304,62 euros en remboursement des pénalités de retard indûment assorties des intérêts moratoires au taux de 7,82 % à compter du 31 octobre 1995 sur la somme de 14 144,52 euros et au taux de 8,65 % à compter du 31 août 1996 sur la somme de 5 160,09 euros ;
- 1 756 638,42 euros à titre d'indemnité pour sujétions imprévues avec intérêts moratoires au taux de 5,87 % à compter du 5 juillet 1997 ;
2°) de condamner solidairement, ou à défaut distinctement, l'OPAC de Tours et la ville de Tours à lui verser les sommes susmentionnées, l'ensemble des intérêts moratoires devant être capitalisés à compter de la date d'enregistrement de la requête ou, à défaut, à compter du 8 novembre 1999 ;
3°) de condamner l'OPAC de Tours et la ville de Tours à lui verser une somme de 7 622,45 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2007 :
- le rapport de Mme Gélard, rapporteur ;
- les observations de Me Cruanes-Duneigre, avocat de l'OPAC de Tours ;
- les observations de Me Bardon substituant Me Meunier, avocat de MM. X, Y, Z et de la SARL Baticoncept ;
- les observations de Me David substituant Me Nail, avocat de la société Socotec ;
- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que dans le cadre de la construction du complexe dénommé Sanitas-Centre de Vie à Tours, l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Tours, agissant tant en son nom qu'en sa qualité de maître d'ouvrage délégué de la ville de Tours, a confié, d'une part, la mission de maîtrise d'oeuvre à MM. X, Y et Z ainsi qu'au bureau d'études Baticoncept et, d'autre part, la mission de contrôle technique à la société Socotec ; que le marché de travaux a été attribué le 14 décembre 1994 au groupement d'entreprises constitué des sociétés Quillery, mandataire, et Guillemot ; que le montant initial du marché fixé à 8 954 855,27 euros TTC a été porté par l'effet d'ordres de service successifs à 9 496 671,29 euros TTC ; que la société EIFFAGE CONSTRUCTION, venant aux droits du groupement Quillery-Guillemot, interjette appel du jugement en date du 1er mars 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande desdites sociétés tendant à la condamnation solidaire de l'OPAC de Tours et de la ville de Tours à leur verser la somme de 3 733,25 euros correspondant aux intérêts moratoires dus à compter du 24 octobre 1997 au titre de la situation n° 21, celle de 19 304,62 euros en remboursement des pénalités de retard appliquées lors du règlement du marché et celle de 1 756 638,42 euros à titre d'indemnité pour sujétions imprévues ;
Sur les intérêts moratoires afférents à la situation de travaux n° 21 et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par l'OPAC de Tours, la SARL Baticoncept ainsi que MM. X, Y et Z :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la situation n° 21 adressée le 3 décembre 1996 par l'entreprise Quillery à l'OPAC de Tours comportait notamment le montant des travaux supplémentaires qu'il lui avait été demandé d'exécuter par différents ordres de service ; que le montant total de ces travaux dépassant de plus de 5 % le montant du marché initial, un avenant a été adressé pour signature à la société Quillery qui l'a reçu le 6 janvier 1997 ; que, toutefois, par lettre du 15 janvier 1997, cette société a informé le maître de l'ouvrage qu'elle ne signerait pas ledit avenant dès lors qu'il n'était pas tenu compte de sa demande tendant à la prolongation des délais d'exécution pour la réalisation des travaux prescrits par les ordres de service susmentionnés ; que, dans ces conditions, et alors que selon les stipulations de l'article 13.231 du cahier des clauses administratives générales applicables au présent marché, si la personne responsable du marché est empêchée, du fait du titulaire du marché, de procéder à une opération nécessaire au mandatement, le délai de mandatement, normalement de 45 jours, est suspendu pour une période égale au retard qui en est résulté, la société requérante ne saurait demander le versement d'intérêts moratoires à compter du 18 janvier 1997 ; que, par suite, la société EIFFAGE CONSTRUCTION n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté les conclusions relatives auxdits intérêts moratoires ;
Sur les sujétions imprévues et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par l'OPAC de Tours, la SARL Baticoncept ainsi que par MM. X, Y et Z :
Considérant que les difficultés exceptionnelles et imprévisibles que l'entrepreneur rencontre dans l'exécution d'un marché à prix forfaitaire peuvent ouvrir droit à réparation à son profit dans la mesure où il justifie, soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à un fait du maître de l'ouvrage ;
Considérant que si la société requérante persiste à demander devant la Cour la condamnation solidaire de l'OPAC de Tours et de la ville de Tours à l'indemniser, pour un montant de 1 756 638,42 euros, des surcoûts qui auraient été exposés par les sociétés Quillery et Guillemot à raison des difficultés qu'elles auraient rencontrées pendant l'exécution du chantier, elle n'invoque en appel aucun moyen de nature à établir que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges pour rejeter sa demande, les entreprises susnommées auraient supporté le coût de prestations supplémentaires qui n'aurait pas été pris en compte lors du règlement du marché pour un montant total de 9 496 671,29 euros ; que, par ailleurs, elle n'établit pas davantage que les deux entreprises, aux droits desquelles elle vient, auraient rencontré, dans l'exécution du marché conclu à prix forfaitaire, des sujétions imprévues sortant de toute prévision contractuelle et qui auraient bouleversé l'économie du marché ou qui seraient imputables à la maîtrise d'ouvrage ; que, par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions relatives auxdites sujétions ;
Sur les pénalités de retard :
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que les griefs de la société EIFFAGE CONSTRUCTION seraient essentiellement dirigés contre les architectes et les bureaux d'études chargés de la maîtrise d'oeuvre, et non contre le maître de l'ouvrage, est sans incidence sur la recevabilité de sa requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières, qui déroge à l'article 20 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : L'entrepreneur subira, par jour de retard dans l'achèvement des travaux, une pénalité fixée comme suit : (…) Si le retard par rapport au planning dans l'exécution d'une tâche d'une entreprise est de nature à perturber la bonne exécution des travaux des autres entreprises, il sera appliqué, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable, une pénalité de 1 000 F par jour calendaire de retard à l'entreprise défaillante. ;
Considérant que l'OPAC de Tours soutient que les retards dans l'exécution des travaux des tranches intermédiaires du marché, provoqués par le manque d'organisation du groupement Quillery-Guillemot, ont perturbé les autres entreprises intervenant sur le chantier ; que toutefois, le marché était conclu avec le groupement Quillery-Guillemot en qualité d'entreprise générale ; qu'ainsi, les sous-traitants du groupement, les sociétés de nettoyage et les fournisseurs de mobiliers n'étaient pas contractuellement liés au maître de l'ouvrage dans le cadre de ce marché et ne pouvaient être regardés comme constituant d'autres entreprises au sens de l'article 4.3.1 précité du cahier des clauses administratives particulières ; que par suite, l'OPAC de Tours ne pouvait se fonder sur ces stipulations pour appliquer des pénalités de retard au groupement Quillery-Guillemot, dont il n'est pas contesté qu'il avait par ailleurs respecté le délai global d'exécution du marché auquel il était tenu ; que dès lors, la société EIFFAGE CONSTRUCTION est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant au remboursement desdites pénalités assorties des intérêts moratoires ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les pénalités de retard ont été appliquées pour un montant de 14 144,52 euros TTC au titre de la situation n° 8 établie pour le mois d'octobre 1995 et pour un montant de 5 160,09 euros TTC au titre de la situation n° 18 établie pour le mois d'août 1996 ; que, par suite, la société requérante a droit au versement des intérêts moratoires portant sur lesdites sommes à compter, respectivement, du 1er novembre 1995 et du 1er septembre 1996 ; que la capitalisation des intérêts susmentionnés a été demandée en première instance le 9 novembre 1999 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EIFFAGE CONSTRUCTION est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités de retard qui lui ont été infligées et à la condamnation solidaire de l'OPAC de Tours et de la ville de Tours à lui rembourser la somme de 19 304,62 euros correspondant à ces pénalités ;
Sur les conclusions d'appel en garantie de l'OPAC de Tours :
Considérant que l'OPAC de Tours étant seulement condamné à rembourser les pénalités de retard indûment appliquées au groupement Quillery-Guillemot, ses conclusions tendant à ce que la SARL Baticoncept, la société Socotec ainsi que MM. X, Y et Z le garantissent de toute condamnation prononcée à son encontre ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions d'appel en garantie de la société Socotec et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par celle-ci :
Considérant qu'en l'absence de toute condamnation prononcée à l'encontre de la société Socotec, les conclusions de cette dernière tendant à être garantie par la SARL Baticoncept ainsi que par MM. X, Y et Z sont sans objet ; que dès lors, elles ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'OPAC de Tours et la ville de Tours à verser à la société EIFFAGE CONSTRUCTION la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions de l'OPAC de Tours, de la ville de Tours, de la SARL Baticoncept, de la société Socotec et de MM. X, Y et Z tendant au remboursement des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 98-733 du 1er mars 2005 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande des sociétés Quillery et Guillemot tendant à la décharge des pénalités de retard qui leur ont été infligées.
Article 2 : L'OPAC de Tours et la ville de Tours sont condamnés solidairement à rembourser à la société EIFFAGE CONSTRUCTION la somme de 19 304,62 euros TTC (dix neuf mille trois cent quatre euros et soixante deux centimes) correspondant aux pénalités retenues à tort. De cette somme, 14 144,52 euros (quatorze mille cent quarante quatre euros et cinquante deux centimes) porteront intérêts moratoires à compter du 1er novembre 1995 et 5 160,09 euros (cinq mille cent soixante euros et neuf centimes) à compter du 1er septembre 1996, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts à partir du 9 novembre 1999.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société EIFFAGE CONSTRUCTION est rejeté.
Article 4 : Les conclusions d'appel en garantie de l'OPAC de Tours et de la société Socotec sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions de l'OPAC de Tours, de la ville de Tours, de la SARL Baticoncept, de la société Socotec ainsi que de MM. X, Y et Z tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société EIFFAGE CONSTRUCTION, à l'Office public d'aménagement et de construction de Tours, à la ville de Tours, à la SARL Baticoncept, à la société Socotec, à M. Vincent X, à M. Jean Y et à M. Denis Z.
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N° 05NT00701
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